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Les collèges girondins s’ouvrent aux habitants en mutualisant leurs équipements

Un mur d’escalade à Marsas, un auditorium à la Bastide, une cuisine à Saint-Selve… les équipements des collèges en Gironde sont désormais conçus pour devenir des espaces ouverts à leurs territoires et accessibles aux habitants et associations. Si le principe existait déjà pour les installations sportives notamment, il se veut aujourd’hui un axe fort pour répondre à la fois à l’essor démographique du département et à ses enjeux écologiques.

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Les collèges girondins s’ouvrent aux habitants en mutualisant leurs équipements

Sur le papier, le principe est simple : mettre à disposition des habitants et des associations les équipements d’un collège d’une commune en dehors des temps scolaires, soit 4 mois dans l’année, en semaine et en journée. Cette mutualisation peut concerner un centre de documentation et d’information (CDI), une salle d’arts plastiques, une salle informatique, une salle de musique, un gymnase, ou encore une cuisine.

En pratique, c’est plus compliqué. Ces équipements doivent être au rez-de-chaussée, avec un accès indépendant à l’espace, et s’ajoute par la suite une entente sur l’entretien des lieux et du matériel, le collège restant l’exploitant et responsable de l’usage. Pour les deux premiers points, une réflexion s’impose en amont de la construction ou de la restructuration d’un collège. Principe sur lequel le conseil départemental a voulu particulièrement travailler, à en croire son plan collège voté en 2017 où la mutualisation s’affiche comme « un axe fort » :

« Afin d’optimiser leur usage et ainsi réduire l’impact écologique de ces constructions, ces équipements peuvent faire l’objet de mutualisations en dehors des temps scolaires, faisant ainsi du collège un levier intégrateur à l’échelle du quartier, de la commune, de l’intercommunalité dans laquelle il est implanté », précisait une note lors des ateliers des Pactes territoriaux autour de ce sujet.

Ouvrir à la population

L’association Les Râteleurs peut en témoigner. Son expérience avec le collège Elie-Faure à Saint-Foy-La-Grande, amorcée en 2017, fait office de première. Active en faveur de la résilience et de la souveraineté alimentaire, l’association lutte contre la précarité culinaire de familles vulnérables en Pays foyen.

« La mise en place de cette mutualisation était inhabituelle à l’époque, confie à Rue89 Bordeaux Eric Prédine, cofondateur de l’association. Pourtant de nombreux équipements des collectivités étaient sous-utilisés. La cuisine pédagogique d’Elie-Faure était occupée 22 heures par semaine. Il y avait en plus des aménagements pour l’utiliser sans déranger les classes, même s’il fallait passer par une cour qui donne également accès aux logements de fonction. Une fois lancés, les ateliers de cuisine ont réuni une centaine de personnes par an et on nous a demandé d’aller plus loin dans notre démarche notamment dans le développement de jardins partagés [projet suspendu par la crise sanitaire, NDLR]. »

La mutualisation de la cuisine du collège Elie-Faure a permis ainsi d’avoir un effet levier sur la création de lien social sur le territoire et « a donné à d’autres structures l’envie de proposer et négocier des coopérations » affirme Eric Prédine.

A noter que le Département de la Gironde a également mis en place un accompagnent technique et financier des projets éducatifs mis en œuvre dans les collèges, sélectionnés sur appel à projets, dans les champs de la culture, citoyenneté, environnement, santé, sport, numérique…

Cuisine et dépendances

Nathalie Burtin-Dauzan, maire de Saint-Selve, a également dans ses tiroirs une idée que la cuisine du nouveau collège, bientôt inauguré dans sa commune (le 11 octobre prochain), pourrait aider à voir le jour. Elle s’inscrit « dans le cadre d’un Projet alimentaire territoriale porté par la Communauté de communes de Montesquieu et ses 13 communes, pour que 100% des habitants aient accès à une alimentation saine et durable » :

« Ce projet, intitulé Parasol [pour Parcours alimentaire et solidaire, NDLR], a l’ambition de récupérer du foncier, installer des producteurs, et d’ouvrir une épicerie sociale et solidaire itinérante, explique la maire. Parallèlement, la question de la conservation va se poser si on encourage d’un côté la production de légumes et s’ils ne sont pas consommés. L’intérêt est surtout de pouvoir les mettre en conserve et de les redistribuer hors saison à cette même population. »

