« Je suis une femme et je peux vous dire qu’elle est un modèle pour nous de courage et de combativité. » L’enthousiasme est à son comble pour cette militante venue en car de Poitiers pour assister au meeting d’Anne Hidalgo à Bordeaux ce samedi 26 février. D’autres sont venus des Pyrénées-Atlantiques ou de Haute-Garonne. « On est militant ou on ne l’est pas », s’emballe une Toulousaine qui dit de sa candidate qu’ « elle tient le choc ». Le choc de quoi ?
« Elle est à 2% [dans les sondages, NDLR] et elle ne lâche rien, ajoute-t-elle avec l’accent du pays. Et on y croit. Il faut lire son programme, il faut écouter ce qu’elle dit. Tout est juste. Elle s’adresse à tous les Français en ces temps où la société est divisée. Tous les autres divisent, elle, elle rassemble. Sauf que les médias ne lui donnent pas la parole. »
Ce sentiment domine visiblement chez les militants socialistes. Quelques jours plus tôt, l’élue municipale Pascale Bousquet-Pitt avançait sans détour que « les dés sont pipés » car « les chaînes de télévision choisissent leurs candidats », laissant entendre qu’Anne Hidalgo n’était pas invitée sur les plateaux. Le premier secrétaire fédéral, Thierry Trijoulet, compte donc sur la quinzaine de meetings, dont celui de Bordeaux, qu’enchaîne la candidate « pour relancer la campagne ».
Le meeting de la remontada
Ce rendez-vous, que Thierry Trijoulet a surnommé « le meeting de la remontada », s’est toutefois retrouvé, comme l’ensemble de la campagne présidentielle, occulté par l’actualité internationale qui ne pouvait pas être ignorée. Aussi, après l’annonce de la venue de la candidate socialiste, un communiqué de presse envoyé le lendemain de l’intervention russe en Ukraine, prévenait qu’ « Anne Hidalgo transformait sa rencontre de Bordeaux en meeting de solidarité avec le peuple ukrainien ». Et pas seulement.
La visite à Bordeaux de la candidate du parti de la rose prend alors les couleurs jaune et bleu, depuis sa déambulation au marché des Capucins dans la matinée jusqu’au rassemblement du jour place de la Victoire. A l’heure de son meeting au Palais des Congrès, elle est gonflée à bloc devant un parterre qui a réuni 700 à 800 personnes, l’accès au balcon étant fermé.
« Sans cette agression infâme, quel plaisir aurions-nous ressenti de t’accueillir chère Anne à Bordeaux », lance Alain Rousset. Le président de la région Nouvelle-Aquitaine est le premier à prendre la parole pendant une dizaine de minutes pour défendre l’industrialisation et la recherche, avant d’évoquer l’Ukraine et l’accueil des réfugiés, « un mot tellement sali par des candidats d’extrême-droite, qui doit redevenir un mot de respect et de défense de la démocratie ».
La deuxième intervenante est une représentante de la diaspora ukrainienne, Maryna Kumeda. Elle rapporte le quotidien de sa famille à Kiev qui vit « dans la cave de la datcha familiale » sous les bombardements russes. Dans la salle, des panneaux aux couleurs du drapeau ukrainien, comme sur l’écran géant, affichent « soutien au peuple ukrainien ». Au micro, le député des Landes Boris Vallaud souligne « un moment difficile pour faire une campagne, mais un moment nécessaire pour que la démocratie ne doute pas de ses valeurs ».
« Fauteur de guerre »
Enfin au pupitre, Anne Hidalgo entame un discours pour assurer l’Ukraine et le peuple ukrainien de son soutien et dénonce « la guerre, le crime de Poutine ». Elle endosse le statut « d’une femme d’État, comptable, même dans l’opposition, de la conduite de notre nation », et dénonce « un crime contre la paix, un crime contre la sécurité de notre continent, un crime contre la liberté ».
