« L’Origine du monde », le célèbre tableau peint en 1866 par Gustave Courbet dévoile le sexe de la femme au nez et à la barbe des regards prudes. L’œuvre donne son titre, et son esprit provocateur, à une bande dessinée écrite et dessinée par Liv Strömquist en 2014.
Cette partie de l’anatomie féminine qui turlupine nos sociétés depuis la nuit des temps, est aussi le sujet, sous le même titre, de la création pour les planches de Claire-Aurore Bartolo. La jeune metteuse en scène est entourée de comédiens issus comme elle de la dernière promotion de l’éstba, École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine.
Présentée au Studio du TnBA jusqu’au 10 décembre, la libre adaptation de la BD ajoute sans complexe une troisième dimension, après le dessin et l’écriture, celle du théâtre, et réussit à traduire tout le style tranchant et acerbe de l’auteure suédoise.
Rires et consternations
Claire-Aurore Bartolo découvre la BD en 2017, à l’âge de 17 ans. « Ce n’était pas normal que je ne sache pas ces choses et c’était important qu’un maximum de gens les connaissent », dira-t-elle. Sa découverte de Liv Strömquist, de vingt ans son ainée, avec un sujet féministe scelle une pensée commune : dénoncer le patriarcat par la légèreté du ton et la révision parodique des certitudes.
Le texte de « L’Origine du monde » offre un panel de répliques assassines, une galerie de personnages masculins des plus aberrants, et plusieurs volets du sexe féminin tous maltraités par des théories fumeuses. De Saint-Augustin à docteur Kellogg’s – oui, celui des corn-flakes –, on découvre, entre éclats de rire et consternations, comment l’organe de la femme a été interprété à tort et à travers.
Pour Kellogs, la masturbation provoque le cancer de l’utérus. Pour le gynécologue anglais Isaac Baker Brown, cette même masturbation peut s’éradiquer par l’ablation du clitoris. On se dit qu’un peu de philosophie dans ce monde de brutes pourrait… Non ! Pas du tout, surtout quand on apprend que le sexe féminin pour Jean-Paul Sartre « est un appel d’être, comme d’ailleurs tous les trous ».
Tournée des lycées
Le spectacle s’emploie donc à démonter un tas d’affirmations avancées tout au long de l’histoire. Construit en quatre parties – personnages de l’histoire, leçons d’anatomie du sexe féminin, l’orgasme, et enfin les règles –, il emprunte aux émissions de télévision grand-public les codes les plus loufoques : chorégraphies, intermèdes… et même un jeu avec les spectateurs qu’on ne dévoilera pas, vous allez réviser.
Le texte est pratiquement celui de la BD. Les comédiens, Mathéo Chalvignac, Margot Delabouglise, Barthélémy Maymat-Pellicane, Danaé Monnot et Ariane Pelluet, s’adressent au public frontalement et ont à cœur de transmettre la justesse et la clarté d’analyse à la petite cuillère. On est loin des tensions palpables dans les salles de classe pour ce type de cours d’anatomie. Ici, la transmission est à la fois ludique et rentre-dedans.
Ce n’est pas la première ni la dernière adaptation théâtrale d’une œuvre de Liv Strömquist, régulièrement reprise sur scène. La question des tabous liés au sexe féminin est un puits sans fond, inépuisable, dans lequel l’histoire déverse régulièrement des inepties. Qu’une certaine fraîcheur s’en empare ne peut que le porter haut, et ici c’est le cas. « L’Origine du monde » de Claire-Aurore Bartolo, produit par le Théâtre national Bordeaux Aquitaine, a même prévu de faire la tournée des lycées.
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