Initié par Corinne Martinez, présidente de la Communauté de communes de Montesquieu et vice-présidente du département en charge de la commission transition écologique et solidaire, Parasol pourrait voir le jour d’ici 2024. Et Nathalie Burtin-Dauzan compte faire du nouvel équipement scolaire un atout supplémentaire pour son aboutissement. Cependant, le collège lui apporte d’autres possibilités :

« On a déjà l’habitude de mutualiser les espaces sportifs, mais on réfléchit à d’autres pistes. Une petite commune comme la nôtre, avec 3500 habitants, n’a pas suffisamment de salles pour des activités ou des réunions associatives, on peut solliciter le collège. Mais dès le lancement des études pour ce collège, la première demande qu’on a faite, c’était la mise à disposition de jardins pédagogiques pour l’école primaire et l’accueil périscolaire. Ce qui permettra de créer un lien entre le primaire et le collège pour que les petits s’habituent au bâtiment et n’arrivent pas en 6e dans un lieu inconnu. »

Au collège de Marsas, « un des plus beaux murs de Gironde » Photo : Marsas Escalade et Montagne

A Marsas, l’escalade monte en flèche

D’autant plus que la création d’un collège est également un facteur d’accélération, souligne Nathalie Burtin-Dauzan : elle peut générer elle-même une activité associative plus importante et des besoins plus soutenus avec l’arrivée d’une nouvelle population. Le secteur sportif est le premier concerné.

A Marsas, l’inauguration du collège en novembre 2021 a eu des répercussions inattendues. L’installation d’un mur d’escalade de 11 mètres au collège, avec la complicité du club libournais Escalibourne, a permis la création d’un club au sein de la commune. Il compte aujourd’hui plus de 200 licenciés, dans une commune de 1213 habitants !

Marc-Alexandre Magne, président à la fois de Marsas Escalade et Montagne et Escalibourne, se réjouit de voir un équipement de plus pour sa discipline. Selon lui, le département en manque, « avec un seul mur rive droite à Libourne alors que le club recrute de Blaye à Monségur ».

« La construction de ce mur a créé l’engouement, explique-t-il. Le reste est venu naturellement. Sans équipement, aucun intérêt d’avoir un club. Surtout que c’est un des plus beaux murs de Gironde. Il permet toutes les pratiques avec plusieurs spécificités – un tapis encastré assurant une meilleure sécurité et un accès par le haut pour l’alpinisme et le canyoning. Sans oublier ses dimensions, qui permettent d’accueillir 30 personnes autonomes en même temps. »

Convention à trois

Autre cas de figure au Pian-Médoc. Le futur collège qui sera inauguré le lundi 12 septembre va accueillir le club Gym-Trampo. Son gymnase a du être rehaussé de deux mètres, avec un coût des modifications assumé par la mairie « puisqu’il y a une hauteur minimale à respecter pour la partie trampoline », explique Gilbert Macé, le président du club, qui ajoute :

« Nous sommes un des rares clubs dans cette discipline à ne pas avoir de salle dédiée. Actuellement nous avons deux créneaux le soir au gymnase municipal où est basé le club de basket. Au collège, la salle sera mise à disposition tous les soirs. C’est énorme ! C’est un équipement fantastique qui peut changer beaucoup de chose pour nous, notamment dans la préparation des compétitions. Et si on a plus de créneaux, on peut mettre en place de nouveaux cours et accueillir plus de monde puisqu’on a de la demande. »

Le président du Gym-Trampo espère profiter de l’équipement dès janvier 2023. Il reste selon lui à formaliser l’accord avec la direction du collège et se mettre d’accord sur les installations que le club « ne souhaite pas démonter à chaque utilisation de la salle », un travail fastidieux pour lequel « les bénévoles et les salariés pourraient [le] lâcher ».

Dans cette mutualisation, l’éducation nationale est le troisième acteur pour réussir une convention tripartite soulève Nathalie Burtin-Dauzan. La maire de Saint-Selve rappelle :

« On peut imaginer un accès à beaucoup d’espaces. On peut mettre en place beaucoup de mutualisation. Mais ça reste au chef d’établissement de décider, alors que le bâtiment appartient au Département et l’emplacement à la commune. C’est finalement eux qui ont le dernier mot. »


#rentrée 2022

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