« Est ce que ça vaut le coup de défricher de la forêt pour produire de l’électricité pour des industriels ? ». Ainsi Jacques Archimbaud, président de la Commission particulière du débat public (CPDP), résume-t-il la question posée aux citoyens et parties prenantes dans le dossier Horizeo.
Cette centrale photovoltaïque géante – 900 hectares, trois fois plus que l’actuel parc de Cestas, déjà le plus grand de France -, prévu à Saucats (Gironde) nécessiterait en effet de couper 1000 hectares de surface boisée, dédiée actuellement à la sylviculture du pin maritime.
Porté par l’énergéticien Engie, la Banque des territoires (filiale de la Caisse des dépôts), et Neoen (un producteur français d’énergie photovoltaïque), et soutenu par RTE et la mairie de Saucats, cette plateforme doit aussi comprendre un data center, une unité de stockage d’électricité dans des batteries, une autre de production d’hydrogène et des serres agricoles.
Un investissement à un milliard
Parce qu’il représente un investissement supérieur 300 millions d’euros (il chiffré à un milliard d’euros), ce projet – « le plus important d’Europe, et l’un des 20 plus importants au monde », selon Jacques Archimbaud – nécessite l’organisation d’une concertation sous l’égide de la CNDP (commission nationale du débat public).
Elle débute ce jeudi 9 septembre à Bordeaux, par une réunion publique à 18h30 au Palais des Congrès, et s’achèvera le 9 janvier prochain. Des ateliers de controverse et thématiques, des points de contacts ou encore des visites de terrains sont prévues. Jacques Archimbaud, une commission de sept membres indépendants, espère une participation de 5 à 10000 personnes.
« Notre volonté est de ne pas s’en tenir aux spécialistes de la spécialité et aux professionnels de la profession mais d’aller vers M. et Mme Tout-le-monde. Chacun paye sa facture d’électricité, consomme des données avec son smatrphone ou envisage d’acheter un véhicule électrique, on baigne donc dans ces sujets. »
Sujets de controverse
Les concertations préalables ont dégagé « quatre grands sujets qui font controverse » : faut-il développer le photovoltaïque en France, afin d’atteindre l’objectif de multiplier par trois l’électricité solaire d’ici 2028 ?
Par ailleurs, la Nouvelle-Aquitaine « peut elle se passer d’Horizeo » pour atteindre son propre objectif (multiplier par 2,5 sa production photovoltaïque), sachant que la seule centrale de Saucats représenterait 15% de cet effort ? Doit on privilégier de tels méga-complexes dans des espaces naturels, ou viser des centrales plus petites mais dans des zones déjà artificialisées (toitures, parkings…) ? Enfin, la CNDP ouvre le débat sur la protection des forêts :
« Certains diront qu’un projet présenté comme « bas carbone » ne pourra jamais faire mieux pour le climat que la décarbonation offerte par les arbres (une pétition en ce sens a déjà recueilli près de 18000 signatures, NDLR). Pour autant d’autres estiment que la parcelle de Saucats est de pauvre qualité écologique », avec une faible diversité de plantations, des pins pour l’industrie papetière qui font l’objet de coupes rases régulières.
Jacques Archimbaud cite d’autres arguments en faveur d’Horizeo : le prix de l’électricité photovoltaïque (autour de 120 euros/MW) sera plus bas que celui des centrales nucléaires françaises, confrontées au « mur d’investissement » du grand carénage (un milliard d’euros pour la seule centrale du Blayais) et aux problèmes de fabrication des EPR.
Moratoire
Mais aussi à décharge : les panneaux solaires seront fabriqués en Asie, plombant son bilan carbone, et le CESER (conseil économique, social et environnemental) de Nouvelle-Aquitaine réclame un moratoire sur ce projet (et celui du parc éolien d’Oléron), pour mettre de l’ordre dans la gouvernance de la production d’énergies renouvelables.
« Ces investissements stratégiques », indique le CESER, « ne peuvent être laissés à la seule appréciation des stratégies financières et industrielles de groupes ou consortiums privés, ni se faire projet par projet, ou territoire par territoire. Elles doivent faire l’objet d’une maîtrise publique pleine et entière ».
« On se prononcera pas sur le projet lui-même, précise pour sa part le président de la CPDP. On informe le public, on recense les arguments et on rend compte des points de consensus, d’interrogation et de dissensus. Puis nous fournirons des recommandations au maitre d’ouvrage et aux pouvoirs publics. In fine, l’Etat décidera s’il donne son autorisation. »
« La décision n’est pas prise »
Contrairement à d’autres débats qu’il a présidé, et au tiers des dossiers traités par la CNDP, selon ses estimations, Jacques Archimbaud estime que « le match n’est pas joué d’avance » concernant Horizeo :
« Sur ce projet là je pense que la décision n’est pas prise, même par le maitre d’ouvrage qui regarde encore les avantages et les inconvénients. Et les avis sont partagés dans les services de l’Etat, je peux vous le dire sans trahir aucun secret. Si j’avais la conviction que le match était joué avant je n’aurais pas accepté ça car les gens en ont assez de ces débats où ils ont l’impression que tout est plié. Ici le jeu est très ouvert et le débat public pèsera dans la décision. Quand on écoute pas ce que disent les gens, en général ça finit mal. »
Et de citer le débat sur Cigéo, le centre d’enfouissement de déchets nucléaires, ou celui sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, dont les choix fiscaux qui en ont découlé ont mis les Gilets jaunes dans la rue.
Concernant Horiezo, la commission du débat public travaillera sur quatre scénarios : réaliser le projet tel qu’il est dans le dossier du maître d’ouvrage ; le faire en en modifiant des aspects ; l’abandonner en trouvant d’autres solutions photovoltaïques, ou l’arrêter en renforçant les capacités nucléaires existantes. Ou les économies d’énergie…
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