« Y a du soleil et Taubira, darladirladada », chantent les soutiens de l’ancienne ministre en attendant son arrivée dans la grande salle de la Faïencerie, copieusement garnie : plus de 600 personnes, dont une grande majorité de jeunes, sont venus écouter la candidate, poussée vers la présidentielle par la mobilisation de comités locaux revendiquant 90000 membres.
« J’apprécie ce qu’elle représente et sa culture », indique Anne, éducatrice spécialisée de 37 ans qui milite depuis plus d’un an dans le groupe de Gironde, affichant un millier d’adhérents sur Facebook, et une cinquantaine en action. « Christiane Taubira s’adresse à nous avec respect et ouverture, comme si on était tous intelligents et capables de suivre sa pensée. »
Et ce jeudi soir à Bordeaux, l’ancienne Garde des sceaux de François Hollande ne l’a pas déçue, avec « un discours de solidarité et d’humanisme ». Arrivée sur scène en fendant la foule et en saluant les spectateurs presque un par un, Christiane Taubira a pris la parole après quelques soutiens.
Printemps français ?
Conseillère municipale de La Réole, Camille Estournes estime que « si les gauches peuvent s’entendre pour gérer les affaires d’une petite ville » comme la sienne, « elles peuvent et doivent le faire à l’échelle de la France ». Adjointe à la mairie de Marseille, Olivia Fortin juge possible de « déployer la méthode du Printemps marseillais » à la présidentielle, et faire à nouveau mentir des pronostics donnant la gauche encalminée.
A plusieurs reprises, les orateurs font applaudir la Primaire populaire, taclée par les principaux candidats à gauche, mais qui aura finalement légitimé la candidature Taubira. Sortie en tête de la phase des parrainages citoyens, l’ex ministre, actuellement encartée dans aucun parti, mais soutenue par le Parti radical de gauche dont elle était membre, est présentée comme une des favorites de l’investiture, dont le vote a lieu jusqu’à ce dimanche.
« J’accepte le risque de la Primaire populaire, réaffirme cette dernière. Le processus a été décrié et c’est normal car le peuple fait peur. »
Le « grand échec »
Or la candidate prétend elle « réhabiliter la parole publique et le processus démocratique ». Elle cite Montesquieu : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Et Christine Taubira entend rompre avec la « verticalité » du quinquennat actuel.
Elle fustige notamment la non publication des cahiers de doléances du Grand Débat suite au mouvement des Gilets jaunes. Et pointe « le grand échec » de la Convention citoyenne pour le climat, « expérience démocratique admirable » invalidée par la promesse non tenue du Président de transmettre « sans filtre » ses propositions au parlement. « 5 ans de perdu » contre le bouleversement climatique, estime-t-elle.
Tout au long de son discours, Christiane Taubira se pose en anti-Macron :
« Je veux être la candidate des hommes et des femmes qui veulent se battre, de celles et ceux dont on a dit qu’ils ne sont rien, de celles et ceux qui traversent la rue et ne trouvent rien. »
Elle a aussi un mot pour « les chauffeurs de VTC » qui ne gagnent pas le SMIC et les agriculteurs, et salue « les femmes exceptionnelles qui dirigent l’Apafed », une association d’aide aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, auxquelles elle a rendu visite à Bordeaux.
Réparer les vivants
Ayant à cœur de remobiliser l’électorat de gauche, elle cogne sur le bilan de la majorité actuelle sur l’écologie et le logement social, attaque la « vision extrêmement conservatrice et inégalitariste de l’école » de Jean-Michel Blanquer, flatte les soignants objets de « mépris hautain » avant la crise sanitaire, tout comme les fonctionnaires. « Nous allons réparer en nous excusant », promet la Guyanaise.
Au cours de ce discours de plus d’une heure, prononcé sans note, Christiane Taubira avance quelques grands principes – rendre plus de pouvoir et de représentativité de la société française au Parlement -, mais peu de propositions concrètes.
Est-ce le fait d’une entrée très tardive (fin décembre) en campagne, ou d’une volonté de positionner sa candidature sur le terrain des valeurs ? Pour connaître son programme détaillé, il faudra attendre le verdict de la Primaire populaire, auquel l’ancienne ministre de la justice a promis de se plier.
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