Vous n’avez pas le temps (ou les moyens) de voir tous les spectacles, ou si vous n’avez pas le temps de les choisir, voici une sélection qui vous offre chaque mois une idée. Celle-ci se base tout d’abord sur nos coups de cœur, mais aussi sur la volonté de varier les plaisirs : de la musique au théâtre en passant par la danse et le cirque. C’est aussi l’occasion de mettre un pied dans les différentes salles de la métropole.
Attention, un spectacle par mois ne veut pas dire qu’il n’y en a pas plusieurs qui vaillent le coup. À vous de choisir, ou plutôt de voir.
Octobre est bon s’il est de saison
C’est sans doute le mois le plus difficile pour ne choisir qu’un spectacle. C’est le mois de la rentrée, des lancements de saisons, et aussi des festivals incontournables comme le Fab ou le Fifib.
Alors autant vous dire qu’à côté du crooner dandy pop, à la voix masculine la plus caressante du monde, Jay-Jay Johanson, ou du chanteur populaire et ex-ministre de la Culture brésilien, enfin de retour à Bordeaux, Gilberto Gil – tous deux en concerts au Rocher de Palmer –, ou encore le phénomène de la Britpop des années 90 avec son groupe Supergrass, Gaz Coombes, en concert à la Rock School… eh ben il faut avoir des arguments !
❤️ Giselle…, ma belle
Il fallait donc un petit bijou. Disons un spectacle qui a le chic de plaire un peu par surprise. Giselle…, à La Manufacture CDCN le 10 et 11 octobre, est ce spectacle qui s’annonce comme un classique, une réinterprétation moderne d’un ballet romantique de 1841, Giselle d’Adolphe Adam et Jean Coralli. Oui, s’il n’y avait pas ces trois points de suspension.
Celles et ceux qui ont vu Phèdre au Carré-Colonnes en 2019 pourraient imaginer le résultat. Giselle… est le second volet d’une trilogie à travers laquelle François Gremaud, de la 2b company, explore trois grandes figures féminines. Le troisième volet, Carmen, se joue le 6 octobre au Carré-Colonnes avec Rosemary Standley, la chanteuse de Moriarty.
Giselle… débute comme une conférence quasi-gesticulée. Elle est racontée par la danseuse Samantha van Wissem. Le récit démarre par l’histoire du ballet et son contexte, et glisse, comme l’a fait le comédien Romain Daroles dans Phèdre, vers une interprétation de haute volée des morceaux de bravoure. Le spectateur est transporté vers une autre dimension scénique et le spectacle, de 110 minutes, se mue en prouesse qui confirme le statut de 2b company comme une des compagnies suisses les plus innovantes.
Le vent de novembre arrache la dernière feuille
Le groupe britannique Archive – prononcez Arkayve – est en concert au Rocher et c’est déjà complet. Mais comme le précise si bien le site de cette salle emblématique de Cenon, il faut tenter la bourse aux billets. Sait-on jamais. Car ce groupe est incontournable en ce qu’il a su mêler de rock londonien et de trip hop bristolien.
Autre bête de scène, le génial Chilly Gonzales est au Fémina pour deux soirs. Dépêchez vous, il reste des places pour voir le pianiste canadien phénomène en pantoufles et robe de chambre. Il en reste aussi pour le touchant spectacle de Hamid Ben Mahi, Royaume, au théâtre Jean-Vilar à Eysines, qui met en scène, en parole et en danse six interprètes féminines.
❤️ Cendrillon à jamais
Votre attention s’il vous plaît, Joël Pommerat est de retour à Bordeaux, et, avec lui, un de ses grands classiques, Cendrillon, créé en 2011. Après, Contes et légendes, démonstration incontestable d’une maîtrise théâtrale (passée au TnBA en 2022), le double Molière de l’auteur francophone vivant, et Grand prix du théâtre de l’Académie française, revient place Renaudel du 22 au 25 novembre.
La reprise de ce conte est assurée par quasiment la même équipe de sa création il y a 12 ans, hormis le rôle de Cendrillon, Sandra dans la pièce, confié à Léa Millet. Après son Pinocchio et Le Petit Chaperon rouge, Joël Pommerat parvient une nouvelle fois à extraire habilement des contes les états d’âme, ici le deuil et l’émancipation.
