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« La part du chien » : quand des cabots viennent en renfort de gueules cassées

Pour la nouvelle collection XXI bis, des grands reportages publiés au format livre de poche, l’auteure et journaliste bordelaise Aurélie Champagne a suivi le programme Arion. Développé par l’armée française, celui-ci propose à des soldats traumatisés d’adopter en douceur des chiens abandonnés, afin d’aider l’animal et son futur maître à se reconstruire. Suite de notre série « Pages à plages ».

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« La part du chien » : quand des cabots viennent en renfort de gueules cassées

« Le cœur d’Arion tient sur un Post-it : un homme cassé rencontre un chien cassé et rentre chez lui », résume Aurélie Champagne. Évidemment, pour la journaliste et auteure bordelaise, qui a suivi plusieurs mois ce programme de l’armée de terre, son déroulement est loin d’être aussi simple. Elle le raconte dans un reportage au long cours, publié sous forme d’un petit livre (96 pages, 9€) récemment paru dans une nouvelle collection lancée par la revue XXI, XXI bis.

Aurélie Champagne a longtemps collaboré à Rue89, et écrit des scénario et un premier roman remarqué, Zébu Boy. En 2022, la jeune femme s’est mise dans les pattes d’une mission d’ethnographie de chercheurs de l’Université Sorbonne Paris Nord, qui s’intéresse à cette expérience de médiation.

« Pourquoi pas un chien ? »

Lors d’un stage d’éducation canine au refuge SCPA de Carcassonne, elle a rencontré des « gueules cassées » : Claude, marin-pompier de 28 ans traumatisé lors d’une intervention sur un accident de la route, et Mathieu, chasseur alpin de 33 ans, rentré en 2010 d’Afghanistan en état de stress post-traumatique.

« Par usure ou par surprise, la mort et le chaos ont fait irruption dans l’existence des deux militaires et pulvérisé le sens qu’avaient pour eux quantité de choses, souligne Aurélie Champagne. Au quotidien, Claude et Mathieu composent avec les reviviscences, les cauchemars, les crises d’anxiété, les pleurs, les médocs et « la honte d’avoir cassé » quand d’autres seraient restés droit dans leurs bottes. »

« Dans un état d’hypervigilance qui sabote leur vie sociale », les deux hommes sortent peu de chez eux. Ils « ont joué le jeu de l’accompagnement médico-social proposé par l’armée », essayant « des formations ou des activités sans jamais vraiment ressentir le bien-être escompté ». Alors « pourquoi pas un chien » ?

« Ces animaux à l’odorat hors du commun sont capables de détecter les pics de cortisol, l’hormone du stress, et d’anticiper les crises d’anxiété chez les humains », rappelle l’auteure. Ils peuvent « rassurer leur maître en cas d’attaque de panique », voire leur rappeler l’heure de prise des médicaments.

Le chien aboie et la Grande Muette passe

Des chiens d’assistance ont été utilisés par l’armée américaine pour accompagner les soldats traumatisés, expérience dont s’est inspirée la Grande Muette hexagonale pour son programme Arion – du nom du compagnon à quatre pattes d’un blessé psychique rentré d’Afghanistan.

L’adjudant-chef Frédéric en est la tête pensante. « Esprit sagace et silhouette musculeuse », selon Aurélie Champagne, qui sait brosser ses caractères en quelques mots, et « du genre taiseux ». Ça tombe bien, estime le cynotechnicien :

« A l’armée, on t’apprend plutôt à fermer ta gueule. Et puis les chiens c’est tout au regard et au geste ».

C’est Fred qui a eu l’idée de travailler avec un refuge, celui de Carcassonne, où il a « sélectionné six bêtes pour leur stabilité émotionnelle, leur capacité d’apprentissage et de communication ». Ces animaux abandonnés sont ensuite présentés aux humains cabossés : Claude a un « coup de cœur » pour Syndelle, une malinoise de un an. C’est plutôt Nora – bâtarde boxer et berger hollandais – « qui m’a choisi », dit Mathieu.

Approvisionnement mutuel

Aurélie Champagne nous raconte un apprivoisement mutuel, étalé sur plusieurs mois. Car pour éviter tout échec de l’adoption, potentiellement douloureux pour l’homme comme pour le chien, la relation est éprouvée lors de 3 stages d’une semaine. Les temps qui les séparent sont l’occasion de tester la volonté des maîtres à aller au bout, les jours sur place sont faits d’exercices avec les bêtes et de moments collectifs.

« Il y a souvent une grosse part d’isolement dans un syndrome post-traumatique. Le but du stage, c’est de remettre en activité, remettre en mouvement, explique Vincent, employé du refuge. Et le chien, c’est le moteur. »

Sa présence « réconforte et apaise », rappelle l’auteure, « ce qu’une palanquée d’études démontre ». « Cette simple proximité abaisse la fréquence cardiaque de l’homme et augmente sa production d’ocytocine, l’hormone du bien-être », souligne-t-elle. Une capacité utilisée notamment dans la médiation animale, que porte notamment l’association girondine Medeina.

« La part du chien » fait ainsi le récit d’une expérience inédite en France, et potentiellement source de réconfort pour de nombreuses personnes – le syndrome post-traumatique toucherait « la plupart » des 12500 militaires français blessés sur des opérations. C’est surtout une belle galerie de portraits – Claude et Mathieu, mais aussi Loïc et Christopher -, des hommes brisés mais désireux de se reconstruire.


#Pages à plages

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Photo : Nick Dessauvages/Flickr/CC

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