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Ce que la « nouvelle donne ferroviaire » du gouvernement pourrait entrainer en Nouvelle-Aquitaine

Recevant le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, Elisabeth Borne a annoncé sa volonté de se conformer au scénario « transition écologique », qui donne la priorité aux transports du quotidien, et aux « besoins urgents de modernisation des réseaux pour y faire face ». Cela pourrait se traduire notamment dans la région par un investissement important dans la ligne ferroviaire Bordeaux-Marseille et dans le RER Métropolitain, et par un report de la construction des LGV Toulouse-Bordeaux-Dax.

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Ce que la « nouvelle donne ferroviaire » du gouvernement pourrait entrainer en Nouvelle-Aquitaine

Une « Nouvelle donne ferroviaire », de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici 2040. C’est la promesse faite par Elisabeth Borne vendredi 24 février, à l’occasion de la remise du rapport Conseil d’orientation des infrastructures. Et une option privilégiés par cet organe consultatif rattaché au gouvernement pour piloter la stratégie des mobilités du pays jusqu’en 2042.

Des trois scénarios de ce rapport, qui avait largement fuité dans la presse, le COI recommandait en effet vivement celui dit de « planification écologique », marquant « des choix très forts » notamment « pour la régénération et la modernisation du fer, pour l’accélération des projets de systèmes métropolitains régionaux, pour l’adaptation et la transition des routes existantes », ainsi que pour des investissements pour les voies d’eau.

Un milliard d’euros par an pour le rail

La Première ministre s’est rangée à cet avis, écartant le scénario de « cadrage budgétaire », très restrictif, et celui de « priorité aux infrastructures », qui préconisait d’accélérer les grands projets ferroviaires – avec par exemple le lancement dans les 5 ans de la LGV Bordeaux-Toulouse, et le démarrage des études sur le tronçon Dax-Espagne.

Mais celui-ci n’était « pas plus ambitieux que le scénario de planification écologique sur les sujets consensuels », comme les trains du quotidien ou le soutien au vélo, souligne le CIO. Sa traduction devrait avoir des effets importants sur les infrastructures néo-aquitaines.

D’ores et déjà, la Première ministre a donc annoncé l’augmentation des investissements dans le réseau existant, « pour atteindre d’ici la fin du quinquennat un milliard d’euros supplémentaires par an pour la régénération du réseau, et 500 millions d’euros par an pour sa modernisation ». 

« Pour nos concitoyens, moderniser le réseau se traduira par davantage de trains, une meilleure ponctualité et des temps de parcours moins longs. C’est à ces conditions, et à ces conditions seulement, que le train sera pleinement une alternative attractive et crédible à la voiture. »

Sauver le Bordeaux-Marseille

Il s’agira notamment de sauver la ligne de train d’équilibre du territoire » (TET) Bordeaux-Marseille. Le COI réclame le renouvellement du matériel roulant pour 400 millions d’euros dès 2023, et soutient le développement du réseau de jour et de nuit, pour un montant de près de 1,5 milliard de 2023 à 2032.

Dans ce même objectif de diminution de la part modale de la voiture, Elisabeth Borne estime que le gouvernement doit « investir dans le développement du réseau ».

« Cela passera par le déploiement des RER métropolitains, comme l’a annoncé le Président de la République. Derrière, le concept de RER métropolitains, c’est l’usage du train qui va évoluer, avec des trains plus nombreux, plus réguliers et desservant mieux les bassins de vie. »

Le COI recommande en effet que s’engage dès maintenant « les opérations relevant de l’aménagement du réseau structurant et des noeuds ferroviaires », citant notamment les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse (AFSB et AFNT), censés servir tant aux RER bordelais et toulousain qu’à la LGV Toulouse-Bordeaux, mais aussi la ligne POLT (Paris-Orléans-Lyon-Toulouse).

La Société du Grand Paris pour le RER Girondin

Pour porter le développement des RER métropolitains partout en France, Elisabeth Borne n’a pas annoncé d’enveloppe dédiée, mais indiqué que « ce chantier s’appuiera sur l’expertise de la Société du Grand Paris, la SGP ».

Celle-ci « mettra ses compétences au service des régions et entamera dès le mois de mars des discussions avec les exécutifs locaux concernés pour déterminer le calendrier, les modalités opérationnelles et de financement pour les nouveaux projets de RER métropolitains ».

