Au début ou à la fin de presque chaque représentation, un petit mot invite le public à échanger et faire ses remarques. Ça tombe bien, il a répondu présent après avoir été privé de la première édition pour cause de crise sanitaire. Et les occasions ne manquent pas durant les pauses qui jalonnent les parcours du festival de croiser les comédiens et les membres des compagnies, et de taper la causette.
Quatre parcours ont permis de voir les 7 propositions (plus une conférence) de l’édition 2022 du Festival de La Ruche, en deux temps le jeudi 19 et vendredi 20 en soirée, et d’une traite le samedi 21 mai. Le public papillonne d’une scène à l’autre où s’activent les chevilles ouvrières du spectacle vivant. L’événement est aussi l’occasion de voir ou revoir de nombreux poulains de l’écurie de l’Estba (Ecole Supérieure de Théâtre Bordeaux Aquitaine).
Jour 1
L’option retenue pour cet article : parcours rouge en semaine. Celui-ci commence dans l’intimité du Studio de création avec Claire Théodoly, comédienne formée à l’ERAC, venue interpréter « Horace » d’Heiner Müller. Dans ce texte, le dramaturge allemand entraine le spectateur dans les méandres du dilemme, prenant l’exemple complexe d’un combattant qui a tué son adversaire ainsi que son épouse qui n’est que sa propre sœur. Déjà présentée au public, cette création revendique la métamorphose comme élément du théâtre défendu par Heiner Müller.
Dans un aménagement inhabituel de la salle Vauthier, où tous les sièges étaient retirés pour laisser place à une grande tablée, Catherine Marnas, la directrice du TnBA, met à l’épreuve « Le Rouge et le Noir » de Stendhal. Le public y contribue. Franck Manzoni, Nicolas Martel et Faustine Tournan, oscillent entre lecture et improvisation avec accessoires employés sur le pouce.
De leur côté, et du côté plateau de la salle Vauthier, Les frères Sagot s’aventurent dans une autre improvisation. Julien Sagot, formé à l’estba, se laisse porter par le caractère imprévisible de son frère adoptif Luis pour louer les richesses de la différence et les liens de la fraternité.
D’autres anciens de l’école réunis dans Mar Collectif, concluront cette première partie avec des bribes de leur création en cours, « Motel », sur le plateau de Vitez. Variations autour de « Psychose » de Hitchcock, des tableaux aux techniques variées (vidéo, doublage, danse…) nourrissent la curiosité du résultat final. La troupe est en quête de soutiens financiers pour ce projet.
Jour 2
Ça commence fort avec Annabelle Chambon et Cédric Charron sur le plateau de Vitez. Le duo de danseurs signe une performance qui claque : « Pop Corn protocole ». Une conférence follement gesticulée dissèque le maïs et ses hybridations économico-aliénantes, une critique acerbe de la suralimentation et ses gavages. Avec une bande de gros son menée en live par Jean-Emmanuel Belot et Mari Lanera, on en sort éclaté comme un grain de maïs chauffé à blanc. Et on en n’est qu’à la moitié du travail en cours.
Côté face, à Vitez, le délire continue avec « À quel type de drogue je corresponds ? » de Kai Hensel, mis en scène par Sandrine Hutinet. En solo sur scène et en bonne VRP consciencieuse, l’artiste compagnonne Bénédicte Simon déploie sa bonne came version Powerpoint. Parallèlement à ses modes d’emploi, s’ajoutent les témoignages de consommateurs, stupéfiants de justesse.
La soirée se clôt, avec la voix off de Lucas Chemel, Julie Papin dynamite le personnage de Peneplaine dans l’interprétation du texte « Brisby (blasphème !) » de Théophile Dubus. Déjà à l’édition 2021 de La Ruche, l’ancienne de l’Estba incarne à merveille une reine mère absurde d’un royaume en déclin, avec une folle maitrise du déni.
Selon les organisateurs, environ 800 spectateurs ont assisté à ces œuvres en devenir, bientôt au programme du TnBA.
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