Un fond couleur rose, avec écrit en blanc : « J’ai déjà échangé des caresses, du sexe contre… » et les options défilent : émoji cadeau, émoji billet, émoji bijou… « Si oui », un clic mène vers un nouveau menu qui offre quatre entrées : Santé – Besoin d’aide ? – J’ai des droits – C’est qui Rose ?. La plateforme « Rose » – repérer, orienter, soutenir, évaluer – mise en place par l’association La Case vise un public précis : les mineurs et les -25 ans.
Pour y accéder, une adresse : rose-lacase.fr. Un QR Code est aussi disséminé dans toute la ville, avec une question : « Tu connais Rose ? » ou « Et toi, c’est tout Rose ? ». L’objectif est d’attirer les jeunes qui se prostituent et de les inviter au dialogue, « sans jugement ».
La prostitution des jeunes en hausse
Le pôle d’intervention Poppy, rattaché à l’association bordelaise de prévention des risques La Case depuis 2018, opère derrière cette plateforme unique en France. Depuis la rentrée, son équipe de prévention de santé sexuelle répond aux questions du tchat en ligne ou sur WhatsApp. Elle entend apporter une « réponse globale » face à l’augmentation de la prostitution chez les jeunes.
Le rapport 2022 réalisé par le Centre de victimologie pour mineurs (CVM) conclut à une hausse de 68% des affaires de prostitution sur mineurs entre 2016 et 2020 en France. Ces chiffres ne sont que « la partie émergée de l’iceberg » prévient Véronique Latour, la directrice de La Case, étant donné qu’ils tiennent compte uniquement des dossiers judiciaires.
Après la crise de la Covid, l’association a noté que parmi les « jeunes majeurs » qu’elle accompagne, de plus en plus se prostituent : la part des -25 ans chez les personnes prostituées a augmenté de 16 points entre 2019 et 2021 pour atteindre 25% parmi le public bénéficiaire de La Case. La précarité financière chez les étudiants est une des principales causes explique l’association qui n’a pas communiqué de chiffres absolus.
Une accompagnement 2.0
La plateforme Rose propose des réponses aux problématiques liées à la pratique du sexe tarifé. Sur les questions de santé, elle détaille notamment les symptômes associés aux différentes infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’une présentation des outils de prévention. L’accent est mis sur l’usage du préservatif mais également sur les traitements spécifiques du virus d’immunodéficience humaine (VIH).
Sur le registre du consentement – « sans consentement, pas de sexe » –, de nombreux rappels informent des rapports qui relèvent du viol. Les droits sont également détaillés, ainsi que des « red flags » (drapeaux rouges) estampillent des situations de détresse et invitent à contacter l’association afin d’en discuter.
Le lancement de la plateforme Rose vient renforcer la veille en ligne déployée par l’association. Des « maraudes numériques », au même titre que les habituelles tournées de rue, recherchent des profils proposant des prestations sexuelles tarifées, notamment sur rencontre-ados.net, site très populaire chez les jeunes de 13 à 25 ans.
Les réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, TikTok…) sont régulièrement passés au peigne fin pour repérer les propositions de sexe tarifé et proposer les services d’accompagnement. L’association espère ainsi approcher « par exemple un public masculin ou trans qu’on ne peut pas toucher ailleurs », selon Véronique Latour.
De la rue au web
Si La Case observe une augmentation généralisée de la prostitution, tout publics et lieux confondus, Véronique Latour souligne que la prostitution « se déplace » depuis plusieurs années « de la rue vers l’espace numérique ». Le boom d’Internet, conjugué à la loi de 2016 pénalisant les clients de prostitué.e.s, a réduit leur nombre dans la rue, au profit de rencontres en ligne.
Poppy reçoit sans rendez-vous, gratuitement et anonymement, rue de la Tour-de-Gassies. Des professionnels médicaux (une médecin gynécologue, une psychologue, une sexologue, une psychiatre, une infirmière), sociaux (éducateurs, médiatrices santé, assistante sociale) et légaux (une juriste) y tiennent une permanence toute la semaine. Les personnes non francophones peuvent être assistées de traducteurs maîtrisant l’anglais, le bulgare, le russe ou l’espagnol.
Outre les permanences physiques et en ligne, Poppy mobilise tout autant son antenne mobile qui intervient sur toute la métropole, notamment à Bègles et à Bordeaux, sur les lieux de prostitution de rue.
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