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« Les enfants ont dessiné le drapeau ukrainien sur les murs pour recevoir nos invités »

Sébastien, Caroline et leurs deux enfants viennent d’accueillir chez eux, à Bordeaux, Sacha, Tania et leurs deux jeunes filles, qui ont fui Odessa avant le début des bombardements russes. Les deux familles témoignent de cette rencontre, de leurs doutes, mais aussi de leur espoir qu’une telle initiative puisse « favoriser l’intégration de tous les réfugiés dans notre société ».

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« Les enfants ont dessiné le drapeau ukrainien sur les murs pour recevoir nos invités »

Tout le monde se met autour de la table. Comme si chacun avait déjà trouvé ses marques. La famille Sacchiero-Vicaigne Sébastien et Caroline, et leurs deux enfants Capucine et Charlie, 5 et 8 ans ; et la famille Yelinski Sacha et Tania, et leurs deux filles, Yassa et Ghada, 11 ans et 16 ans, s’installent avec au milieu l’application Google translate vocale activée sur le téléphone et un cahier où sont manuscrits les termes les plus utilisés en double traduction ukrainien-français.

Ce couple de kinésithérapeutes bordelais installés à Caudéran accueille depuis quelques jours ces réfugiés ukrainiens, elle infirmière et lui mécanicien naval, qui ont fuit très tôt la ville d’Odessa, avec leur chien. Ils racontent leur départ avec une certaine hésitation – « On ne sait plus vraiment, peut-être le 3 mars » -, la fuite et la peur ayant troublé leur notion du temps et des dates :

« Odessa est une ville portuaire de la mer Noire située au sud de l’Ukraine, explique Sacha. Avant le début de la guerre, les navires russes sont venus se poster au large. On savait qu’il fallait partir. La plage était minée pour empêcher l’invasion par la mer. Depuis, la ville est bombardée tous les jours. »

« Le plus loin possible »

La famille Yelinski s’est dirigée vers la frontière moldave et a marché quelques kilomètres avant d’être prise en charge par des secouristes volontaires. Elle a laissé derrière elle les grands-mères qui préféraient « plutôt mourir que partir ».

« Nous avons pu prendre un bus à Chișinău [capitale moldave, NDLR]. Nous avons roulé deux jours et demi pour arriver jusqu’ici. Nous voulions aller le plus loin possible parce qu’une rumeur disait que la Moldavie aussi allait être envahie. »

La famille Yelinski accueillie par la famille Sacchiero-Vicaigne Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Ce « plus loin possible » les a mené à Bordeaux. La ville où, quelques jours plus tôt, la famille Sacchiero-Vicaigne décidait d’accueillir des réfugiés, « touchée par les événements et les images des familles fuyant les bombardements ».

« Caroline a pris contact avec Ukraine Amitié qui nous a renvoyés vers la Préfecture. On nous a dit qu’il fallait s’inscrire sur un site, ce qu’on a fait le lundi 28 février. On a expliqué ce qu’on pouvait mettre à disposition et combien de personnes on pouvait accueillir », explique Sébastien.

Sur l’honneur

Un garage derrière la maison est déjà aménagé en grande chambre d’amis qui peut accueillir jusqu’à quatre personnes. Leur proposition est enregistrée à la Préfecture, sans contre-appel, ni vérification, « une sorte de promesse sur l’honneur ». Pour combien de nuits ? « Je ne pouvais pas répondre à cette question », explique Caroline qui pense avoir « du mal à mettre les gens dehors au bout d’un délai ». Elle poursuit :

« Samedi 5 mars, on nous a envoyé un SMS pour nous demander si on était prêt à accueillir des réfugiés susceptibles d’arriver par avion dans la journée. On a dit oui par texto et on a attendu. Rien. Le lendemain, un autre message nous informait de réfugiés susceptibles d’arriver en bus. On a finalement appris que la veille peu de familles avaient réussi à prendre l’avion. »

Dimanche, la famille Yelinski arrive « avec peu d’affaires ». « Capucine et Charlie s’étaient fait beaux pour recevoir les invités » rapporte leur mère, et avaient fait des dessins du drapeau ukrainien pour décorer les murs. « Nos enfants savent ce qui se passent et ils ont compris que des gens, des familles, avaient besoin d’aide » poursuit Caroline.

« On a raté quelque chose en 2015 qu’il ne faut pas rater en 2022 »

Au quotidien, « ça chamboule pas mal » reconnaît Sébastien qui évoque « quelques ajustements ». « L’expérience est enrichissante, mais je ne sais pas dans quelle mesure on peut dire pour combien de temps. »

« Culturellement et humainement, on partage des choses, poursuit Caroline. Je suis fille d’expatriés qui ont travaillé et vécu au Liban. J’ai vu des Libanais fuir les bombardements et qui ont été déplacés dans des conditions difficiles. Quand j’ai vu les mêmes scènes d’exode en Ukraine, je savais de quoi il s’agissait. On a raté quelque chose en 2015 qu’il ne faut pas rater en 2022. »

Cette mère de famille évoque ainsi la guerre en Syrie et l’afflux de milliers de réfugiés. Pour eux aussi, « on aurait pu le faire, on aurait dû le faire ».

« Ce sont des échanges. On prend plaisir à découvrir des cultures et on prend plaisir à partager la nôtre. Si ces initiatives peuvent être la porte d’entrée pour l’intégration de ces réfugiés dans notre société, pourquoi pas ».

La famille Yelinski elle, ne pense qu’à retrouver l’Ukraine, et se dit reconnaissante d’un tel accueil en attendant la paix.

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#guerre en Ukraine

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