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Le projet de grand contournement de Bordeaux de retour, à l’est mais toujours plus à l’ouest

Face au problème de congestion routière de la métropole bordelaise, son président Alain Anziani ainsi que celui de l’agglo de Libourne, Philippe Buisson, veulent que l’Etat remette à l’étude la construction de barreaux permettant aux véhicules de la contourner par l’est. Si le tronçon Mussidan-Langon est à nouveau évoqué, aucun projet concret n’est aujourd’hui proposé, et les arguments avancés laissent songeurs.

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Le projet de grand contournement de Bordeaux de retour, à l’est mais toujours plus à l’ouest

« Nous tentons de relancer un débat qui n’est pas d’arrière-garde », martèle Philippe Buisson. Au lendemain de la remise du rapport du GIEC, montrant que la fenêtre d’action pour infléchir la courbe du réchauffement planétaire se réduit dangereusement, le maire de Libourne sait qu’un projet de nouvelle autoroute n’est pas a priori dans le sens de l’Histoire.

En exposant à la presse ce mardi avec Alain Anziani, le président de Bordeaux Métropole, leur volonté de relancer le débat sur le contournement de Bordeaux, les deux hommes semblent néanmoins persuadés qu’une liaison autoroutière bitumant par exemple l’Entre Deux Mers pour détourner une partie du trafic de l’A63 et la rocade bordelaise, est un projet écologiquement responsable :

« Il faudra rendre la perspective compatible avec les attendus du GIEC et c’est faisable, considère Philippe Buisson. Le routier peut être vertueux et dans 20 ans, le transport par camion sera un des plus propres proposés. »

Un projet encore flou

20 ans, c’est loin, quand on sait que le GIEC recommande de diviser par deux nos émissions mondiales de CO2 d’ici 2030. Mais ça tombe bien : si un projet de grand contournement autoroutier de Bordeaux finit par être arrêté, approuvé et construit, il ne verra pas le jour « avant 15 ou 20 ans », reconnait le maire de Libourne.

Encore faudra-t-il que ses contours soient précisés. Ce mardi, les deux élus PS n’ont pas donné de préférence sur un tracé ou un gabarit – « ce n’est pas à nous de dire où et dans quel ordre ».

Alors que le Grenelle avait enterré un contournement autoroutier par l’ouest, ils évoquent simplement l’hypothèse d’un ou plusieurs barreaux à l’est de l’agglomération, « qui relieraient l’A65 Pau-Langon et l’A89 Bordeaux-Lyon, pas surbookées ».

Bref, une liaison Mussidan-Langon, défendue par l’association Develop’so, figurant dans une délibération de la métropole votée en 2017 et qui avait « obtenu à l’époque une réponse plutôt favorable d’Elisabeth Borne, alors ministre des transports », rappelle Alain Anziani.

« Nous avons besoin d’études très précises on va saisir officiellement le préfet pour qu’il les inscrive dans le contrat de plan Etat-Région », qui établit les financements publics de Paris en Nouvelle-Aquitaine, poursuit le président de la Métropole.

Le concept de barreau autoroutier entre Mussidan et Langon est porté par l’association périgourdine Develop’so Photo : DR

Coup de frein à la route

Sollicitées par Rue89 Bordeaux, la préfecture de la Gironde et la Région n’ont pas donné suite. La Région avait néanmoins refusé que le CPER finance des infrastructures routières. Quant à l’Etat, il a donné un coup de frein aux projets autoroutiers, notamment l’abandon de Poitiers-Limoges, et le Conseil d’orientation des infrastructures émis de fortes réserves sur d’autres projets, en raison de leur impact sur l’environnement.

Selon Alain Anziani, les derniers gouvernements ont toutefois « accordé des exceptions à l’objectif de zéro artificialisation nette », et, ces dernières années, donné son feu vert à d’autres contournements. Il cite celui de Strasbourg – réalisé après des années de lutte judiciaire et de ZAD -, mais aussi celui de Rouen, qui malgré une déclaration d’utilité publique n’est pas encore sorti de terre et est grandement contesté, notamment par le maire (socialiste) de Rouen.

Localement, l’opposition à une nouvelle autoroute devrait aussi être vive, à en croire les déclarations à Rue89 Bordeaux du maire de Langon, commune qui serait au carrefour d’un tel projet. Mais Philippe Buisson estime que le lobbying auprès de l’Etat doit permettre de « rouvrir une débat apaisé », pour « s’entendre sur le constat ».

