Le Festival international des arts de Bordeaux (FAB) entame sa 7e édition, et celle-ci est adoubée par la feuille de route culturelle de la Ville, à en croire le discours de Dimitri Boutleux lors de la présentation du programme. L’adjoint au maire chargé de la création et des expressions culturelles se réjouit de voir « une forme plus attentive à la dimension territoriale ».
Ce que l’événement a toujours plus ou moins assuré sur une bonne partie des communes de la métropole. Mais cette fois-ci, le rapport au fleuve est mieux mis en avant et l’idée est applaudie des deux mains par Brigitte Bloch, élue et présidente de l’Office de tourisme et des congrès de Bordeaux Métropole. « Il n’y a plus la fête du fleuve mais on passe la main au FAB » déclare-t-elle lors de cette même présentation.
Le festival « le plus soutenu » par la Ville et « un des plus importants soutiens financiers de la métropole » met ainsi à l’honneur la Garonne comme « invitée », au même titre qu’un artiste et sculpteur néerlandais très remarqué, Theo Jansen, père des mobiles cinétiques Strandbeests (bêtes de plage).
Moulins à vent modernes
A Bordeaux, Theo Jansen inaugurera le samedi 1er octobre sa première grande exposition en France (jusqu’au 1er janvier 2023). Dans les jardins de l’Hôtel de ville, « Strandbeests, The New Generation » réunira une dizaine de ses monumentales sculptures dont les animations sur les plages de La Haye ont fait le tour du monde. Trois d’entre-elles seront installées dans l’aile nord du Musée des Beaux-Arts et pourront être manipulables par les visiteurs.
En 25 ans, ce maitre contemporain du courant cinétique a réalisé une quarantaine de ces moulins à vent modernes avec des tubes en plastique. Sa technique mêle art, aéronautique, robotique, informatique, mathématiques, sans oublier la dimension poétique. Seul regret, les Strandbeests seront immobiles à Bordeaux, « loin de leur lieu de vie », leurs gracieux mouvements étant réservés aux plages de sable et au vent du Nord (voir vidéo ci-dessous).
Faute d’être animées par le vent, les Strandbeests seront animées par le souffle du Chœur de l’Opéra national de Bordeaux. Lors du vernissage de l’exposition, celui-ci interprètera un répertoire du compositeur contemporain Arvo Pärt, sous la direction de Salvatore Caputo.
Le lendemain, Theo Jansen donnera une conférence au Capc dimanche 2 octobre à 15h (gratuit sur réservation).
Universel et intime
Jusqu’au 16 octobre, le FAB déroule ensuite 23 propositions artistiques, dont 11 créations 2022 et 6 premières. Parmi les 26 compagnies invitées, 10 sont internationales, 8 nationales et 8 régionales. Du théâtre, de la danse, du cirque, de la musique, et de nombreuses performances hybrides et installations visuelles, investiront 25 lieux dans la métropole pour proposer 210 représentations dont 145 gratuites.
Parmi les « premières », une création phare du Théâtre national Bordeaux Aquitaine (TnBA) : « Pour que les vents se lèvent » de Catherine Marnas et le metteur en scène portugais Nuno Cardoso (du 4 au 8 octobre). Derrière ce titre qui sonne la révolte, la trilogie dramatique L’Orestie réécrite par l’auteur d’origine iranienne Gurshad Shaheman. Celui-ci invite à reconsidérer les rapports dominants et dominés dans cette œuvre antique d’Eschyle. La prouesse de l’interprétation est le jeu entre langues française et portugaise portées par six comédiens issus de l’Estba et six autres portugais.
Œuvre elle aussi régionale, « Quand ça commence » de la compagnie De chair et d’os accueillera les visiteurs un à un (penser à réserver donc) du 5 au 9 octobre, de 10h à 20h avec un départ toutes les 15min. A travers cette installation intimiste, Camille Duvelleroy et Caroline Melon (ex directrice du festival Chahuts) provoquent la curiosité du visiteur pour faire la découverte d’un moment charnière de la vie de six habitantes de cette étrange demeure. Seul, le spectateur fait face aux doutes et convictions de l’amour de plusieurs générations de femmes, dans une maison vide mais pas étrangement familière.
Energie et contemplation
La chorégraphe chilienne Marcela Santander Corvalán offre également une première au FAB. « Bocas de Oro », les 6 et 7 octobre à La Manufacture-CDCN, est très attendu. C’est surtout le retour à Bordeaux de cette artiste associée qui s’est formée à la danse contemporaine en France et a étudié l’Histoire en Italie. Dans cette création, elle plonge dans les vestiges de la civilisation Inca à la recherche de savoirs fictifs et donne à ses interprètes un rituel fait d’érotisme et d’énergie.
Toujours en danse, la Manufacture-CDCN accueille également « Simple », un spectacle loufoque et dadaïste de l’Argentin Ayelen Parolin le 13 octobre. Et propose aussi, au TnBA le 14 et 15 octobre, « any attempt will end in crushed bodies and shattered bones », une grande forme chorégraphique avec 17 danseurs dirigés par le Belge Jan Martens « bien inspiré » des mouvements de protestation (Black Lives Matter, Gilets jaunes, Youth for Climate…).
Bien plus contemplatifs, « Les Pheuillus » peupleront les deux rives, de Bordeaux à Bassens en passant par Lormont. Une centaine de personnages paisibles naissent d’un monde végétal et éphémère pour aller à la rencontre des humains. Cette installation de la compagnie occitane, Le Phun, surprendra par son occupation du paysage, qu’il soit naturel ou urbain, tout le long du festival, jusqu’à disparaitre comme une feuille quittant son arbre en automne.
Opening
Il y a bien d’autres propositions à découvrir qu’il sera difficile de développer ici. Le week-end d’ouverture (samedi 1er et dimanche 2 octobre) accueillera « Pigments » du CirkVOST, « Racine(s) » de la compagnie L’Attraction qui investit quatre villes, et la compagnie Volubilis avec « Panique Olympique – Cinquième ! ». Cette dernière mènera également une performance atypique dans la ville autour du projet « Habiter n’est pas dormir ».
A ajouter le concert folk-post-punk « Ukraine Fire » des Dakh Daughters, la conférence-spectacle verdoyante « The Whistler Conservation Society » de Red Herring Productions, l’incroyable performance « NEV » (Nègre en vente) de Guy-Régis Jr avec la complicité du musée d’Aquitaine, la Construction Monumentale Participative en Cartons avec Olivier Grossetête et les Bâtisses Sœurs pour célébrer les 200 ans du pont de pierre, à ne rater sous aucun prétexte.
La compagnie régionale l’MRGée offre elle aussi une création avec Médusé·es. La scène théâtrale thaïlandaise s’invite avec This Song Father Used To Sing (Three Days In May) de For What Theatre, et Les Chiens De Navarre, eux aussi des locaux, font leur retour avec le très déjanté La vie est une fête. Enfin, on retrouve la Fabrique Pola pour La Toy Party et la Faboum de clôture. A noter l’annulation de Nartiste et son report jusqu’à nouvel ordre.
Côté pro, à la journée FAB/OARA à la Méca, le Libanais Charbel Samuel Aoun présente « Boue, bois et ville », un film réalisé lors de sa résidence au FAB en 2021. Et pour la première fois, le FAB accueille cette année le Forum National des Festivals qui posera la question du rôle des festivals sur les enjeux écologiques.
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