Comme 80% de ses collègues de l’établissement, Christelle fera grève jeudi 19 janvier, jour de mobilisation nationale contre la réforme des retraites. Depuis la rentrée 2022, elle occupe le poste de Conseillère principale d’éducation (CPE) à Clisthène. Un métier qui l’anime, notamment dans cette annexe expérimentale du collège du Grand Parc, où les élèves, peu nombreux (200 au total), évoluent dans un cadre pédagogique alternatif, basé sur l’interdisciplinarité et la mixité entre les élèves des différents niveaux.
Christelle n’a pas toujours travaillé dans l’Éducation nationale. Après une licence d’anglais et une maîtrise en commerce, elle entame la vie active comme commerçante, avant d’occuper un poste de manager dans la restauration. Et puis, en 2014, elle se reconvertit en passant le concours de recrutement de CPE, par « envie de faire autre chose » et attrait pour la « formation des jeunes » :
« J’ai passé mon concours à Bordeaux mais j’ai passé 4 ans à Vendôme (Loir-et-Cher), loin de ma famille. Le statut de fonctionnaire nous contraint à être mobile. L’affectation se demande selon un certain nombre de points, et la région de Bordeaux est très demandée. »
« Reconnaissance salariale insuffisante »
En réseau d’éducation prioritaire (REP), où se situe Clisthène, les personnels touchent une prime. « Une centaine d’euros tous les mois », précise Christelle, qui a un salaire de 2 300 euros. Mais ces primes, et les heures supplémentaires non payées, ne comptent pas pour ses cotisations.
Aussi, elle estime « vivre moins bien » que la génération de ses parents, au sein d’un système qui pousse à « travailler davantage et plus longtemps » :
« Je pense que la semaine de 4 jours serait une bonne chose. Nous vivons dans une société où il est difficile de vivre à côté de son travail. Je fais souvent plus de 10h par jour. Je trouve la reconnaissance salariale insuffisante, même si je ne suis pas à plaindre pour autant. »
Une difficile fin de carrière
À 46 ans, le temps de la retraite lui paraît à la fois « proche et lointain ». La CPE n’a pas calculé le montant de sa retraite, elle sait seulement qu’elle touchera « peu » :
« Aujourd’hui, l’âge légal de départ à la retraite est à 62 ans. Mais de nouvelles réformes ne vont-elles pas le reculer davantage comme dans d’autres pays européens ? Je suis pour l’équité et je m’inquiète pour tous les métiers où la fatigue physique empêche de continuer. On est dans une société où il est difficile de vivre à côté du travail. On a du mal à partir en vacances, à payer les études des enfants. C’est difficile de se projeter dans une retraite digne. »
La fin de carrière, en revanche, lui paraît plus difficile au sein d’un métier où l’animation éducative sur le plan individuel et collectif est nécessaire :
« Je suis quelqu’un de dynamique et je pense le rester pendant ma retraite, si je n’ai pas de problèmes de santé. Mais en fin de carrière, quelle légitimité je vais avoir devant les élèves ? L’encadrement de ces derniers demande une présence active, en cours, à la cantine… Je ne sais pas comment je vais organiser mon travail. Le mi-temps est possible, mais ça engage aussi à gagner et à cotiser moins. »
« Un jour de grève, c’est un jour de paye en moins »
Sur l’impact de la mobilisation sociale, Christelle se montre plutôt pessimiste. Syndiquée au SNES, elle soutient la mobilisation mais n’ira pas manifester, marquée par les violences policières de précédentes manifestations :
« Le mouvement marque une opposition mais je ne pense pas que ça puisse aboutir au retrait de la réforme. On est aussi dans une période économique difficile, notamment avec l’inflation. Un jour de grève, c’est un jour de paye en moins. »
Dans ce contexte, la CPE n’est même « pas certaine que la mobilisation puisse tenir ainsi sur la durée ».
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