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Mauvais film pour une famille d’arméniens et ses trois enfants, expulsée d’une maison vide à Mérignac

Ce mercredi 27 septembre au matin, 13 demandeurs d’asile d’origine arménienne, dont trois enfants, ont été expulsés du logement qu’ils squattaient à Mérignac. Le propriétaire de cette maison, inoccupée, est censé y installer l’année prochaine des bureaux pour sa société de production audiovisuelle.

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Mauvais film pour une famille d’arméniens et ses trois enfants, expulsée d’une maison vide à Mérignac

Dans le jardin du 14 rue Beauséjour à Mérignac ce matin, un petit groupe s’affaire auprès des familles qui remplissent de leurs bagages les coffres d’une voiture et d’un camion. La veille, la police municipale leur a notifié qu’un arrêté préfectoral leur donnait 24h pour quitter les lieux.

Parmi les occupants éconduits : une famille de trois enfants et leurs amis d’origine arménienne. Tous vivaient en Géorgie et ont fui leur pays pour des raisons politiques, avant de venir s’installer en France, en 2015. Après avoir été expulsés d’un logement qu’ils occupaient illégalement depuis un an à Bègles, ils se sont installés à Mérignac fin août, dans cette maison « vide depuis un an ».

« Devoir social »

Celle-ci appartient à l’entreprise Cap Studio Production (CSP+), rattachée au groupe de production Ecrans du Monde (EDM), dirigé par Jean-Luc Millan. Le président du groupe audiovisuel a porté plainte pour « introduction et maintien dans le domicile d’autrui » le 31 août 2023. Contacté par Rue89 Bordeaux, celui-ci n’a pas donné suite.

Fin août, le producteur a affirmé à Sud Ouest que la maison en question doit accueillir de nouveaux bureaux dès 2024, venant s’ajouter aux locaux principaux de l’entreprise situés à une centaine de mètres de la rue Beauséjour. Les soutiens de la famille, eux, réfutent le concept de « domicile » mis en avant par le propriétaire des lieux et contestent « très fortement la légalité de cette expulsion ». 

« C’est une folie », s’insurge Nicolas, un proche de la famille, critiquant la hausse du nombre de logements vacants alors que des centaines de personnes sont à la rue à Bordeaux. Selon lui, plus encore que l’Etat, le propriétaire a une responsabilité sociale, citant le juriste bordelais Léon Duguit : « son droit de propriété, je le nie, son devoir social, je l’affirme ».

Plus de porte ouverte

Jean-Luc Millan voulait « laisser une porte ouverte à l’instauration d’un dialogue avec la famille dans le besoin ». Mais les proches de la famille soutiennent que le propriétaire n’a pris aucune initiative en ce sens.

Nicolas se dit « en colère » de voir que « l’affaire a été réglée en 24h », d’autant plus, souligne le militant, de la part d’un producteur dont la ligne éditoriale « vante des valeurs humanistes », qui dit produire « des programmes audiovisuels engagés » et « cultiver [ses] capacités d’émerveillement et d’indignation ».

« On aurait pu trouver un compromis, notamment pour que les familles puissent passer au moins l’automne et l’hiver dans la maison », soupire le proche des familles concernées.

Celles-ci se trouvent dans une situation administrative incertaine, dans l’attente pour les unes d’une réponse de l’État à leur demande d’asile, pour d’autres de l’issue de leurs recours engagés après avoir été déboutées du droit d’asile. Ils devraient à ce titre pouvoir bénéficier d’un hébergement de la part des services de l’Etat.

Des enfants sans domicile fixe depuis 2015

Cette instabilité dure depuis huit ans et les empêche de se projeter. Face à cette situation, la Préfecture de la Gironde recommande à la famille de contacter le Samu social afin de trouver une solution d’hébergement. Mais suite aux nombreux appels à l’aide au 115 restés sans réponse, les soutiens de la famille ne se font pas d’illusion :

« Les services sociaux sont débordés. On n’attend plus rien des pouvoirs publics. »

Nicolas déplore la violence psychologique que les expulsions représentent pour les familles et leurs enfants. Les petits-enfants de Lena, âgés de cinq à huit ans, sont tous les trois scolarisés dans une école de Bordeaux. L’aîné venait de fêter son anniversaire, mardi, lorsque la police est venue annoncer à sa famille qu’ils devraient quitter les lieux dès le lendemain.

« On aurait aimé que Jean-Luc Millan soit là aujourd’hui et qu’il voie ce que c’est qu’une expulsion. »

Faute de retour, le groupe a décidé d’aller frapper directement à la porte d’EDM, pour « essayer de discuter » avec le propriétaire des lieux. Absent, personne ne leur ouvrira la porte. Sans proposition d’hébergement, les familles à la rue dormiront chez des citoyens solidaires.


#Expulsions

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