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Canicule : plan bleu déclenché dans les Ehpad de Gironde et au CHU de Bordeaux

Pour faire face à la canicule, qui s’est installée en Gironde depuis dimanche, les Ehpad s’adaptent. Les personnes âgées étant particulièrement vulnérables aux fortes chaleur, des mesures sont prises dans le cadre du plan canicule. Au sein de l’Ehpad Henry Dunant de la Croix-Rouge, à la vigilance accrue s’ajoute un réaménagement des animations, la création d’espaces rafraîchis et la mise en place d’un dispositif d’aide à l’hydratation.

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Canicule : plan bleu déclenché dans les Ehpad de Gironde et au CHU de Bordeaux

Dans sa chambre de la résidence Henry Dunant Croix Rouge qu’elle occupe depuis 1 mois, Monique Barbeyrol, 84 ans, postée sur sa chaise à côté de son petit ventilateur l’assure en riant « la chaleur ça ne me dérange pas ».

Pourtant, il fait très chaud à l’extérieur de cet Ehpad associatif, située sur la rive droite bordelaise, où la presse était conviée ce mardi 22 août pour une présentation du dispositif anti-canicule. À 9h30, il fait déjà près de 30°C. Le département de la Gironde est placé sous vigilance orange depuis dimanche 20 août, et les températures devraient grimper encore jusqu’à jeudi, pour ne baisser qu’à partir de vendredi.

Redoubler de vigilance

Alors pour que les résidents puissent mieux faire face à ces épisodes de chaleur, l’Ehpad et son personnel s’adaptent. Des mesures ont ainsi été mises en place dans le cadre du plan bleu déclenché dans cet établissement, un plan de gestion des risques et situations sanitaires exceptionnels (SSE) susceptibles d’impacter les établissements médico-sociaux.

« Les activités d’animation ont été adaptées aux conditions de chaleur, on organise plus de tour d’hydratation », indique par exemple Sébastien Alliaud, salarié animateur de l’établissement.

Laure Langevin, responsable de l’Ehpad rend visite à l’une des résidentes Photo : MP/Rue89 Bordeaux

En outre, les passages dans les chambres des 76 résidents de cet Ehpad se font plus fréquents. Le mot d’ordre : redoubler de vigilance. Les personnes âgées sont en effet particulièrement vulnérables lors des épisodes de fortes chaleurs.

Laure Langevin, responsable administrative de l’établissement, fait visiter les locaux en détaillant les aménagements réalisés dans cet établissement pour palier l’épisode caniculaire :

« À chaque étage il y a un salon rafraîchi. Le salon du deuxième étage est utilisé pour le repas des personnes les plus dépendantes et pour éviter qu’elles soient confrontées aux chaleurs qu’il y a dans les étages. »

Le plan bleu de l’établissement indique que les personnes âgées doivent passer 3h par jour dans des pièces rafraîchies ou climatisées.

« Les personnes âgées n’ont pas la sensation de soif ni de chaleur »

« Vous vous occupez bien des résidents », lance Monique Barbeyrol à l’attention de Laure Langevin, agenouillée à ses pieds et venue lui rendre visite. Face aux journalistes se pressant dans la petite chambre, la responsable d’établissement tend un verre d’eau à la résidente et s’occupe de replacer correctement son ventilateur.

Dans la pièce jouxtant la chambre de Monique, une membre du personnel s’occupe de faire boire un des résidents à l’aide d’une mini gourde d’eau adaptée aux personnes ayant le plus de difficultés à boire. Ces dispositifs, testés pour la première fois cette année, font également partie d’une des mesures mises en œuvre dans le cadre du plan canicule.

Des gourdes adaptées sont mises à disposition pour aider les résidents à s’hydrater Photo : MP/Rue89 Bordeaux

La déshydratation est en effet l’un des risques majeurs auxquels peuvent être confrontés les personnes âgées, qui « n’ont pas forcément la sensation de soif ni de chaleur », rappelle Laure Langevin. Selon le site Ameli cette « sensation de soif est atténuée, même lorsqu’elles ont besoin de boire ».

« Il faut être dans la sollicitation constante. Surtout pour les personnes âgées qui ont du mal à boire. Il faut s’hydrater, s’hydrater, s’hydrater », martèle Olivier Serre, directeur général adjoint par intérim de l’agence de santé régionale (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, présent à l’Ehpad ce mardi.

Plan bleu activé

Depuis l’épisode de canicule de 2003, qui avait provoqué la mort de près de 15 000 personnes, la rédaction d’un plan bleu est obligatoire pour tous les établissements hébergeant des personnes âgées.

À la suite de l’été 2022, « au deuxième rang des étés les plus chauds depuis le début du XXe siècle », la France a dénombré plus de 5000 morts liées aux vagues caniculaires, dont 436 en Nouvelle-Aquitaine, « soit une surmortalité relative de +18 % ». La majorité des décès concernait des personnes âgées de 75 ans et plus.

Olivier Serre rappelle donc que la mission de l’ARS dans ces périodes est de « s’assurer que les établissements ont toute la ressource nécessaire pour pouvoir accompagner les personnes âgées dans de bonnes conditions, qu’elles aient un accès facilité à des pièces rafraîchies ».

La responsable de l’établissement Henry Dunant ajoute que dans le cadre de ce plan bleu, les résidents susceptibles de souffrir davantage de la chaleur ont pu être identifiés en amont.