Ce Cendrillon déroule bien le scénario que nous connaissons tous, mais surprend par sa facilité à se défaire des sempiternels clichés sur les fées et les princes. On en dira pas plus, c’est sur la scène de la grande salle Vitez que ça se passe.
En décembre fais du bois et endors-toi
Avec tambour et trompette, et la voix d’un crieur de rue, et surtout si la vie a été assez cruelle au point de vous empêcher de l’apprendre, Björk est en concert à l’Arkéa Arena. Comme on ne l’a pas vue, et comme la chanteuse islandaise est capable du meilleur et son contraire, on vous renvoie vers les critiques sur la tournée 2023 qui sont dithyrambiques.
« Envoûtant et poétique, émouvant et engagé, puissant et créatif… » les retours sur son spectacle à l’Accor Arena à Paris le 8 septembre sont plus que positifs. De nombreux messages militants, et la vidéo d’un speech de l’activiste Greta Thunberg, font de ce spectacle « un méga-show écolo-visionnaire ».
Giselle – encore ! – décidément inspire. Cette fois-ci, le ballet est scénographié par une figure du design français, Matali Crasset, sur la scène du Grand-Théâtre, pour le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux.
❤️ Un Banquet sauvage à volonté
Au sortir d’une crise sanitaire en juin 2020, Thomas Ferrand était attendu comme le messie au festival Chahuts. Son excursion urbaine dans le parc des Berges de Garonne était annonciatrice d’un monde d’après que nombreux juraient urgent.
On est loin de tout ça et peut-être même a-t-on oublié que la planète mérite non seulement notre attention, mais aussi d’être mieux connue et reconnue dans ses coins et recoins les plus sauvages. Heureusement Thomas Ferrand est là pour nous le rappeler.
Un banquet sauvage, au Carré des Jalles le 19 décembre, est l’occasion pour cet artiste et botaniste de rappeler que « ton aliment est ton médicament ». C’est donc reparti pour une nouvelle cueillette de plantes sauvages comestibles et une autre cuisine à la fois savoureuse et médicinale. Les propositions « ethnobotaniques » de ce druide des temps modernes sont à consommer sans modération.
Mi-janvier, mi-paille
Événement de chaque début d’année, le festival Trente/Trente est le rendez-vous de janvier. Ses parcours dans la ville, d’un lieu à un autre dans une même soirée, sont l’exercice idéal pour brûler les calories des repas des fêtes, mais aussi la possibilité de découvrir parfois de discrets lieux de spectacle. Le programme n’est pas officiellement publié mais à noter d’ores et déjà Je dis elle à La Manufacture.
En ce premier mois d’hiver, Les Colonnes à Blanquefort offre toute la chaleur des marionnettes de Turak Théâtre avec Ma mère c’est pas un ange. La bande lyonnaise de Michel Laubu, l’une des plus anciennes compagnies de marionnettes en France, nous avait offert un bout de sa féérie en 2022 avec les Sept sœurs de Turakie au Carré des Jalles.
On attend aussi avec une vive curiosité The Carmen case à l’Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, une suite de l’opéra de Bizet créée par Alexandra Lacroix et la compositrice Diana Soh, dans laquelle Don José est jugé pour le féminicide de son ex-compagne.
❤️ Jeff Mills… away
Jeff Mills est toujours là où on ne l’attend pas, ou plus. La légende de la techno de Detroit poursuit, à soixante ans, ses expériences et ses recherches avec la ferme intention d’illustrer la capacité de la musique à dépasser ses limites. Déjà auteur d’un événement musical à l’Auditorium en 2017 avec le jeune saxophoniste français Émile Parisien, il revient le 27 janvier avec un nouveau projet, celui de Tomorrow Comes The Harvest.
Initié en compagnie du batteur Tony Allen, mort prématurément en 2020, Jeff Mills poursuit ce projet avec un deuxième opus, Evolution, accompagné par le pianiste Jean-Phi Dary et le virtuose indien des tablas Prabhu Edouard. L’album, enregistré live à Bruxelles en 2022, est l’illustration d’un summum rarement atteint par l’improvisation.
