Deux Postiers de Bordeaux vont-ils être licenciés pour avoir parlé à leurs collègues, c’est-à-dire simplement exercé leur mission de délégués syndicaux ? C’est ce que pourraient encourir deux représentants de Sud PTT, premier syndicat à La Poste en Gironde. Julien Colas a reçu sans préavis un deuxième avertissement, et Willy Dhellemmes était convoqué ce jeudi 20 janvier au siège de Bordeaux pour un entretien préalable avant un éventuel passage devant le conseil de discipline, dans les jours qui viennent.
« A partir du moment où on est convoqué, c’est pour écoper à terme d’une sanction lourde, allant du blâme au licenciement, en passant par une suspension de 1 jour à 3 mois », explique ce dernier, soutenu avant cette audience à Mériadack par l’intersyndicale (Sud, CGT, CNT…) et une centaine de personnes, salariés de la Poste, élus ou représentants d’autres secteurs professionnels. Willy Dhellemmes évoque un précédent :
« La dernière fois qu’un militant syndical a été convoqué à une commission consultative paritaire en Gironde, c’était pour des faits similaires, et cela a abouti à un licenciement en 2012. La cour d’appel a obligé La Poste à le réintégrer, mais 5 ans plus tard. »
Fidèles aux postes
Il est reproché aux syndicalistes girondins, mais aussi à plusieurs autres délégués SUD et CGT du Calvados, des Hauts-de-Seine, venus pour certains apporter leur témoignage, d’être entrés dans des centres de courriers sans avoir prévenu leurs directions – ce qui, affirment-ils, n’est pas obligatoire pour les représentants du personnel. Ils sont également accusés d’avoir perturbé les salariés dans leur service.
« Nous sommes intervenus à la plateforme courrier de Bordeaux Lac à Bacalan, où on a discuté avec le personnel pendant le temps d’habillement, raconte Willy Dhellemmes. Une responsable est venue nous demander de partir, nous reprochant d’avoir sorti les gens de leur poste, alors que les collègues avaient débauché. On essaie justement de ne pas gêner, et on était en dehors du temps de travail. »
L’entreprise, sollicitée par Rue89 Bordeaux, n’a pas souhaité commenter à ce stade de la procédure, précisant toutefois que la procédure contre Willy Dhellemmes pourrait aussi s’arrêter là.
« Nettoyage »
Cet incident, et la diffusion sur Facebook de la vidéo de l’altercation, ont entraîné la convocation de Willy Dhellemmes, et la sanction à Julien Colas, déjà en appel contre un précédent avertissement.
« C’est le syndicalisme en général qu’ils attaquent si on ne peut plus aller voir les postiers et organiser la riposte des travailleurs, estime ce dernier. On sait qu’on est dans notre bon droit et qu’on est représentatifs des salariés, mais la direction joue avec les mises à pied et les délais très longs de la justice pour les contester. »
Pour Sud PTT, ce conflit social s’inscrit dans un « nettoyage » voulu par la direction de La Poste « en vue de parachever sa pleine privatisation et l’abandon progressif de l’acheminement du courrier ».
« On supprime des emplois sous prétexte de la baisse de l’activité courrier. Alors que l’activité colis, rentable et en plein boom, on la donne aux facteurs sous-traitants, aux entreprises privée et aux auto-entrepreneurs, payés à la tâche et qui ne font jamais grève », reprend Julien Colas.
Bureaux des pleurs
Selon Willly Dhellemmes, un appel à la grève nationale est en cours à la Poste, où se « prépare un plan de sauvegarde de l’emploi pour mai 2023 ». Localement, le syndicaliste évoque la suppression de 15 à 20 postes de facteurs à l’établissement de Mériadeck, et la fermeture de plusieurs bureaux de Poste.
Celles des Aubiers et de la gare Saint-Jean ont été récemment officialisées, avec leur remplacement par des « points contacts » chez des commerçants voisins assurant les services postaux de base. « Le bureau du Grand Parc est aussi sur la sellette », assure le syndicaliste Sud.
La direction de la Poste dément ce dernier point. Elle évoque une réorganisation territoriale s’adaptant à la baisse de fréquentation de ses bureaux, et défend la « mutualisation » du service postal avec des administrations municipales ou des commerces. Sud PTT fustige elle un départ du groupe des quartiers populaires injustifiable alors que l’entreprise a réalisé en 2020 2,1 milliards d’euros de bénéfices.
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