Un impressionnant déploiement de police bloque l’entrée de la cimenterie Lafarge de Lormont, ce samedi 9 décembre. Objectif : empêcher que des activistes n’y pénètrent, comme cela avait été le cas il y a un an à Bouc-Bel-Air, lors d’une action des Soulèvements de la Terre visant à « désarmer » un site industriel du même groupe.
Pour célébrer cet anniversaire, qui s’était traduit par l’arrestation de 31 personnes et des garde à vue pour terrorisme, des mobilisations se déroulent partout en France jusqu’au 12 décembre « contre Lafarge ». Motifs : la production de ciment est l’un des principaux postes d’émissions de CO2 au niveau mondial (8%) et participe partout à l’artificialisation des sols et la disparition d’espaces naturels et agricoles.
Les militants anti Lafarge rappellent outre que l’entreprise « finançait Daesh tout en fricotant avec les services de renseignement » et « traitait en terroristes celles et ceux qui avaient eu l’audace de s’attaquer en tant soit peu conséquemment à elle en décembre dernier ». Accusé d’avoir maintenu ses activité en Syrie contre des commissions à l’Etat islamique, le groupe français a contesté devant la cour de cassation sa mise en examen mise en examen pour complicité de crime contre l’humanité et mise en danger délibérée de la vie de ses salariés syriens.
Béton en Cascades
A Bordeaux, plusieurs organisations – Attac, ANV-Cop21, Extinction Rebellion… – ont donc appelé à un rassemblement chemin de Lissandre, dans un quartier de la rive droite aux prises avec la bétonisation. Après quelques discussions avec les forces de l’ordre, elles obtiennent le droit d’accrocher leurs banderoles, visant notamment les Cascades de Garonne.
« Le béton produit ici va servir à construire, sur une ancienne cimenterie devenue une zone naturelle protégée, un hôtel 4 étoiles et 1100 logements, essentiellement des produits d’investissements pour les séniors et les étudiants », indique Monica Casanova, conseillère municipale NPA à Lormont.
Elle rappelle le scandale politique autour de ce projet : une revente du terrain à Pichet pour un montant sous-valorisé, une opération lancée sans étude d’impact… Le collectif Amédée-Sacré-Cœur évoque à son tour son combat contre Euratlantique sur la densification de ce quartier au sud de la gare.
« Le plus gros chantier de France »
Pierre, du collectif LGV Nina (lignes à grande vitesse ni ici, ni ailleurs), alerte contre « le plus gros chantier BTP de France des 10 prochaines années » :
« Les LGV Bordeaux-Toulouse/Dax nécessiteront 54 millions de m³ de matériaux et 5 millions de rotations de camions. On parle de 4800 hectares artificialisés avec le chantier, mais c’est potentiellement le double ou le triple qui pourrait l’être avec les ouvertures ou extensions de carrières et de gravières prévues. »
Le militant écologiste énumère les quelques projets déjà identifiés à ce jour en Gironde : 36 hectares pour une nouvelle carrière du groupe charentais Garandeau à Porchères, contestée depuis 10 ans en justice par le maire et la Sepanso, et dont le dernier recours n’a pas été admis par le conseil d’Etat ; 85 ha pour agrandir un site de Vinci, en lieu et place d’une forêt à Saint-Michel-de-Rieufret ; 140 ha visés par Lafarge sur des terres agricoles à Bourdelles et Mongauzy, dans le Réolais…
Des rassemblements ont eu lieu ce samedi à Porchères et Saint-Michel-de-Rieufret. L’ambition est de « démonter les idées reçues sur l’impact réel des LGV, qui garantissent des destructions à court termes pour des gains hypothétiques à long terme », selon Pierre. Son collectif mise sur la coordination des luttes, alors que les travaux doivent démarrer incessamment sous peu.
Quatre entrées de site dégradées
Dimanche soir, un collectif a revendiqué avoir ciblé jeudi soir des portails d’entrée de quatre sites Lafarge autour de Bordeaux, toujours pour répondre à l’appel des Soulèvements de la Terre. Objectif : « mettre un petit coup d’arrêt aux livraisons de béton dans les chantiers de la région », explique dans un communiqué de presse signé de l’Association contre l’ouverture des portails en gironde (LA
COP33), qui évoque Euratlantique et les LGV.
« Pour empêcher les camions-toupies plein de leur substance immonde de sortir des sites de production, nous avons bloqué par tous les moyens possibles les portails des sites de Cabanac, Blanquefort, Villenave-d’Ornon et Libourne : bétonnage de chaînes (retour à l’envoyeur) accrochées au portail, soudure à froid entre les gonds, mousse expansive dans les mécanismes, colle dans toutes les serrures et évidement redécoration de l’entrée du site, le lendemain matin les livraisons ont du prendre un peu de retard… »
« La prochaine fois on s’arrêtera pas au portail », préviennent les activistes, qui dénoncent « l’entreprise responsable de la majorité de la production de béton dans le monde ». Joint par Rue89 Bordeaux, le groupe Lafarge confirme que sa centrale de Villenave « a été victime de tags et son accès temporairement entravé (pose de cadenas), sans avoir néanmoins d’effet sur notre activité ». Il signale avoir porté plainte.
« En cherchant à nuire à notre entreprise, en méprisant les efforts que les femmes et les hommes de Lafarge font tous les jours pour décarboner la construction, les organisateurs de ces incidents se trompent de cible », réagit l’entreprise dans un mail envoyé à Rue89 Bordeaux. « En Gironde comme dans tout le pays, les besoins de logements, d’équipements collectifs et d’infrastructures restent immenses. Nous sommes là pour y répondre, et nous maximisons nos efforts pour proposer des solutions de construction au poids carbone réduit ».
Lafarge indique que son « béton bas carbone », dont le poids CO2 est inférieur 30% aux bétons classiques, représente environ 10% de ses ventes dans le pays, et pourrait atteindre les 50% d’ici 2030.
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