Ce concept, moteur de Tomorrow Comes The Harvest, est par définition inépuisable. La théorie du duo fondateur, Jeff Mills et Tony Allen, était et est toujours basée sur une complicité musicale portée par la spiritualité de la musique – fusion dans tous les sens du terme –, liée par le sens du rythme que l’Américain manie en mode groovy. Chaque concert est ainsi unique. Celui de Bordeaux, dans le temple du son, le sera à n’en pas douter.
Février n’a pas deux jours pareils
C’est déjà complet, mais on ne peut pas ne pas en parler. Chaque concert d’IAM est un événement, et celui du Rocher de Palmer le sera. Là aussi, la bourse aux billets peut faire des miracles. Pour le savoir, il faut tenter. L’immense tournée (plus de 30 dates) du célèbre groupe marseillais sous le nom de « HH History » sonne comme une célébration des 50 ans du hip-hop (le HH ! Vous l’avez ?).
Au Tnba, c’est le mois des anciens de l’Estba (École supérieure de théâtre Bordeaux Aquitaine) avec Mine de Rien. Jérémy Barbier d’Hiver et Julie Teuf, qui signe un doublé après le Débris en janvier, interprètent un duo mère-fils d’une incroyable humanité. Les Chœur des amants au Carré des Jalles est aussi à voir, ou revoir treize ans après sa création. La première pièce de Tiago Rodrigues a d’intéressant qu’elle nous montre les débuts du metteur en scène portugais, devenu directeur du Festival d’Avignon.
❤️ Ombres portées à bout de bras
Avant d’être chorégraphe, Raphaëlle Boitel est une artiste de cirque, contorsionniste et acrobate, passée par les spectacles de James Thierrée (petit-fils de Charlie Chaplin). C’est tout naturellement que ses créations sont empreintes de touches circassiennes, même si Ombres portées, au Carré des Jalles le 2 et 3 février, prend tantôt un format théâtral et tantôt un format cinématographique.
Dans cette pièce, créée en 2021 et très peu jouée, un drame familial est au centre du récit. Raphaëlle Boitel le rapporte dans un clair-obscur qui fait dorénavant sa marque de fabrique. L’ombre et la lumière découpent chaque expression, chaque geste et chaque parole dans une mise en scène graphique et minimaliste.
Des secrets et des envols, des fuites et des acrobaties, des tours de force et des gestes de grâce, pour raconter la famille « dont l’impact est considérable dans notre construction personnelle ou sur le plan social ». Raphaëlle Boitel n’échappe pas aux violences du monde : « l’aveuglement, la culpabilité, les maladies, la chaîne de contamination… »
En mars, quand il tonne chacun s’en étonne
Que celui qui ne s’est pas déhanché sur I’ve Got That Tune se lève. Ce tube de Chinese Man qui a ressuscité Betty Boop risque bien de faire vibrer Le Rocher de Palmer ce mois de mars. Après 6 ans d’absence, ce collectif de hip-hop et electro français, originaire d’Aix-en-Provence, est de retour avec un nouvel album et un tout nouveau live pour ses 20 ans.
Au TnBA, chacun cherche son chien. « Vous n’auriez pas vu un chien passer en courant ? Assez moche en fait mais c’est la plus belle chose que j’aie ». C’est dans Dan Då Dan Dog, où le chien d’Herbert a disparu, que Pascale Daniel-Lacombe, directrice du Méta – CDN de Poitiers, distille l’ironie et la drôlerie de ce texte de Rasmus Lindberg.
Du côté du Carré des Jalles, Mehdi Kerkouche offre un superbe Portrait. Le chorégraphe et metteur en scène, qui a travaillé avec Angèle et Christine and the Queens, démontre tout le pouvoir de la danse à aligner des danseurs d’âges et de styles différents. C’est une performance transgénérationnelle de haut vol portée par la musique électronique envoûtante de Lucie Antunès.
❤️ Roommates en best of
On se souvient l’année dernière de la bombe Room with a view. (La)Horde et le Ballet National de Marseille reviennent cette année avec Roommates le 7 et 8 mars. Et c’est à nouveau un rendez-vous référence qui va marquer la saison du Carré des Jalles à Saint-Médard.
