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Les lendemains incertains des Girondins condamnés à la Ligue 2

Ce n’est pas une surprise, mais c’est désormais sportivement officiel : les Girondins de Bordeaux sont relégués en Ligue 2. Reste à espérer que la descente en enfer s’arrête là, le club doit encore passer l’épreuve de la Direction nationale du contrôle de gestion le 15 juin : si les comptes ne tiennent pas debout, la chute sera plus dure.

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Les lendemains incertains des Girondins condamnés à la Ligue 2

La messe est dite. Sur la terrasse du Central Pub à Gambetta, à la fin du match, les clients reprennent leurs discussions comme si de rien n’était. Malgré la victoire de Bordeaux à Brest, 4 buts à 2, en cette dernière journée de la saison 2021-2022, le club des Girondins est sportivement en Ligue 2. « Je ne suis pas foot, mais ça me fait quelque chose quand même », avoue un jeune homme à la table d’à côté.

Brest-Bordeaux, un match pour rien Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Ce samedi 21 mai est une date qui ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire des Girondins de Bordeaux, et pas des plus glorieux. Son propriétaire, Gérard Lopez, reconnaît dans un communiqué de presse publié ce samedi « un échec personnel » et « en assume la responsabilité ».

« Nous n’avons pas été à la hauteur et je mesure l’immense déception de tous ceux, et en particulier les supporters, qui sont attachés à ce club et qui nous ont fait confiance. Toutefois, il est de ma responsabilité, même dans les moments difficiles, de ne pas perdre de vue le cap que nous nous sommes fixé : sauver le club est et demeure mon objectif. »

L’issue du jour, le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, la connaissait déjà et répète dans un communiqué ce qu’il avait déclaré la veille au conseil de Métropole :

« Le club doit apprendre des erreurs de cette saison ratée, et plus largement de la dérive qu’il connait depuis plusieurs années. Progressivement les Girondins se sont éloignés des valeurs qui fondaient “l’esprit Girondin” : l’ancrage dans le territoire, la formation, la confiance avec les supporters, le dialogue avec les acteurs socio-économiques et les institutions locales. » 

L’édile annonce la réunion début juin du « comité de soutien et de vigilance », constitué en mai 2021 lors de la reprise du club, et les dirigeants seront invités pour « présenter leur stratégie pour assurer l’avenir économique et sportif des Girondins ».

Le poids de la dette

Car le cauchemar pourrait hélas persister. Plombé par une dette de 40 millions d’euros envers Fortress et King Street, Gérard Lopez dépend d’Aether Financial Services, l’institution financière chargée de défendre les intérêts des deux créanciers. Selon, le projet financier pour la saison prochaine peut ne pas réussir l’épreuve de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) le 15 juin. Ce qui aura pour conséquence une relégation administrative jusqu’à la Nationale 3.

Lors du conseil métropolitain ce vendredi, le dossier des Girondins avait ouvert la séance. Alain Anziani rapportait les promesses de Gérard Lopez :

« Il m’a assuré qu’il resterait aux commandes du club en Ligue 2. Il mène des négociations auprès des deux créanciers, King Street et Fortress, et il a bon espoir qu’elles puissent aboutir. Mais la réalité est brutale. Ils tiennent les clés de la décision. S’ils veulent être remboursés en totalité, c’est la catastrophe, s’ils demandent le remboursement d’une partie, c’est difficile… Ou alors ils acceptent de ne pas être remboursés. »

Gérard Lopez lors d’une conférence de presse en juillet 2021 Photo : WS/Rue89 Bordeaux

Le patron des Girondins affiche un optimisme sans trop détailler ses solutions :

« Nous pouvons y arriver, nous avons travaillé et nous continuons plus que jamais de travailler à un nouveau projet qui passe par la remontée parmi l’élite dès la saison prochaine. Pour y parvenir, il est impératif que nous partagions tous, collectivement, cet objectif. Les actionnaires du club, Jogo Bonito [sa société, NDLR], mais aussi King Street et Fortress, en tant que détenteurs de la dette, sont pleinement engagés dans ce projet, à mes côtés. »

« Ultra-financiarisation »

« Ce sont les fonds de pension américains qui font la pluie et le beau temps », pestait alors Pierre Hurmic devant les élus métropolitains. Les « dérives » financières, Nicolas Florian avançait alors qu’elles étaient le lot de tous les clubs. « C’est une réalité, mais pas que bordelaise » selon l’ancien maire pour qui « ce n’est pas la gestion financière du club qui emmène les résultats ». L’élu parle d’ « aléas » et cite les cas de Nantes, Saint-Etienne, ou encore Marseille, affirmant que « ce n’est pas le modèle économique qui est en cause ».

Mais dans les couloirs du Haillan, question modèle économique, ça toussait depuis quelques années. Un fidèle du château confie avoir « du mal à comprendre la stratégie financière » :

« L’ultra-financiarisation du club a engendré une perte en compétence football. Dans un club pro, il y a bien deux foot : celui du fric, et celui du sport. Avec les rachats successifs des Girondins depuis une vingtaine d’années, on n’a oublié le deuxième. La descente est avant tout sportive, mais la catastrophe est multi factorielle. C’est la conclusion d’une série de décisions et de stratégies qui s’est contentée de comblé les trous à coups de millions sans vraiment construire des fondations solides. »

« Un trou dans le pull »

Selon ce proche du club qui souhaite rester anonyme, « Gérard Lopez a proposé des choses qui ont fait du bien : entrainements publics, liens avec les petits clubs… ». Mais l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois « est arrivé alors qu’il y avait déjà un trou dans le pull » :

« Un petit trou, s’il n’est pas raccommodé, il grossit et le pull s’effiloche. Gérard Lopez n’a pas vu le trou et il ne s’en est pas occupé. Il est arrivé avec un système qu’il a appliqué sur d’autres clubs et qui a plus ou moins marché. Il a juste voulu le dupliquer aux Girondins sur la base de quelques annonces fortes comme le changement de logo ou la venue d’un entraineur qui était en vogue. Ça n’a pas suffi ! »

Fort d’une réussite sportive à la tête du LOSC (club de foot de Lilles) de 2017 à 2020, Gérard Lopez est accueilli comme le Messie chez des Girondins en crise sous la direction de Frédéric Longuépée, représentant du fonds d’investissement américain King Street.

