Pour le 3 juin, journée de mobilisation générale contre la LGV, Saint-Médard-d’Eyrans s’est paré de ses couleurs de bataille. De la gare au centre du bourg, les panneaux anti-LGV fleurissent. Le message est clair : ici, à quelques kilomètres au sud de Bordeaux, les locaux ne veulent pas du grand projet du Sud-Ouest (GPSO) – les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax.
Dès 8h30, Philippe Gaillard fait équipe avec un autre militant pour parfaire la décoration en ville. Armés de bombes de peinture orange, les deux hommes recouvrent routes et ronds points du même message : LGV NON.
Mobilisation générale
Place 1901, c’est le début de l’effervescence aussi. Une partie des militants s’occupe de sortir barnums, planches et tréteaux pour mettre en place les stands associatifs. En parallèle, le comité des fêtes, responsable de la restauration pour la journée, s’affaire aux fourneaux. Alors que les effluves de grillades imprègnent déjà l’air ambiant, Philippe, membre du Comité, explique l’engagement de ce collectif pour la journée du 3 juin :
« On est là depuis 6h30. On a voulu soutenir le mouvement, donc on s’occupe de la restauration et aujourd’hui la moitié de ce qu’on gagnera sera reversé au collectif LGVEA. »
Suspens européen
A l’image de Philippe, les Saint-Médardais étaient nombreux à se mobiliser et à affirmer leur rejet du projet. Ils se sont joints à plusieurs collectifs locaux présents pour l’occasion, comme LGV Ni Ici Ni Ailleurs (NINA), la Sepanso Gironde, ou encore Stop LGV Bordeaux métropole.
Les élus de la région n’étaient pas en reste non plus. Maires, sénateurs et députés ont tenu à faire le déplacement pour manifester leur soutien au mouvement. Nicolas Thierry, député écologiste de la 2e circonscription de Gironde, insiste sur l’importance de cette journée de mobilisation :
« C’est un moment institutionnel particulier, puisque le plan de financement de ce grand projet dépend aujourd’hui de la décision de l’Europe, qui doit financer 20% des 14 milliards totaux. Se mobiliser contre, élus et citoyens, ça envoie un signal à l’Europe alors qu’elle est déjà hésitante », affirme-t-il
Colère et inquiétudes
Christian Tamarelle, maire de Saint-Médard-d’Eyrans et membre hyper-actif du combat contre la LGV, était également présent tout au long de la journée. Il a rappelé les raisons de cet engagement :
« C’est un projet qui nous paraît dépassé. Dépassé dans le temps, dépassé au niveau du prix […] Dépassé au niveau environnemental aussi. Ce territoire va subir les affres de ce projet dans une zone Natura 2000 », rappelle-t-il
En ce jour de mobilisation, pas vraiment de manifestation au programme mais une balade autour de Saint-Médard. Elle a permis aux participants de voir les maisons et terrains qui seront détruits ou artificialisés si le projet LGV arrive à son terme. Les bocages humides et champs fleuris de la zone Natura 2000, dont l’écosystème est menacé par la construction d’un viaduc et par la LGV, sont au cœur des inquiétudes :
« Si cette LGV passe par ici, c’est un strike jour comme nuit pour la plupart des animaux volants. Est-ce qu’il y aura des naturalistes pour compter les cadavres sur les côtés de la voie ferrée ? Est-ce qu’il y aura des compensations pour ça ? Certainement pas », avertit Alain, un militant spécialiste du milieu naturel de la zone humide.
Projet « aberrant »
Outre les préoccupations environnementales, les plus concernés par le projet rejettent la fragmentation du territoire qui résulterait du GPSO. Mur antibruit de part et d’autre de la voie, passages à niveau supprimés… Pour les Saint-Médardais, la LGV rendrait plus difficiles les déplacements quotidiens. Comble de l’histoire, ils devront participer au financement de cette troisième voie, dont ils ne se serviront pas outre mesure. Bernard Fath, président de la communauté de communes de Montesquieu, ne cache pas son agacement :
« Le TGV Paris-Toulouse ne sera pas utilisé uniquement par des Saint-Médardais. Mais ce sont eux qui devront le payer. Ca veut dire qu’un lillois qui veut aller à Toulouse prendra un TGV financé par les gens de Saint-Médard. »
Saint-Médard, future ZAD ?
La suite de la mobilisation s’organisera pendant l’été, avant le début des travaux annoncé pour la rentrée. Le collectif LGV Nina travaille déjà sur une idée d’animations successives dans toutes les communes concernées par le projet, de Cadaujac jusqu’à Captieux. En parallèle, plusieurs procédures judiciaires ont été lancées par des élus locaux et par des collectifs citoyens – contre la prolongation de la déclaration d’utilité publique des AFSB, contre le plan de financement, et contre la constitutionnalité des nouvelles taxes votées en fin d’année dernière par le Sénat.
Malgré tout, l’idée d’une zone à défendre (ZAD) reste dans les esprits. Dans tous les cas, les élus et les habitants sont prêts à aller jusqu’au bout :
« On va défendre la vallée du Ciron quoi qu’il arrive. On sait très bien que ça va se durcir, mais s’ils ne reculent pas, on ne reculera pas non plus ! » gronde un membre du collectif LGV Nina.
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