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L’accueil des réfugiés vu par les enfants d’hébergeurs solidaires

De nombreux foyers en Gironde se portent volontaires pour accueillir des réfugiés, des personnes seules ou des familles. Comment les enfants de ces hébergeurs solidaires apprennent et reçoivent la nouvelle ? Comment cohabitent-ils avec leurs « invités » ? Et comment perçoivent-ils leurs départs ? Suite de notre série « Bordeaux à bras ouverts » dans le cadre de la programmation Bienvenue, qui se déroule actuellement en Gironde.

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L’accueil des réfugiés vu par les enfants d’hébergeurs solidaires

« On est très famille et on accueille toujours du monde à la maison » s’enthousiasme Emeline. Cette habitante de la commune du Teich, sur le bassin d’Arcachon, loue un pavillon avec, à l’arrière, une dépendance qui a été aménagée pour accueillir des amis ou des membres de la famille.

« La question des réfugiés était régulièrement évoquée à la maison, raconte cette mère de trois enfants. On a expliqué les raisons qui poussent ces gens à partir, que ce soit la guerre, les problèmes économiques… Un jour, Roxanne, notre fille a paru très sensible à ces sujets et elle a demandé qu’on accueille des gens. Ce n’était pas seulement une volonté de notre part à nous les parents. »

« On a des invités »

Roxanne est l’aînée d’une fratrie (12, 10 et 7 ans). Ses parents se sont manifestés auprès de l’association Accueil des réfugiés en Val de l’Eyre pour proposer leur dépendance.

« Quand ça paraît naturel de faire ça pour les parents, les enfants pensent la même chose. On ne s’est pas posés de questions, on avait de la place… » ajoute Emeline.

Un couple avec un enfant venus de la Côte d’Ivoire est accueilli. « Il y a un jardin entre les deux habitations, alors le petit venait chez nous pour jouer avec les enfants. » S’instaure alors une « relation simple et affectueuse », où les enfants « pouponnaient le petit ». Quelques mois plus tard, un jeune mineur malien s’est installé dans la dépendance et « la petite s’est beaucoup attachée à lui, comme un grand frère ».

A Bordeaux, Capucine a « l’impression d’avoir deux grandes sœurs ». Sa mère, Caroline, dépose tout le monde à l’école depuis que les deux nouvelles arrivées sont scolarisées. Cette famille installée au Bouscat accueille une famille de quatre personnes venant d’Odessa, en Ukraine. Le jour de l’arrivée de celle-ci, les enfants, 5 et 8 ans, ont mis leurs « plus beaux habits », décoré la chambre d’amis avec « des drapeaux urkrainiens dessinés et coloriés », et ont attendu « les invités ».

Caroline témoigne aujourd’hui d’ « une certaine bienveillance » et d’un soutien réciproque. « Le jour où Capucine a été malade, la maman, qui travaillait comme infirmière en Ukraine, a bien voulu s’en occuper. Je n’avais aucune inquiétude. »

« Je trouve ça dure de ne pas pouvoir dormir à cause de ça »

Léon avait 11 ans quand il a vu arriver Khaled dans sa maison, là aussi une dépendance dans le jardin. Sa famille bordelaise avait déjà accueilli un étudiant américain, venu pour un séjour linguistique d’un an. De ce fait, recevoir un autre homme ne semblait pas perturber la tranquillité du foyer, seulement les raisons n’étaient pas les mêmes :

« Mes parents m’avaient prévenu un mois plus tôt qu’un journaliste menacé dans son pays allait venir habiter chez nous, raconte l’adolescent âgé de 13 ans aujourd’hui. Je savais qu’il y avait une guerre et je savais où se situait la Syrie. J’ai appris que les journalistes n’avaient pas le droit de s’exprimer là-bas et qu’il fallait l’aider le temps pour lui de faire ses papiers. »

Léon raconte avoir été « très content de voir [Khaled] à l’abri ». « Je n’avais aucune idée de lui et à la première rencontre, je l’ai trouvé sympa. » Mais la barrière de la langue rendait les échanges « compliqués au début ».

« Je ne comprenais pas trop ce qu’il disait, mais il faisait bien rire mes parents avec qui il discutait en anglais. Après, il a commencé à parler un peu français. Il disait qu’il n’arrivait pas à bien dormir à cause des événements dans son pays et ça m’avait impressionné. Je trouvais ça assez dur de ne pas pouvoir dormir à cause de ça. »

« On a une grande maison, alors pourquoi pas ? »

A Pessac, dans un pavillon cossu à la lisière des vignes du château Pape-Clément, Estelle habite ici avec ses « deux ados » : Lucie et Louis, 15 et 17 ans.

