Le 26 août dernier, une décision de justice a ordonné à tous les occupants La Mine de « libérer volontairement les lieux ». Plus d’un mois après cette décision, une trentaine de personne y habitent toujours. La municipalité bordelaise va prochainement solliciter le concours de la force publique, certainement aux vacances de la Toussaint.
L’opération de destruction du bâtiment interviendra « dans un délai de huit mois », nécessitant une grosse opération de désamiantage, informe Harmonie Lecerf, adjointe au maire en charge de l’accès aux droits et des solidarités.
« On a toujours été très clair »
Maître Romain Foucard, l’avocat des occupants, espérait que des délais soient octroyés, « le temps pour eux de se retourner ». Aujourd’hui, il fait part de sa « très grande déception. Le magistrat ne s’est pas embêté et a donc répondu positivement à toutes les demandes de la mairie ».
« Depuis deux ans, on a été très bienveillant en accordant des délais supplémentaires. On a toujours été très clair, indiquant qu’on ne pourrait reloger les familles. On a également fait en sorte que chaque occupant soit orienté vers un travailleur social », répond Harmonie Lecerf.
Elle poursuit : « L’association Diamants des cités, elle, s’était engagée à trouver des solutions et à rendre le lieu vide au bout d’un an. » Échec retentissant. Sur les 53 personnes recensées, la Ville de Bordeaux a proposé une solution d’hébergement « à une famille particulièrement vulnérable », fait savoir l’élue. Deux familles ont trouvé une sous-location, l’une par ses propres moyens, l’autre grâce au réseau de Morti, de l’association Diamants des cités.
Aziz
Parmi les habitants de La Mine, il y a Aziz, 55 ans. Après 15 ans à ramasser des fraises en Espagne, ce natif du Maroc a dû arrêter de travailler à cause de problèmes de vue, causés par le diabète. Arrivé à Bordeaux en 2017, il a longtemps fait les poubelles à la recherche d’objets revendus ensuite, vécu à la rue puis de squat en squat.
C’est sous une passerelle de Bordeaux Lac qu’il a rencontré Morti, metteur en scène et comédien qui organise des maraudes via son association, Les Diamants des cités. Avec le temps, les deux sont devenus copains.
En septembre 2020, « pour pallier aux déficiences de l’Etat », Morti ouvre un squat dans un bâtiment inoccupé, rue du Docteur-Schweizer, au Grand-Parc. Propriété de la Ville de Bordeaux, ce dernier devait au même moment être détruit dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain (le permis de démolir a été obtenu le 20 février 2020).
Au total, 53 personnes – dont 24 enfants – vont occuper illégalement ce lieu, baptisé La Mine. Elle sont de nationalités diverses, en situation régulière ou irrégulière. Les conditions de vie ? A l’automne 2020, la municipalité bordelaise rétablie l’eau et l’électricité. Qui mentionne aussi une « insalubrité manifeste » et une importante présence d’amiante.
Avenir sur une jambe
La journée, la plupart des gens travaille. Les enfants vont à l’école. Aziz, de son côté, continue à vendre des objets, des bricoles trouvés dans la rue. Jusqu’à avoir quelques soucis avec la police. A La Mine, il partage d’abord un appart avec un Soudanais, souffrant visiblement de troubles psychiques., puis avec un Nigérien et un Algérien. La coloc à trois se passe « très bien », jusqu’à son hospitalisation début septembre. Suite à une infection, Aziz a été amputé de la jambe gauche en septembre.
« Je n’ai pas d’autre choix que de continuer à vivre et d’accepter mon sort. Et puis, je ne veux surtout pas que les gens aient pitié de moi. »
Son avenir ? Apprendre à vivre, à marcher sur une jambe. Régler ses problèmes administratifs, « le parcours du combattant ». Trouver un toit. Morti souhaite l’héberger dans une maison inoccupée à Bordeaux, là où il compte installer les bureaux de son asso :
« Malgré toutes mes connaissances, trouver un plan logement est très difficile. Il y a tellement de demandes. Et puis tous les jours, plusieurs familles appellent le 115, sans qu’aucune proposition ne soit faite », déplore l’acteur social.
Morti confie avoir donné aux occupants une « listes des maisons vides à Bordeaux » :
« Mais c’est à eux de les ouvrir. Je leur ai expliqué comment faire. Ce n’est pas si compliqué, même s’il y a des risques. »
Un squat va donc fermer. D’autres, par ricochet, pourraient ouvrir. Éternel recommencement à l’heure où « 10 500 logements seraient vacants sur la métropole bordelaise », expliquait en juin dernier Myriam Eckert, conseillère municipale d’opposition, « pour une moyenne de 3 à 4 000 personnes sans logements ou mal logées ».
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