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Incendié par la fachosphère, le film « Avant que les flammes ne s’éteignent » en débat à Bordeaux

Le film de Mehdi Fikri, Avant que les flammes ne s’éteignent, est visé par une « violente campagne de dénigrement », alerte la Société des réalisatrices et réalisateurs de films, qui pointe du doigt « des groupes d’extrême droite ». Le réalisateur, à Bordeaux ce mercredi 29 novembre pour un ciné-débat sur les violences policières organisé par Rue89 Bordeaux à L’Utopia, dénonce « une agression contre le cinéma français ».

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Incendié par la fachosphère, le film « Avant que les flammes ne s’éteignent » en débat à Bordeaux

« Le scénario, les acteurs, la réalisation, tout est nul », « Infâme outil de propagande anti-flic, anti-France, doublé d’une indigence filmique absolue », « scénario lamentable »… ces critiques publiées sur la page du film Avant que les flammes ne s’éteignent sur AlloCiné n’ont pas seulement pour point commun d’être négatives. En plus de mettre 0,5 sur 5 (la plus basse note), leurs auteurs commentent ici pour la première fois un film.

Ce long-métrage, le premier de Mehdi Fikri, ancien journaliste à L’Humanité, traite des violences policières. Interprétée par Camélia Jordana, la sœur d’un jeune décédé suite à une interpellation, se bat pour qu’un procès équitable ait lieu. Le film est programmé à L’Utopia ce mercredi 29 novembre, en présence du réalisateur, pour un ciné-débat organisé par Rue89 Bordeaux.

Phénomène inhabituel

Sur les 1373 notes enregistrées et les 614 critiques écrites à ce jour dans AlloCiné, nombreuses sont celles qui font chuter la note moyenne des spectateurs à 1,3/5 à sa sortie le 15 novembre (remontée depuis à 2), quand celle de la presse est à 3/5. De quoi éveiller les soupçons… et l’équipe d’AlloCiné va jusqu’à publier « un éclairage » deux jours après la sortie du film :

« Le sujet sensible abordé par Avant que les flammes ne s’éteignent a engendré une vive discussion au sein des critiques spectateurs de la fiche AlloCiné. Une vive discussion caractérisée par un très important afflux de notes et de critiques publiées par des comptes nouvellement créés pour l’occasion, et également par une répartition inhabituelle des notes, nous conduisant à afficher un message de sensibilisation sur la fiche du film. […] A l’heure où nous écrivons ces lignes, + de 70% correspondent à une note dite extrême, c’est-à-dire soit un 0,5 soit un 5. »

Julien Marcel, directeur général d’AlloCiné, relève un phénomène inhabituel qu’il explique pour Radio France :

« Avant la séance de 9 h, on a eu une avalanche de nouveaux comptes, qui ont en très grande majorité mis des notes très positives », puis, « dans les 48 heures qui ont suivi, il y a eu beaucoup de notes négatives. […] Au bout de deux jours, le vendredi 17 novembre à 14 heures, il y avait 70 % des notes qui étaient soit une note maximum, soit une note minimum. »

« Nier notre droit à la fiction »

« Le film ne reprend pas tous les éléments importants de la vraie histoire » écrit un commentaire avec une note de 0,5 pour sa première critique. Quelle vraie histoire ? Celle de l’affaire Adama Traoré, mort à l’âge de 24 ans le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan, après son interpellation, alors qu’il tentait de fuir un contrôle concernant son frère aîné.

« Les gens ne connaissent que cette affaire et le film a été souvent présenté comme étant un biopic sur Adama Traoré, explique Mehdi Fikri à Rue89 Bordeaux. L’extrême droite se saisit de ce prétexte pour commettre une véritable agression contre ce film. »

Si le récit est inspiré entre autres de cette affaire, son réalisateur défend une fiction nourrie d’autres dossiers du même ordre : Lamine Dieng (mort à 25 ans, le 17 juin 2007), Ali Ziri (69 ans, le 11 juin 2009), Wissam El-Yamni (30 ans, le 1er janvier 2012) et Amine Bentoussi (29 ans, le 22 avril 2012). Mais Mehdi Fikri estime que « le sujet du film écrase le film » :

« J’ai passé quatre ans à le faire. Et ce que fait l’extrême droite aujourd’hui, c’est de nier notre droit à la fiction. Ils nient le fait que nous pouvons utiliser ces sujets-là, qui sont des sujets sensibles dans la société française, qui concernent des pans de la société qui sont peu représentés. Ces gens-là ne viennent même pas critiquer mon film, ils viennent critiquer l’existence même de ce sujet-là au cinéma et notre droit à le traiter ».

« Censure qui ne dit pas son nom »

La société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) a dénoncé dans un communiqué de presse « une violente campagne de dénigrement relayée par la chaîne Cnews et les réseaux sociaux » : 

« Nous dénonçons vivement ces manœuvres d’intimidation car elles cherchent en réalité à pratiquer une censure de fait qui ne dit pas son nom. Elles portent ainsi atteinte à la liberté de création des cinéastes et à la libre diffusion des œuvres. En attaquant la pluralité des récits et des sujets, c’est aussi le droit à la fiction, élément indispensable de la vie en démocratie, qu’elles mettent en péril. »

De son côté Mehdi Fikri souligne avoir « eu la chance » de pouvoir faire ce film :

« Mais l’agression de ces gens en fait s’adresse au cinéma français. Ils disent : “Nous ne voulons plus que ce type de film soit financé.“ Et ils sont en train de gagner. […] C’est-à-dire qu’en fait, il y a ce que Gramsci appelait une bataille pour l’hégémonie culturelle. C’est une agression qui va avoir des effets. Elle génère de la peur et ça va être pris en compte. Je pense que c’est peut-être une des dernières fois qu’un film comme ça a lieu. »

Ce n’est pas la première fois qu’une attaque de ce type vise un film traitant d’une population étrangère ou des quartiers populaires. « D’autres films, dont notamment Amin de Philippe Faucon en 2016, Rodéo de Lola Quivoron ou Les Engagés d’Émilie Frèche en 2022, ont déjà fait les frais de telles charges assorties de commentaires haineux imputables à des groupes d’extrême droite » ajoute la SRF.


#cinéma

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