Contre les bouchons

Il évoque « la thrombose de la métropole qui a pour conséquence première d’assécher les territoires périphériques ». Alain Anziani veut « résoudre un des plus gros problèmes de l’agglomération » et qui « s’est empiré ».

Les deux hommes rappellent ainsi que Bordeaux est « devenu la 2e ville la plus embouteillée de France ». « Tous les jours, les gens passent trop de temps dans leur voiture et (…) pensent que les politiques ne prennent pas en compte leurs difficultés », pense Alain Anziani.

Selon le classement TomTom, les Bordelais perdraient ainsi 95 heures dans les bouchons. C’est toutefois 3 heures de moins qu’en 2021, les temps de parcours s’étant globalement améliorés – de 20 secondes par 10km… De surcroit, la méthode de calcul a changé, TomTom distinguant désormais villes centres et métropoles, et l’agglo bordelaise n’est « que » 13e de ce classement.

Alain Anziani évoque par ailleurs une augmentation de 10% en 10 ans du trafic sur le pont François Mitterrand. L’ouvrage est toutefois pendant cette période passé à 2X3 voies, et a probablement supporté un report des voitures qui empruntaient le pont de pierre.

Evaporation du trafic

Cela avait provoqué une réelle évaporation du trafic automobile, mais le concept déplait au maire de Mérignac, qui le qualifie de « chimérique » :

« Je ne le comprends pas. Certains disent aussi que plus on fait de voies routières plus il y a de véhicules, mais c’est le contraire, plus il y a de voitures plus il faut des routes. »

Les phénomènes d’évaporation et d’aspirateurs à voitures sont pourtant avérés par des études sérieuses. Le président de Bordeaux Métropole considère en outre qu’ »on a tout essayé » pour réguler le trafic des poids lourds – 20000 des 134000 véhicules passant chaque jour sur le pont François-Mitterrand « qui sont en transit et n’ont aucun intérêt sur plan local ».

Il semble ainsi entériner d’emblée l’échec d’une écotaxe poids lourds, écartée par l’Etat sous la pression des transporteurs, en raison des prix actuels des carburants. Quant à mettre des camions sur des rails, Alain Anzani renvoie à la réalisation de GPSO l’option d’un renforcement de l’offre de fret ferroviaire, bien que les transporteurs ne soient nullement demandeurs d’une nouvelle voie.

L’A89, loin d’être « overbookée » Photo : Tabi-Tail/Wikimedia/CC

Zizanie à la métropole

A quoi donc pourra donc bien servir la croisade pour une autoroute qui ne verra pas le jour avant 2040, à part flatter l’automobiliste contemporain ou envoyer un message à la droite métropolitaine qui la réclame ? « Notre responsabilité est de prévoir l’avenir », assure Alain Anziani qui jure n’être « ni pour ni contre la voiture ».

« Bordeaux Métropole veut réduire la part modale de la voiture de 49 à 33% avec son schéma des mobilités, la Cali a instauré la gratuité des transports, nous ne sommes pas des abrutis qui n’y connaissent rien ».

« On a fait le RER métropolitain, nous ne sommes pas des arriérés », reprend Philippe Buisson.

Sans attendre les effets de ces politiques, qui pourraient sensiblement réduire la circulation automobile, le président de la métropole se dit prêt à financer des études sur ce contournement, au mépris de l’accord de gouvernance avec les écologistes. Il assume de lancer un nouveau sujet de discorde dans sa majorité : « On a déjà des désaccords qu’on arrive à régler à l’amiable, et il y a des choses que les Verts font auxquelles je n’adhère pas du tout ».

Et le maire de Mérignac laisse sans broncher le rôle du sniper à Philippe Buisson, qui attaque sans le citer Clément Rossignol-Puech, vice-président aux transports de la métropole et maire de Bègles, hostile au grand contournement :

« C’est facile quand on est élu d’un territoire servi de considérer que les autres n’ont pas à l’être. Si Bègles n’avait pas le pont François-Mitterrand cela lui manquerait à Bègles. Et si la zone commerciale de Rives d’Arcins était à Libourne (…) il y aurait moins de monde sur la rocade. »

Et pas forcément besoin de contournement si Mérignac Soleil était à Langon.


#transports

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