Effectivement, pour éviter un redressement judiciaire en 2021 et combler le déficit, un accord est trouvé entre King Street et Gérard Lopez, qui devient à la fois actionnaire majoritaire et président du club. Pourtant, à Lille, Gérard Lopez a failli mener le club au bord de la faillite financière, incapable de rembourser la dette, finalement reprise par deux fonds d’investissement.

Plus rien ne va

Cette opération de sauvetage périlleuse de Bordeaux en début de saison dégénère avec la nomination de Vladimir Petković comme entraîneur par Gérard Lopez et son bras droit, Admar Lopes, nouveau directeur technique du club. Le croate avait un trophée tout frais : l’élimination de l’équipe de France à l’Euro en 8e de finale alors qu’il était sélectionneur de la Nati suisse. Mais chez le club au scapulaire, les résultats sur le terrain ne suivent pas.

Vladimir Petković avait un des salaires les plus élevés de Ligue 1 Photo : cc/Wikipedia

En février 2022, après une défaite des Girondins face à Reims (5-0), Vladimir Petković est écarté de ses fonctions. L’entraineur qui avait un des salaires les plus élevés de Ligue 1 (300 000 euros mensuels), a réclamé pour son départ 10 millions de dommages et intérêts. David Guion, ancien entraîneur de Reims, prend la suite comme il peut.

Après son arrivée, c’est une nouvelle affaire qui vient un peu plus ternir l’image du club. Dimanche 20 mars 2022, des incidents surviennent entre le gardien Benoît Costil et les Ultramarines, lors de la défaite des Girondins face à Montpellier (2-0). Suite au premier but encaissé par les Girondins à la douzième minute, une altercation éclate entre Benoît Costil et le défenseur Anel Ahmedhodzic. À la mi-temps, Benoît Costil s’explique durement avec l’un des leaders des Ultramarines, Florian Brunet. Ce dernier accuse Benoît Costil de racisme, qui portera plainte pour diffamation.

Gestion courtermiste

La mauvaise ambiance ne lâche pas le club. En 2017 déjà, sous M6, quand Jean-Louis Triaud a quitté la présidence du club qu’il dirigeait depuis 1996, il laisse au nouveau président Stéphane Martin un club tourmenté. Une gestion financière bancale se dessine et Bordeaux doit vendre ses meilleurs joueurs pour équilibrer ses comptes. En 2018, Gustavo Poyet, l’entraîneur, dézingue en conférence de presse la gestion du club et menace de quitter le club suite au transfert de Gaëtan Laborde au Montpellier Hérault SC.

Quelques jours plus tard, Gustavo Poyet est mis à pied par la direction. Stéphane Martin quitte la présidence du club. Jusqu’ici détenu par le groupe M6 depuis 19 ans, le club est racheté par un fonds d’investissement américain, le General American Capital Partners (GACP) en novembre 2018.

Un montage financier complexe lie le club aux fonds d’investissement : l’américain King Street Capital et le nippo-américain Fortress Investment Group. Les actionnaires s’engagent sur une perspective de bénéfices sur le court terme, délaissant l’identité et l’avenir sportif du club. Frédéric Longuépée, le nouveau président des Girondins, va surpayer des joueurs et recruter, en interne, des directeurs avec des salaires très élevés. En 2020, la masse salariale du club s’élève à 42 millions d’euros, contre 25,7 millions d’euros en 2017.

Tensions

Des déboires financiers qui se traduisent aussi sur le mercato, à l’instar du transfert de Malcom au FC Barcelone en 2019. Les Girondins terminent la saison 2018/2019 à la quatorzième place du championnat. En interne, des tensions apparaissent entre GCAP et King Street.

Début décembre 2019, King Street rachète les parts de GCAP, tout en gardant Frédéric Longuépée à la présidence du club. À la veille des élections municipales de 2020, 20000 Ultramarines se rassemblent devant la mairie, place Pey-Berland, exigeant la démission des dirigeants du club.

Sur le terrain, malgré l’arrivée de nouveaux joueurs, comme Laurent Koscielny ou Rémi Oudin, le club se classe douzième de la Ligue 1. L’arrivée du Covid met fin prématurément à la saison. L’entraîneur, Paulo Sousa, quitte le club à l’été 2020. Ce même été, King Street change le logo des Girondins, ce qui soulève un tollé chez les Ultramarines.

En avril 2021, la situation financière du club est aggravée à l’aune de la pandémie et du fiasco Mediapro, King Street annonce sa volonté de se désengager du club. Cette décision entraîne le placement des Girondins sous la protection du Tribunal de commerce. Au cours de la saison 2020-2021, le club perd 82 millions d’euros, signe avant-coureur de son calvaire jusqu’à la relégation.

Les Girondins devant le Stade Matmut-Atlantique Photo : WS/Rue89 Bordeaux


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