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Hypernuit, les œuvres du CAPC et du Frac convolent à la Base sous-marine

La Base sous-marine de Bordeaux accueille jusqu’au 28 août l’exposition Hypernuit. Empruntant son nom à la chanson de Bertrand Belin (et avec l’accord de ce dernier), elle est construite comme un dialogue entre les collections du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Nouvelle-Aquitaine et du Capc, le musée d’art contemporain de Bordeaux. Et s’articule sur les tensions entre lumière et obscurité, entre Lumières et obscurantisme.

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Hypernuit, les œuvres du CAPC et du Frac convolent à la Base sous-marine

L’un fête cette année ses 40 ans, l’autre son demi siècle. Pourtant, le Frac (Fonds régional d’art contemporain) Nouvelle-Aquitaine et le Capc, « n’avaient jamais fait d’exposition ensemble, alors qu’elles ont beaucoup de choses en commun, dont des racines identiques », rappelle Sandra Patron, directrice du musée d’art contemporain de Bordeaux.

Elle évoque en particulier les premières acquisitions d’œuvres réalisées pour les deux institutions par Jean-Louis Froment (ex directeur du Capc, débarqué en 1996). Certaines d’entre elles sont justement présentées dans ce parcours baptisé « Hypernuit », du nom d’une chanson de Bertrand Belin (avec l’autorisation de ce dernier). C’est le cas notamment de Che fare ? (que faire ?), de Mario Merz, qui interpelle d’emblée le visiteur.

Avec cette mise en scène du titre du célèbre livre de Lénine Que faire ?, « l’artiste italien, protagoniste du courant de l’Arte Povera, pose la question de la place de l’artiste dans la société », souligne Sandra Patron. « Doit-il continuer à produire des objets, et de quelle nature ? »

Sandra Patron présente Le temps de rien, de Richard Baquié Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Boîte noire

L’œuvre de la collection du Capc dialogue avec une autre du collectif new-yorkais Reena Spaulings, un drapeau noir en berne surmonté d’un aigle, comme une critique de l’impérialisme américain, création issue des réserves du Frac. Toute l’exposition est en effet conçue comme un échange entre les pièces des deux institutions.

34 d’entre elles sont présentées dans la base sous-marine, « devenue un personnage à part entière de l’exposition », poursuit Sandra Patron :

« Les commissaires de l’exposition ont projeté leur imaginaire sur cette boîte noire, où l’on pouvait jouer sur des œuvres sensibles. Dans ce lieu de mémoire refoulée de Bordeaux, celle de l’occupation nazie, on a ainsi cherché à créer un rapport émotionnel sur la lumière et l’obscurité, aux sens propre et figuré – les Lumières et l’obscurantisme. »

Ce dernier éclate au grand jour dans des cadres improbables – la jungle luxuriante du Cambodge qui a poussé sur les charniers des Khmers Rouges, dans une vidéo de Vandy Rattana, les pierres tombales sans nom de héros du FLN dans les montagnes algériennes sur les photos d’Amina Menia.

Mafia et dinosaures

Le passé esclavagiste et colonialiste de Bordeaux surgit au détour de la déambulation avinée dans la ville de pierre filmée par Dennis Adams, sur fond d’un récit sur le commerce triangulaire, la fortune des négociants et la collaboration sous Adrien Marquet et Maurice Papon.

La barbarie émerge de mises en scène telles que les sacs de gravats récoltés par Maurizio Cattelan dans les ruines d’un tribunal plastiqué par la mafia, l’oppression des ombres portées d’un lustre en maillage de chaînes, réalisé par la bordelaise Chantal Raguet.

D’une salle à l’autre, le visiteur navigue ainsi d’image renvoyant à une réalité brutale, à des créations plus oniriques, comme les 14 lustres des ateliers brûlés de Sarkis, mobiles rouges réalisés par l’artiste d’origine arménienne pour son exposition au Capc, en 2000.

14 lustres des ateliers brûlés de Sarkis Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Augmenter le réel

Les œuvres sélectionnées par Sandra Patron et Claire Jacquet, directrice du Frac Nouvelle-Aquitaine peuvent aussi mettre en lumière les traces enfouies de notre planète – superbes travellings aériens d’Angelika Markul sur les empreintes de dinosaures dans les roches d’un territoire aborigène en Australie – ou de notre inconscient – l’ »autoportrait » de Pascal Convert, des courbes de retranscription de l’activité de son corps enregistrées pendant son sommeil puis gravées sur une dalle mortuaire.

D’autres donnent un autre sens à notre pop culture, comme les vidéos de Sab Basu autour de l’Incroyable Hulk, ou l’installation sonore de Cécile Paris égrainant sur fonds d’électro une litanie de noms de boîtes de nuit – l’Oasis, le Palace, le Macumba…. Ils « deviennent un plan d’évasion pour nous rappeler notre capacité à augmenter le réel quand celui-ci ne suffit pas ». Un beau résumé de ce qu’à travers Hypernuit, le visiteur est invité à rechercher.

Hypernuit. Jusqu’au 28 août 2022 à la Base sous-marine de Bordeaux. Du mercredi au vendredi de 14h à 18h et du samedi au dimanche de 11h à 19h. Tarif plein : 5€. Tarif réduit : 3€

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