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Des maraudes de soins au chevet des sans-abri à Bordeaux

Créé à l’aune du premier confinement à Bordeaux, le Collectif de secours et orientation de rue (CSOR) sillonne les rues de la ville à la rencontre des sans-abri avec deux missions : effectuer les soins de premiers secours et orienter. Reportage avec une équipe de bénévoles dans les rues de Bordeaux.

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Des maraudes de soins au chevet des sans-abri à Bordeaux

Avec leurs chasubles blancs marqués d’un caducée, ils sont reconnaissables de loin. Il est 18h45, et comme trois fois par semaine, une équipe du Collectif de Secours et Orientation de Rue (CSOR) s’apprête à partir en maraude. Créée à Bordeaux en 2020, l’association est l’une des rares en France dédiées aux « maraudes sanitaires ». Composé de 31 bénévoles, le CSOR apporte les soins de première nécessité aux sans-abri, et les oriente vers les structures spécialisées afin de les « réintégrer » dans un parcours de soin.

Ce mercredi soir, et pour la première fois, l’équipe du CSOR suit la maraude effectuée par les Robins de la rue, une autre association apportant de l’aide alimentaire, notamment, aux sans-abri.

L’équipe de bénévoles, lors de la maraude Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Rendez-vous est donné, allée de Chartres, non loin des Quinconces. Laura, infirmière à la clinique Bagatelle, est la cheffe d’équipe. Quatre autres bénévoles l’accompagne : Élisa, administratrice au sein d’une compagnie de danse ; Claire, agente administrative à Bordeaux Montaigne ; Manon, étudiante en deuxième année de médecine ; et Bertrand, médecin chercheur à la retraite.

Premiers secours

Le CSOR effectue trois maraudes de soins par semaine, le lundi, mercredi et vendredi de 19h à 23h, sur deux « circuits » différents. Le premier concerne le secteur Capucins/Cours de la Marne/Gare Saint-Jean/Belcier, le deuxième est plus axé sur le centre-ville avec un circuit Victoire/Sainte-Catherine/Parking Victor-Hugo/place Saint-Projet/Grand Théâtre.

L’hiver, l’association est chaque soir de la semaine aux côtés des Restos du Cœur, lors de la distribution alimentaire place André-Meunier. Le CSOR assure la « sécurité lors des maraudes alimentaires », veillant au respect des gestes barrières.

Car pour faire des maraudes de soins et rejoindre le collectif, une qualification en santé n’est pas exigée. Les bénévoles qui ne sont pas soignants peuvent suivre des formations internes non-diplômantes pour apprendre les gestes de premiers secours. Bertrand, qui a enseigné la médecine à la faculté de Bordeaux, a rejoint le collectif depuis peu :

« Nous faisons ce qui relève des premiers secours : désinfection des plaies, pansements… Ce qui est important, c’est aussi de créer un climat de confiance, de nouer du lien. Il ne faut pas être intrusifs, laisser les personnes se livrer. On leur demande si elles ont des problèmes de santé, si elles sont suivies. »

Orienter

Place Saint-Projet, pendant la distribution alimentaire, Claire, une des bénévoles, est abordée par un homme. Il évoque le cas de sa compagne qui présente depuis quelques semaines des plaques rouges sur le corps. Le CSOR décide d’aller à sa rencontre, rue Sainte-Catherine. À l’aide d’une lampe frontale, Laura procède à l’auscultation.