« On a pu anticiper par rapport à leur état de santé qui pourrait être affecté par ces épisodes de canicule », affirme-elle.

Plan Canicule hors Ehpad

Le Plan Canicule ne se déploie pas que pour les résidents en Ehpad. À chaque épisode caniculaire, l’ARS Nouvelle-Aquitaine et le Conseil départemental de la Gironde mettent en place les mesures de ce plan parmi lesquelles figurent notamment une commuication sur les actions de prévention et une mise en place de la plateforme départementale d’information.

Un système bien ficelé selon Olivier Serre. Si sur la période post-2003 (entre 2004 et 2014), on a d’après lui « mis du temps à structurer les choses », aujourd’hui « à partir du moment où l’on sait que l’épisode caniculaire va être dense », l’organisation des mesures à mettre en place est meilleure.

« Les collectivités savent ce qu’elles doivent faire, notamment s’assurer que les personnes dites vulnérables sont bien inscrites sur le registre qui permet de les contacter rapidement », commente-il.

Petits gestes

À ses côtés, Romain Dostes, vice-président du Département de la Gironde, chargé de la politique des aînés et du lien intergénérationnel détaille aussi l’ensemble des mesures déployées :

« Le département propose une heure supplémentaire d’aide à domicile pour aider les personnes à mieux s’hydrater, les aider à se doucher et leur passer un gant pour les rafraîchir. »

Ces « petits gestes » s’ajoutent au plan d’aide des personnes âgées isolées bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). En 2022, ce dispositif, déployé pendant les moments de crise aigüe, a concerné 87 personnes parmi les 22 000 personnes isolées identifiées sur le territoire girondin.

Le vice-président du département de la Gironde insiste d’ailleurs sur « le repérage de ces personnes isolées, car ce sont les plus fragiles pendant ces périodes et elles sont parfois hors des radars institutionnels ».

Romain Dostes précise enfin que la période d’accueil téléphonique, via le numéro 05 56 99 66 99, est étendue de 8h30 à 18h, du lundi au vendredi pendant la durée de l’alerte canicule.

Une situation à même de fragiliser davantage les Ehpad ?

Au sein de l’Ehpad, la chaleur n’affecte pas que les résidents. Le personnel aussi fait face à des conditions de travail plus difficiles. L’animateur Sébastien Alliaud raconte que les salariés s’organisent pour rester le plus possible dans les espaces climatisés et limitent leurs déplacements au sein de la résidence pour ne pas trop circuler dans les couloirs où il fait plus chaud.

« Et puis on vient en short », conclut-il en riant

La situation dans les Ehpad français prête moins à sourire. Crise de confiance, augmentation des dépenses et difficulté à recruter : l’épisode de canicule ajoute une pression supplémentaire, d’autant plus qu’une partie de la quarantaine de membres du personnel de cet Ehpad est en congé estival.

Dans l’optique de s’assurer que « l’établissement puisse avoir toutes les personnes dont il a besoin », le plan bleu prévoit ainsi la possibilité de « rappeler du personnel en congé ».

« Dans le cadre du plan bleu l’ARS peut octroyer un budget supplémentaire à la dotation “soins” que nous versons à l’établissement pour le recrutement de “renforts” en personnel, ajoute son directeur régional adjoint. Cela ne règle pas la question des difficultés de recrutement mais pour autant cela permet de trouver celles et ceux qui ont vocation à intervenir auprès des personnes âgées dans de bonnes conditions. »

Pour pouvoir embaucher, Olivier Serre évoque le travail mené avec des agences d’intérim « et la mise en place de plateformes qui permettent à plusieurs établissements de se regrouper pour se rendre plus attractif pour recruter du personnel ».

Rénover pour anticiper les canicules

Pour Romain Dostes, faire face à la canicule passe aussi par un aménagement de plus long terme.

« La canicule c’est un moment important mais il faut aussi pouvoir planifier avant, à travers des projets architecturaux qui soient cohérents : il faut végétaliser et installer des espaces de fraîcheur. »

L’élu prend exemple sur cet établissement tout neuf, ouvert depuis un an et demi à peine, avec des jardins et des espaces de fraîcheur qui ne nécessitent pas l’usage de climatisation.

« On essaye d’aller vers des système de rafraichissement comme cela a été pensé ici à travers le projet architectural plutôt que de déployer de la climatisation qui peut nuire aux résidents et qui n’est pas une solution idéale d’un point de vue environnemental », développe-il.

Depuis une salle équipée d’un système de rafraîchissement dite « free cooling », la responsable de l’établissement en vante les mérites et décrit comment « l’air de l’extérieur est retraité et redistribué, ce qui nous permet de ne pas avoir la clim tout le temps ».

Quid des établissements plus anciens ? Romain Dostes explique à Rue89 Bordeaux que le département a mis en place un « plan santé » qui doit établir un diagnostic de l’état des bâtiments en Gironde. Si les résultats sont officiellement attendus pour le second semestre de 2023, l’élu spécifie que 10 Ehpad publics ont ainsi été identifiés comme devant être accompagnés en urgence.

À Henry Dunant, les résidents sont donc quelque peu privilégiés vis-à-vis des fortes chaleurs. Certains sont même dehors, assis dans le patio faisant face à la végétation. Leur calme contraste avec l’agitation qui commence à gagner la salle près de l’entrée. La visite s’est éternisée, c’est déjà l’heure du déjeuner.


#Agence régionale de santé

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