L’élargissement des missions de la SGP fera l’objet d’un texte de loi, prochainement présenté au Parlement.

La Première ministre a été moins diserte sur le sujet sensible de GPSO et des autres projets de LGV, pour affirmer simplement que se poursuivraient « les projets de lignes nouvelles engagés ».

Au moins deux ans de retard pour Bordeaux-Toulouse

Si l’on se réfère au rapport du Conseil d’orientation des infrasructures, le scénario « planification écologique » stipule que la ligne nouvelle Bordeaux-Toulouse « est accélérée par rapport aux préconisations du COI 2018 (NDLR : le rapport Duron) et à la LOM (NDLR : loi d’orientation des mobilités, qui ne mentionnait que les AFSB et AFNT), même si elle l’est moins que les attentes ».

Les porteurs du projet tablent en effet sur un démarrage du chantier en 2024 et une mise en service en 2032. Le COI indique pour sa part un engagement des travaux principaux sur le quinquennat 2027-2032, et donc une livraison quelques années plus tard que le calendrier escompté.

Le scénario planification écologique conduit « à différer de deux ans environ les lignes nouvelles Bordeaux Toulouse et Montpellier Béziers par rapport aux attentes, le financement des études serait différé à 2026-2027, et des travaux à 2030-31 », précise le rapport.

Surtout, le conseil d’orientation des infrastructures renvoie à 2038-2042 le lancement des travaux de la ligne Sud Gironde-Dax. « Un enterrement de première classe », a pesté dans Sud Ouest Renaud Lagrave, puisqu’un tel décalage de cette branche de GPSO pourrait entraîner des contestations en justice et condamner son financement par l’Europe.

L’Europe à moins grande vitesse

La Commission européenne, qui a déjà refusé de subventionner les études pour ces deux LGV, n’est en effet susceptible de contribuer au projet que si le tronçon vers l’Espagne est réalisé, comme l’a rappelé Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, à Elisabeth Borne.

Les opposants à la LGV estiment en revanche que l’Union européenne pourrait investir dans la rénovation des lignes existantes, en s’appuyant sur le rapport du COI.

Celui-ci souligne en effet que le règlement du RTE-T (le réseau transeuropéen de transport) « exige que les principales lignes ferroviaires de transport de voyageurs du RTE-T permettent aux trains de circuler à 160 km/h ou plus rapidement d’ici à 2040, créant ainsi des liaisons ferroviaires à grande vitesse compétitives dans l’ensemble de l’Union ».

La grande vitesse pour l’Europe, c’est ainsi au moins 160km/h, vitesse que peuvent attteindre les trains classiques sur des voies en bon état, et pas nécessairement 320km/h, vitesse des TGV. Aussi, les écologistes ont applaudi au rapport du COI.

« Les projets de LGV imprudemment remis à l’ordre du jour en 2021, font l’objet d’un nouveau report et notamment jusqu’en 2034 pour le GPSO, a déclaré dans un communiqué Pierre Hurmic. Des années de déclarations contradictoires ont terriblement pénalisé la dynamique ferroviaire sur notre territoire entrainant une très forte dégradation du service aux usagers du train ».

« Les trains du quotidien au détriment de la LGV »

Pour le maire de Bordeaux, le choix des experts du COI « est sans ambiguïté: privilégier le train du quotidien (TER et RER) au détriment de la LGV comme le préconisait déjà en 2017 Elisabeth Borne, ministre des Transports. »

Suite à sa prise de parole vendredi dernier, la Première ministre a toutefois temporisé sur l’hypothèse d’un tel report. « Matignon minimise les pistes du COI et précise que ce travail « servira de base de travail dans les discussions que nous allons avoir à partir de mars avec les collectivités locales pour décider sur quoi nous allons investir », ont commenté dans un communiqué les élus écologistes de Bordeaux Métropole et du Département de la Gironde. 

Pour Clément Rossignol-Puech, vice-président aux mobilités à Bordeaux Métropole, « notre territoire sera largement impacté par les arbitrages financiers qui seront faits par le gouvernement, notamment sur le devenir du GPSO mais pas uniquement, donc nous avons bien l’intention de peser dans les discussions que le ministère entend mener avec les collectivités. »


#transports

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