Âgée d’une cinquantaine d’années, la femme présente des démangeaisons au niveau du cou et des avant-bras. Elle dit que c’est « psychologique », que les plaques apparaissent quand elle est « à la rue », confrontée « aux regards des gens qui passent ». Arrivée de Royan avec son compagnon, elle est finalement aiguillée vers la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) de l’hôpital Saint-André, qui propose des consultations médicales la journée, pour les personnes n’ayant pas de couverture sociale. Le CSOR oriente les bénéficiaires vers différentes structures selon les pathologies et les besoins : la Case, le CEID, la PASS…

Laura en train de faire un pansement, place Saint-Projet Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Rue Sainte-Catherine, un homme aborde les bénévoles. Il a reconnu les soignants avec leurs chasubles blancs. Il leur demande un doliprane. Seulement lors des maraudes de soins, aucun médicament ne peut être prescrit. « On ne connaît pas leurs antécédent médicaux, ni leurs possibles allergies », explique Laura. Les équipes peuvent, en revanche, si besoin, donner des pansements ou du sérum physiologique.

Main propre

Diego (le prénom a été modifié) vient justement voir l’équipe, qu’il connaît déjà. Il a 70 ans et souffre de diabète. Il a des douleurs aux pieds. Laura, aidée d’Élisa, vont regarder et poser un pansement. Les soins se basent sur le principe de la « main propre ». Laura, qui effectue le soin, enfile des gants.

Élisa lui tend les compresses et le désinfectant. Les non-soignants peuvent juste nettoyer et protéger une plaie superficielle. Les gestes « plus techniques » sont réservés aux professionnels de santé. Le sac médical du chef d’équipe est ainsi plus complet avec, notamment, un tensiomètre, des garrots, des compresses, des steri-strip…

En cas d’urgence, les équipes appellent le Samu ou les pompiers. Jessica Miont, présidente de l’association, elle-même aide-soignante de profession, se souvient d’un homme « grièvement blessé à la main » sur le quai des Salinières, après être « tombé sur une bouteille en verre cassée ». L’équipe a ainsi alerté le Samu, après avoir posé un garrot. « On est pas des sauveurs », conclut la jeune femme.

Place de la Ferme Richemont, les bénévoles vont à la rencontre d’un homme assis entre ses valises et ses couvertures. Il est salarié, mais ne « gagne pas assez » pour louer un appartement. Il est à la rue depuis trois mois. L’un des maraudeurs, Bertrand, noue le contact. Lui pose des questions sur son état de santé. L’homme est épileptique, depuis l’enfance. Il est suivi par un médecin traitant, assure qu’il prend ses médicaments.

« Pas un hôpital de rue »

Chaque personne rencontrée fait l’objet d’une « fiche patient ». Les renseignements médicaux sont inscrits par le chef d’équipe, seuls les soignants ont accès à ces fiches de suivi, tributaires du secret médical. Pour autant, les sans-abri n’ont pas les coordonnées des soignants.

Jessica Miont, présidente de l’association, précise bien que le CSOR n’est pas un « hôpital de rue », le but n’étant pas que les bénéficiaires deviennent « dépendants » mais soient « réorientés dans un parcours de soin vers les structures adaptées ». Pour l’année 2022, le CSOR espère trouver un local, au moins « pour stocker le matériel ». Le collectif ne compte pas « ouvrir une permanence », difficilement conjugable avec l’emploi du temps des bénévoles.

Sac médical de Laura, cheffe d’équipe Photo : VB/Rue89 Bordeaux

Le « circuit » terminé, vient l’heure du débrief. Un point de situation est fait après chaque maraude. Le chef d’équipe envoie ensuite un compte-rendu au bureau de l’association. Ce soir, la maraude aura été « calme », les bénévoles ont croisé « peu de monde ».

Tour à tour, chacun fait un résumé de sa soirée. Avant d’adhérer à l’association, pour être « sûres », les personnes intéressées doivent réaliser deux maraudes. C’est le cas de Manon, 21 ans. Étudiante en deuxième année de médecine, elle a croisé une équipe dans les rues de Bordeaux, leur a posé des questions. Mais ce soir, elle est « convaincue », elle rejoindra le collectif.

Contact du CSOR :
Page Facebook
Téléphone : 06 73 60 62 65
Mail : csor.bx@gmail.com


#Santé

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Photo : MB/Rue89 Bordeaux

Photo : SB/Rue89 Bordeaux

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