L’Escale du livre fait son retour quartier Sainte-Croix pour sa 20e édition pour offrir aux Bordelais des rencontres avec 300 auteurs et illustrateurs en dédicace. Mais pas seulement : 18 spectacles, ainsi que des expositions, des ateliers jeunesse, des expériences originales comme le tuk-tuk divinatoire, un escape game, une cabane de contes, du théâtre de rue…).
Rue89 Bordeaux a fait une petite sélection parmi une série de propositions alléchantes où les événements à ne pas rater sont nombreux et démarrent dès ce mercredi 6 avril.
Un coup de cœur par jour
Vendredi 8 avril, rencontre avec David Dufresne à l’amphithéâtre 1 de l’IUT Bordeaux Montaigne (18h). Cet écrivain et documentariste viendra présenter son ouvrage 19h59 (Grasset). Il est l’auteur du film Un Pays qui se tient sage, une œuvre coup de poing sur la colère de citoyens face aux injustices sociales et à une répression de plus en plus brutale.
Samedi 9 avril, à 22h, le musicien Rubin Steiner et le poète Patrice Luchet forment un duo exceptionnel sur la scène du Café Pompiers le temps d’un concert qui mêle fausse insouciance et prise de conscience autour de la question de l’accueil des réfugiés. La soirée se terminera par un set du célèbre DJ, représentatif de l’électro française (en partenariat avec Bienvenue).
Dimanche 10 avril, 14h, salle Jean-Vauthier au TnBA, revenir sur l’œuvre de René Maran, prix Goncourt 1921 pour son roman Batouala, avec trois auteurs contemporains qui renouvellent la littérature contemporaine : Boniface Mongo Mboussa, essayiste et romancier ; Gaëlle Bien-Aimée, lauréate de la résidence d’écriture francophone Afriques-Haïti 2021 ; Claire Riffard, ingénieure de recherche à l’ITEM (CNRS-ENS) ; et Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021 – 100 ans après Maran –, pour La plus secrète mémoire des hommes.
Entretien avec Pierre Mazet, président de l’Escale du livre
Rue89 Bordeaux : 2022 signe la 20e édition de l’Escale du livres, quelle a été sa genèse ?
Pierre Mazet : L’Escale du livre est née quand le salon du livre de Bordeaux a périclité. Je trouvais dommage qu’il n’y ait plus de manifestation littéraire dans la ville. Nous sommes une région très dynamique du point de l’activité éditoriale, de la présence de nombreux auteurs et illustrateurs [200 éditeurs et libraires installés dans la région en 2021, NDLR]. Il me paraissait important de continuer à donner une vitrine aux auteurs, aux maisons d’éditions et aux libraires indépendantes en proposant une dimension festivalière. Au début, les libraires ne voulaient pas d’une manifestation avec un lieu unique. Nous avons dû tâtonner.
Je tenais aussi à la rencontre. Nous n’invitons pas les auteurs pour qu’ils passent un après-midi derrière leurs livres à attendre le chaland. Il y a des auteurs en France qui n’ont pas besoin de nous pour vendre leurs livres. On ne doit pas céder à cette facilité là, on doit plutôt faire connaître des auteurs moins médiatiques, des jeunes auteurs. Il y a toujours des premiers romans, des premiers albums, dans notre programmation. Il faut leur donner une surface qu’ils n’auront pas forcément dans les médias. Il y a tellement de livres qui sortent chaque année, plus de 500 à la rentrée d’hiver, presque autant à la rentrée de septembre. Beaucoup de livres sont noyés et on n’a pas le temps de tous les lire.
Pourquoi avoir choisi le quartier Saint-Croix pour implanter le festival ?
Je souhaitais développer d’autres moyens d’accéder aux livres, et notamment croiser la littérature avec d’autres formes d’expressions artistiques. Le fait d’être à Sainte-Croix ça nous permettait, d’abord, d’avoir des salles de spectacle. C’est important que les auteurs, comédiens ou musiciens, puissent trouver de vraies conditions professionnelles.
Le quartier Sainte-Croix abrite aussi le Conservatoire, l’école des Beaux-Arts, le TNBA et l’IUT Michel de Montaigne métiers du livre. Chaque année, nous employons des étudiants de ce cursus pour le festival. C’est un quartier culturel qui a pleinement son sens.
Votre public a t-il évolué au cours de ces années ?
Un public ça se structure, ça se développe, il faut aller vers lui. Notre objectif est de toucher au-delà du public des lecteurs habituels. Nous portons également un projet culturel et éducatif. Pour les enfants, il y a des projets d’animation, des contes, des spectacles…
À l’année, nous développons des actions d’éducation artistique et culturelle qui sont vraiment ciblées sur des publics en difficulté : nous travaillons beaucoup avec la CADA, avec des jeunes qui sont dans des MECS. La culture, c’est aussi du lien social. Cette année pour le festival, je préfère ne pas me prononcer sur la fréquentation attendue, sachant que d’autres manifestations littéraires ont été impactées par la crise sanitaire. Nous espérons tout de même avoir 30 000 personnes, comme lors des éditions précédentes.
Que pouvez-vous dire de la programmation de l’édition 2022 ?
Plus de 150 auteurs sont attendus. Il va y avoir du théâtre de rue avec Fortune cookie, pour toucher un public plus jeune et familial. Parmi mes coups de coeur, il y a aura aussi des lectures : une lecture en musique des Carnets de Goliarda Sapienza avec Sandrine Bonnaire et le trompettiste Erik Truffaz. Arnaud Cathrine viendra lire son recueil de nouvelles, accompagné de l’actrice Constance Dollé.
Atiq Rahimi viendra avec sa fille, Alice Rahimi. Ils ont publié leurs échanges épistolaires pendant le confinement. Lui a dû quitter l’Afghanistan étant jeune, il a tout abandonné. Avec sa fille, il aborde la question de la transmission, de l’héritage. Il y aura aussi des débats sur l’écologie, l’immigration… Je crois que le public a besoin de sens. Un hommage à Andreï Kourkov [écrivain ukrainien, NDLR] sera rendu. Il devait venir, mais il est bloqué en Ukraine. Ses deux fils combattent là-bas. Sandrine Bonnaire lira des extraits du dernier livre du romancier, Les Abeilles grises.
Il se trouve que l’événement va se tenir le week-end du premier tour à l’élection présidentielle. Quand je vois qu’il y a deux candidats d’extrême-droite qui voisinent avec le tiers de l’électorat, je me dis qu’il faut vraiment ouvrir les esprits et trouver du sens. Cette société me terrifie par son sectarisme et par son séparatisme. Il faut donner des repères, ce que permet la lecture. De plus en plus, ce qui me donne envie de faire l’Escale du livre, c’est ça.
- Programmation complète et billetterie à retrouver sur le site du festival
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