« J’étais étonnée qu’une guerre existe concrètement, raconte Lucie. J’imaginais une guerre sur internet, avec des cyber-attaques. Je me suis demandée si on n’était pas à l’aube d’une troisième guerre mondiale. J’ai d’abord eu peur pour mon frère et mon père. J’ai vite imaginé que la guerre allait s’étendre jusqu’en France, que les hommes en âge de combattre allaient être appelés. « 

Estelle connait bien l’Ukraine. Elle y a travaillé une dizaine d’années pour le compte d’un laboratoire pharmaceutique. Ayant contacté « des anciens collègues pour avoir des nouvelles », l’un d’eux lui demande si elle pouvait accueillir une jeune fille. Sans plus de précisions, « j’en parle à mes enfants un jeudi pour voir si ça pose problème ». Une femme l’appelle ensuite pour lui annoncer qu’Anna, 22 ans, arrive en avion à Mérignac samedi.

La chambre d’amis est prête. « Un bureau et une lampe achetés chez Ikéa » ont complété son aménagement. Pour se rendre à l’aéroport, Estelle est accompagnée de Lucie, venue avec une amie.

« Entre le moment où je l’ai su et le moment où on est allé la chercher, je n’y avais pas beaucoup réfléchi, confie Lucie. Je n’étais pas si inquiète, on a une grande maison, alors pourquoi pas ? »

« Apprendre à partager »

Au lycée où est Louis, la venue d’une réfugiée dans la famille « suscite l’intérêt » de ses camarades. Dans son club de rugby aussi, « on dit que c’est bien ».

« On échange souvent mais il y a la barrière de la langue, ajoute le jeune homme. J’ai appris que son chien resté en Ukraine s’appelle Chelsea [club anglais de football, NDLR] et on a parlé foot. Je lui ai proposé de venir voir un match de rugby et ma mère était venue aussi pour lui expliquer les règles. »

« C’est le jour où elle a reçu un message qui annonçait la mort de son oncle », regrette Estelle avant d’ajouter :

« Même si elle cache un peu ses émotions, elle échange avec nous sur ses drames et catastrophes. C’est une expérience où mes enfants apprennent à partager, d’abord leur maman, mais aussi les douleurs d’une personne qu’on a choisi d’accueillir. On doit continuer à vivre comme on vivait même si cet engagement est à durée inconnue. Ça ne change pas notre quotidien non plus, je me sens un peu comme une marraine depuis qu’elle est là. »

« C’est cool d’accueillir des gens »

La question « ne se pose pas encore » chez Estelle, Lucie et Louis. « Et demander jusqu’à quand elle va rester ?, ça ne se fait pas ! » souligne Estelle. Lucie et Louis ne forcent pas les choses, « si Anna a envie de faire des choses avec nous, on ne dira pas non ». De son côté, au Bouscat, Caroline reconnait « un lien fort » avec la volonté « d’aider la famille à s’en sortir ».

Dans la famille d’Emeline, les personnes accueillies sont déjà reparties et chaque départ à fait son petit effet.

« Les enfants étaient tristes de voir la famille ivoirienne partir. Et le jeune malien, la petite avait pleuré à son départ. Mais maintenant, ils ont compris le fonctionnement et je pense que l’association travaille volontairement avec plusieurs familles pour ne pas solliciter les mêmes et que les gens se s’attachent pas. Pour nous, quand on le vit au quotidien, c’est important d’avoir des moments où on souffle. »

Au collège, Roxanne s’est faite remarquer. Elle a assisté à un échange entre les élèves qui « ont mal parlé des immigrés ». Elle s’est emportée au point que les enseignants ont travaillé autour de sa réaction :

« J’ai accueilli des gens qui viennent en France pour trouver une meilleure vie et vous n’avez pas le droit de dire ça », avait lancé l’adolescente.

Après le départ de Khaled, au bout d’un an, Léon s’était réjouit « parce qu’il a eu ses papiers ». De cette expérience, il dit combien « c’est cool d’accueillir des gens » et parle d’ « un partage ». Avec l’arrivée en France des réfugiés ukrainiens, il reconnaît qu’une idée lui a traversé l’esprit, mais il n’a rien dit à ses parents. « Pas encore. »


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Photo : DR/Rue89 Bordeaux

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