Pendant un mois, les locaux et la page d’accueil de Deliveroo France devront afficher le verdict suivant :
« La SAS Deliveroo France, prise en la personne de ses représentants légaux entre avril 2015 et décembre 2017, a été condamnée pour le délit de travail dissimulé au paiement d’une amende délictuelle de 375 000 euros et à indemniser au titre des préjudices subis les livreurs qui se trouvaient être en réalité ses salariés. »
Cette mauvaise publicité, la plateforme de livraison de repas se l’est payée grâce à ses pratiques en matière de ressources humaines. Celles-ci ont poussé le tribunal correctionnel de Paris à condamner, ce mardi 19 avril, la branche française de l’entreprise britannique à une amende de 375 000 euros et deux anciens dirigeants à 12 mois de prison avec sursis pour « délit de travail dissimulé ».
Un troisième cadre a été jugé coupable de « complicité de travail dissimulé » et s’est vu infliger une peine de quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. Si le tribunal a suivi intégralement les réquisitions du parquet, un porte-parole de Deliveroo a fait savoir que la plate-forme envisageait de faire appel.
Les dérives de la sous-location de comptes
C’est une victoire pour les opposants à ce système d’exploitation dans ce premier procès au pénal de l’ubérisation en France. Deliveroo ayant mis en place une méthode qui lui permet de bénéficier de « tous les avantages de l’employeur sans les inconvénients » dixit la juge d’instruction Céline Ducournau.
Est-ce le seul travers de ces plateformes qui font appel au statut de micro-entrepreneur ? Loin de là. Dans l’enquête menée par Yeliz Kirazli, on découvre comment le procédé ouvre un boulevard à un nouvel « esclavagisme moderne » qui touche une population des plus précaires, celle des sans-papiers.
Ainsi, sur les 3000 livreurs à vélo qui sillonnent l’agglomération bordelaise, plus de la moitié serait, selon les syndicats et les associations, des personnes sans titre de séjour sur le sol français. Pour accéder à cette activité qui rapporte quelques centaines d’euros par mois, en travaillant 14 heures tous les jours, ces personnes sous-louent des comptes et partagent les bénéfices sans aucune garantie.
Sollicitées par Rue89 Bordeaux, les explications des multinationales sur ce phénomène peinent à convaincre avec des méthodes qui visiblement ne portent pas leurs fruits.
Maison des coursiers
Ce problème s’ajoute aux difficultés de tous les jours, notamment par mauvais temps, comme l’accès aux toilettes ou simplement boire de l’eau ou un café. Est-ce que l’annonce d’ouverture d’une maison dédiée aux coursiers par la mairie de Bordeaux va y changer quelque chose ? C’est en tout cas ce qu’espère la collectivité qui prévoit un lieu ouvert du midi au soir, et qui pourrait permettre de désengorger les rues. Il proposera notamment aux livreurs un lieu de repos et d’entretien de leur monture.
Pour les syndicats des coursiers, cette maison confirme la volonté de restructurer la profession. Elle vient compléter l’ambition des plateformes locales qui voient le jour à Bordeaux. Ce dossier est l’occasion de découvrir la dernière née, Blackbird, dont l’ambition affichée est de concurrencer les grandes multinationales par des pratiques plus dignes.
Abonnez-vous ou offrez un abonnement pour permettre à Rue89 Bordeaux d’étoffer sa rédaction
Chargement des commentaires…