« Ce crime a un coupable, qui s’est lui-même désigné : Vladimir Poutine, un chef d’État, agresseur de peuple, devenu fauteur de guerre. […] Ce crime contre l’Europe, ce crime contre la paix, ce crime contre le droit, ne doit pas rester impuni. Ce serait ouvrir la porte à toutes les agressions possibles dans le futur, à toutes les atteintes à la tranquillité de notre continent, à tous les défis insensés lancés par les despotes à la sécurité des démocraties et aux intérêts fondamentaux de la France et de l’Union européenne. »
Anne Hidalgo propose que soit lancée « une procédure accélérée pour faire entrer l’Ukraine dans l’Union européenne » et demande le déploiement de « tout l’éventail, implacable, des sanctions économiques, financières et commerciales » :
« Frappons au portefeuille Vladimir Poutine et les oligarques corrompus et cyniques qui soutiennent son régime. Interdisons leurs déplacements, saisissons leurs avoirs, gelons leurs investissements. Ciblons ses banques. Frappons, même si cela nous demandera des sacrifices, ses exportations de gaz ou de pétrole, ses échanges extérieurs. »
La candidate « demande immédiatement l’interruption du système SWIFT de transactions financières entre la Russie et le reste du monde » et « bien sûr aussi la suspension immédiate de la chaîne RT », anciennement Russia Today financée par l’État russe. Elle réclame également « la livraison de matériel militaire » à l’Ukraine.
« Une autre dignité »
La crise ukrainienne donne à la candidate socialiste l’occasion d’affirmer les objectifs internationaux de son programme.
« J’avancerai rapidement vers une Europe de la défense, en commençant par une production d’armements en commun, à une époque où les armes nouvelles se développent partout sous l’effet des progrès technologiques. […] Nous sanctuariserons dans une nouvelle loi de programmation militaire la trajectoire d’un renforcement de la défense nationale et européenne. Et nous continuerons à garantir notre sécurité grâce à la force de dissuasion nucléaire autonome créée par le Général de Gaulle, entretenue et développée par tous les gouvernements. »
Parallèlement à ce discours militariste, la candidate fustige « l’extrême-droite, celle de Le Pen et de Zemmour, [qui] a relayé servilement, pendant des années, la propagande de Poutine ».
« Longuement, continûment, ces nationalistes ont joué consciemment le jeu de l’ennemi de notre nation. Ils ont diffusé complaisamment ses arguments fallacieux, acceptant ses financements, quémandant lamentablement sa bénédiction. Ils se disent souverainistes, patriotes, plus français que les autres. Ils ont surtout joué contre l’intérêt national, contre l’intérêt de l’Europe, contre nos valeurs républicaines et démocratiques. »
« Ca suffit » tonne la socialiste. Taclant Jean-Luc Mélenchon sans le citer, elle affirme que « la gauche n’est jamais du côté des dictateurs, au Venezuela, en Syrie comme en Ukraine. Elle est toujours contre les dictateurs, et avec les peuples. La Présidence de la République impose une autre dignité ».
Action climatique
Anne Hidalgo promet enfin de faire « de l’action climatique le pilier de la politique internationale de la France », visant « le quinquennat du Président Macron [qui] a été un mandat du déclaratif et de l’injonction contradictoire ».
« Le dérèglement climatique, et avec lui ses catastrophes qui s’observent sur tous les continents, ne peuvent plus attendre face à autant d’inaction climatique », avance-t-elle.
La candidate passe en revue « la faim et l’extrême pauvreté » et « les injustices » dans le monde, demande « la levée immédiate des brevets sur tous les vaccins anti-Covid », et promet pour la France « le gel de la hausse des prix de l’énergie et la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité » ainsi que « la hausse significative des salaires et des pensions ».
Au bout de 40 minutes, Anne Hidalgo clôt son discours par une pensée pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky, « dont la dignité, le courage et le sang-froid forcent l’admiration du monde ». « Chers amis ukrainiens : votre cause est la nôtre, votre combat nous engage, votre idéal nous guide », conclut-elle. Drapeaux français, européens et ukrainiens s’agitent sous les applaudissements.
Sur le parking, sourire aux lèvres, les militants partagent un casse-croute avant la route. « Il faut maintenant qu’elle transforme l’essai » conclut l’un d’eux, encore bercé par la large victoire de la France contre l’Ecosse dans le tournoi des six nations, match diffusé sur grand écran dans la salle en première partie du meeting.
Abonnez-vous ou offrez un abonnement pour permettre à Rue89 Bordeaux d’étoffer sa rédaction
Chargement des commentaires…