Roommates se présente comme un best of, un hommage à la danse via six pièces chorégraphiques courtes. On retrouvera Les Indomptés de Claude Brumachon remontée par Marie-Claude Pietragalla en 1999 pour l’Opéra de Marseille, Concerto de Lucinda Childs ou Room With A View. Elles cohabiteront avec trois créations : Weather is sweet de (La)Horde, Oiwa de Peeping Tom, inspirée par une légende japonaise éponyme, et Grime Ballet de Cecilia Bengolea et François Chaignaud.
(La)Horde – Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel – ne cesse de surprendre depuis leur nomination par le ministère de la Culture et par la Ville à la direction artistique du centre chorégraphique de Marseille. Avec cette création de 2022, ils veulent montrer à leur public d’où vient leur passion, leur vision explosive de la chorégraphie et les sources de ce qui nourrit leur époustouflante énergie.
Avril tantôt pleure, tantôt rit
Combien de fois ce classique de Jean Genet a été repris ? Difficile à dire. Difficile même d’imaginer le nombre de reprises qui ont marqué les esprits. Les Bonnes de Mathieu Touzé, en cours de création, qui sera livrée au Tnba en avril pourrait figurer sur la liste. Outre l’attachant Yuming Hey, acteur fidèle du metteur en scène, la scénographie de l’artiste plasticien Daniel Buren pourrait apporter beaucoup à ce huis clos.
❤️ Le Jardin (secret) des délices
Le Jardin des délices, au Carré des Jalles le 5 et 6 avril est un événement, comme il l’a été au dernier Festival d’Avignon (dans un splendide décor naturel). Philippe Quesne a imaginé à partir du foisonnant triptyque de Jérôme Bosch une expédition à la découverte de la fin du monde. C’est bizarrement une démonstration de joie et de légèreté qui explore les menaces bientôt tombées sur nos têtes.
Cette œuvre rétrofuturiste n’est pas à ranger uniquement dans le registre collapsologique-fable-écolo. Elle est aussi un exercice de style juste qui évite la caricature vite climato-sceptique. Philippe Quesne mène le sujet avec délicatesse et acidité avec des rôles loin de jouer les donneurs de leçon.
Un bus en panne, un œuf géant autour duquel des danses et des chants se font rituels, une créature hybride, Philippe Quesne a aussi voulu une drôle de fête pour les 20 ans de sa compagnie, Vivarium Studio.
Rosée de mai, verdit les près
Guillaume Meurice ne fait pas l’économie de ses passages à Bordeaux. Cette fois-ci, officiellement en campagne, il est de passage au Fémina. Meurice 2027 veut « prendre de l’élan » et devenir président de la République. Son stand-up est loin d’être toujours le même, Guillaume Meurice y fait ce qu’il sait faire de mieux : interpeller le spectateur et improviser. Et ça marche.
La Gràànde finale de la compagne Volubilis au théâtre Jean-Vilar à Eysines est un spectacle qui vous mettra lui aussi en joie. Agnès Pelletier, avec ironie et humour, et beaucoup d’énergie, dénonce la compétition dans une ambiance show télévisuel.
❤️ Oüm mais oui
Avant de vous parler de Oüm le 16 mai à La Manufacture, notez que le magnifique Näss du même Fouad Boussouf est sur la scène des Carmes à Langon ce 6 octobre. Parce que c’est bien ce spectacle créé en 2018 qui a propulsé le chorégraphe et a assis sa notoriété auprès du grand public.
Le registre est toujours un hommage musical. Après Näss pour le groupe marocain Nass El Ghiwane, Oüm est une ode à Oum Kalthoum, diva du monde arabe, et à travers elle les chanteuses arabes comme Asmahan ou Fairouz. Le chorégraphe d’origine marocaine, aujourd’hui directeur du Phare – Centre chorégraphique national du Havre – Normandie, boucle ainsi une trilogie qui inclut également Transe (2013).
Les mélodies hypnotisantes de la diva et les poèmes sensuels d’Omar Khayyam sont la madeleine de Proust du chorégraphe. Durant son enfance, ces sonorités inondaient les rues et les bars de son village natal. Oum Kalsoum est une femme moderne, rebelle et féministe, à qui Fouad Boussouf offre l’énergie d’un hip hop électro avec six interprètes et deux musiciens, le guitariste Lucien Zerrad, le chanteur et joueur de oud syrien Mohanad Aljaramani (binôme du guitariste Serge Teyssot-Gay dans Interzone). Un spectacle au carrefour des cultures et des époques.
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