« On a commencé en 2004, avec la volonté de présenter aux Bordelais des artistes qui avaient peu de visibilité » introduit Jean-Luc Terrade. L’initiateur des Rencontres de la forme courte dans le spectacle vivant, avec sa compagnie Les Marches de l’été, regarde dans le rétro avec le sentiment du devoir accompli :
« Je me réjouis de deux choses : nous avons gardé notre engagement de départ, et nous avons vu éclore des artistes qui ont fait un sacré chemin depuis. Je pense spontanément à Leila Ka, Volmir Cordeiro qui a fait son premier solo chez nous, Meytal Blanaru… Je pense aussi à des artistes locaux comme Nicolas Meusnier ou Arnaud Poujol. »
Proximité
Vingt ans plus tard, Trente-Trente conserve la recette qui fait sa longévité : la proximité entre artistes et spectateurs dans des petites salles « parfois pas du tout dédiées au spectacle » :
« Les artistes reviennent même une fois “connus“, poursuit Jean-Luc Terrade. Ça prouve que le format et l’accueil du festival leur plait, que la proximité que nous instaurons également entre artistes et spectateurs est quelque chose qu’ils apprécient : nous leur apportons ce rapport frontal qui devient très rare. »
L’édition 2023 renouvelle donc l’esprit « parcours » qui permet, sous différentes combinaisons, d’enchainer les spectacles dans différents lieux comme la halle des Chartrons ou le marché de Lerme, dans des structures hybrides comme la Garage Moderne, l’Atelier des Marches ou Bag Gallery, ou encore des installations professionnelles comme La Manufacture CDCN, la Méca ou l’Agora à Boulazac (24).
Des nouveaux lieux s’ajoutent à cette édition et enrichissent les parcours : les Vivres de l’Art, le Washbar, La Manufacture et Mille Plateaux à La Rochelle (17).
Censure
La trentaine de propositions artistiques s’articulent autour d’un fil rouge : la censure. Outre le débat organisé le 27 janvier à la Méca sur la thématique « Liberté d’expression et censure nouvelle », la programmation réunit notamment des artistes « qui ont des difficultés à pratiquer leur art dans leur propre pays ».
« Je pense par exemple à Alexandre Paulikevitch, abonde Jean-Luc Terrade, qui danse le “baladi”, une danse traditionnellement pratiquée par les femmes et qui peut lui valoir un certain rejet dans son pays, le Liban. Il existe aussi une censure plus institutionnelle dans nos propres démocraties qui tend à invisibiliser les spectacles allant au-delà du simple divertissement. »
La censure côtoie l’interdit dans le format intimiste de divers sujets, notamment la performance de la Parisienne Eve Magot : « Le temps de Rien ». Pensée comme un peep show, ce spectacle en tête-à-tête (le spectateur est seul) joue la transgression avec les codes du plaisir et de la proximité intime.
« Comment la société veut que l’on soit ? » est aussi un questionnement sur les mécanismes de la discipline posé par la Girondine Annabelle Chambon dans sa performance « Discipline in Disorder ». Même interrogation sur les codes dans la performance de l’Italienne Paola Daniele, « Épiphanie », qui veut débarrasser le sang des femmes de son image impure.
Enfin un temps fort est à retenir, celui du programme Queer (défilé et performances) du 24 janvier aux Vivres de l’Art. Carte blanche donnée à la Maison De La, cette initiative « vise à promouvoir la différence et à éveiller la curiosité dans un état d’esprit ouvert, respectueux et joyeux ».
L’édition 2023 de Trente-trente démarre ce jeudi 12 janvier avec le vernissage de l’exposition de Laurent Goldring et Bastien Capela. Consultez le programme ici.
Chargement des commentaires…