Ils ne représentent que 8 à 15% du trafic sur la rocade de Bordeaux. Et pourtant la régulation de la circulation des poids lourds était au cœur des réflexions du groupe de travail associant les services de l’Etat et les élus de tous les groupes politiques de Bordeaux Métropole (l’initiative revient à Thomas Cazenave, conseiller municipal et métropolitain Renouveau Bordeaux).
Ce mardi, Alain Anziani, président de Bordeaux Métropole et la préfecture de la Gironde, représentée par son secrétaire général Christophe Noël du Payrat, ont exposé les premières décisions ressorties de leurs échanges, visant à améliorer la mobilité sur cette infrastructure, empruntée chaque jour par 80000 à 140000 véhicules légers, essentiellement pour des trajets domicile-travail, et 6000 à 18000 poids lourds.
La mise à 2X3 voies, en cours d’achèvement (elle sera complétée au printemps 2023), n’a pas résolu les problèmes de bouchons. Aussi la métropole souhaitait-elle s’attaquer au trafic de transit, en interdisant le passage des camions aux heures de pointe.
« Après des analyses poussées sur le serpent de mer qu’est le stockage des poids-lourds aux heures de pointe, sous ses angles juridique, financier et opérationnel, on est arrivé à la conclusion que cette solution n’était pas praticable, indique Christophe Noël du Payrat. Cela aurait des incidences très lourdes sur les territoires voisins de la métropole en termes de stockage des véhicules et d’artificialisation des sols [NDLR : pour créer des aires de stationnement]. Et il aurait été difficile de déterminer à quelle heure il faudrait relâcher les véhicules pour ne pas créer de bouchon à ce moment là. »
Péages plus cher pour les camions
Pour tenter tout de même de limiter la circulation des camions, l’Etat et la Métropole négocient actuellement une modulation des tarifs d’autoroute avec les transporteurs et le concessionnaire de l’A63, Atlandes. La Commission européenne a donné son aval en mai dernier. L’objectif est de majorer les prix du péage (dans la limite de 30%) aux heures de pointe, et de les baisser aux heures creuses, afin d’inciter les entreprises à privilégier ces créneaux.
La grille tarifaire sera établie en novembre, pour une mise en œuvre dès le 1er février 2023. Si elle pourrait tenir compte de la propreté des moteurs, il ne s’agit pas d’une écotaxe sur le transport routier, les collectivités locales, dont la Région Nouvelle-Aquitaine, n’ayant pas proposé à l’Etat d’expérimenter un tel dispositif à l’échelle régionale, ce que la loi Climat et résilience leur permet pourtant de faire.
« Mais c’est la première fois qu’on traite le sujet des poids-lourds de façon aussi forte, se réjouit Alain Anziani. On retient deux mesures : la modulation, qu’on ne va pas imposer aux entrepreneurs sans concertation importante, et qu’on fera au moins à titre d’expérimentation pendant deux ans. Et nous généralisons l’interdiction pour les poids-lourds de se doubler sur la rocade. »
Interdiction de doubler
Cette interdiction entrera en vigueur dès janvier 2023. Elle ne s’applique actuellement que sur les deux ponts (d’Aquitaine et François Mitterrand), ainsi que dans la descente de Bouliac. Elle sera étendue sur les parties ouest et nord de la rocade, entre les échangeurs 1 et 19. Mais pas sur la rive droite et au sud de Bordeaux, où les pouvoirs publics craignent que les véhicules arrivant de Libourne ou de l’A62 aient du mal à s’insérer dans des murs de camions.
Bus sur la rocade et covoiturage sur autoroutes
Par ailleurs, Bordeaux Métropole et l’Etat sont tombés d’accord pour faciliter les transports en commun et le covoiturage. Testée entre les échangeurs 12 et 13, la circulation des bus sur la bande d’arrêt d’urgence de la rocade sera bientôt possible entre les échangeurs 4a (le stade Matmut) et 19 (route de Toulouse), soit les deux tiers des 47 km de linéaire de la rocade.
L’expérimentation pourrait être mise en route d’ici deux ans, après quelques travaux estimés à 20 millions d’euros, pour permettre de prioriser l’accès des bus sur la rocade. Les lignes qui emprunteront le périph bordelais pourront être les cars régionaux ou les futurs bus express que le schéma des mobilités de la métropole entend développer.
Si, pour l’heure, il n’est toujours pas question de réserver une voie au covoiturage, l’idée fait son chemin. Le projet d’une voie réservée aux transports collectifs et aux covoitureurs sur autoroute avance pour l’A10 – il fait partie des discussions sur le renouvellement de la concession de Vinci -, et arrive sur l’A62, avec une étude en cours sur le tronçon entre La Brède et la rocade..
« Nous avons la conviction que le covoiturage est une des clés importantes des problèmes de mobilité, affirme Christophe Noël du Payrat. A l’entrée nord de Bordeaux, il y a 1,1 passager par véhicule, c’est un niveau très faible qui génère une congestion importante. Si on arrive à déplacer le curseur on peut faire fondre les bouchons et retrouver de la fluidité. Comme le télétravail qui paraissait irréaliste et s’est développé à une vitesse phénoménale, on peut faire le même chemin. Cela nécessite un changement culturel, donc des campagnes de communication, mais aussi des outils comme des parkings relais ».
Enfin, côté changement culturel, l’Etat a saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) pour une concertation sur l’élargissement à 2X3 voies de l’A63 entre Bordeaux et Salles. Deux scénarios seront soumis à la discussion : une autoroute élargie par des financements publics et restant gratuites, ou payée par un concessionnaire en échange de sa mise à péage. Une troisième option, le statu quo pour ne pas multiplier les tuyaux à voitures et réserver l’argent public à d’autres investissements, n’est pas à l’ordre du jour. Mais libre aux futurs participants d’en décider, assure la préfecture.
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