A l’heure où est débattu un projet de loi sur la liberté des médias en Europe, l’European Media Freedom Act, et où les eurodéputés sont pressés d’adopter l’article 4 qui intègre la possibilité de surveiller les journalistes au nom de la « sécurité nationale », les médias indépendants français viennent de clore leurs Etats généraux à Paris le 30 novembre.
Plus de 80 médias, organisations et collectifs de journalistes, ont travaillé durant six semaines sur quatre thèmes jugés essentiels : la concentration des médias, l’actionnariat et les droits des rédactions ; le renforcement du droit à l’information ; la lutte contre la précarisation des journalistes ; et la réforme des aides publiques à la presse.
59 propositions ont été élaborées et soumises au gouvernement, aux parlementaires et à leurs commissions spécialisées, aux différents syndicats professionnels des médias, aux sociétés de journalistes ainsi qu’aux équipes des « États généraux présidentiels de l’information », une initiative lancée par Emmanuel Macron et vivement critiquée au sein de la profession.
C’est « le pouvoir qui prétend réformer son contre-pouvoir », ironise par exemple François Bonnet, président du Fonds pour une presse libre, à l’origine de cette initiative. Un focus sur certaines des propositions sera présenté lors d’une édition bordelaise de ces EGPI, au théâtre La Lucarne, jeudi 14 décembre à 20h.
« Entre les mains d’une poignée de grandes fortunes »
Dès 19h, venez échanger avec Dominique Pinsolle autour de son ouvrage « A Bas la presse bourgeoise ! » (éditions Agone, 2022). Historien à l’université de Bordeaux Montaigne, Dominique Pinsolle travaille sur l’histoire de la communication et du mouvement ouvrier et écrit régulièrement pour Le Monde diplomatique. Il a notamment publié « Le Matin (1884-1944) : Une presse d’argent et de chantage » (PUR, 2012).
Dans son ouvrage, Dominique Pinsolle aborde la genèse de la liberté de la presse et nous décrit le paysage médiatique contemporain, avec la mainmise par une minorité fortunée.
« Contre la “presse bourgeoise” possédée par ceux qui cherchent à s’enrichir encore davantage, des intellectuels, des journalistes, des hommes politiques, des syndicalistes et une infinité de militants anonymes ont écrit, débattu, fait grève, imaginé des manières plus démocratiques de produire de l’information », écrit Dominique Pinsolle.
C’est dans cette veine que s’inscrivent les EGPI, qui visent à « hacker » les Etats généraux voulus par l’Elysée, avec une sélection gouvernementale de médias dominants. Face à cette « concentration actuelle des grands médias entre les mains d’une poignée de grandes fortunes », les mobilisations se poursuivent et le combat est loin d’être terminé.
« Quand les jeunes ont les médias à l’œil »
Comment les nouvelles générations s’informent ? Où placent-elles leur confiance ? Et quel est le rôle d’un média local face à l’immensité d’internet et son flot d’informations (et de désinformations) ? Maxime Longuet a posé la question aux habitants de la métropole bordelaise dans un reportage vidéo d’une quinzaine de minutes : « Quand les jeunes ont les médias à l’œil », diffusé vers 20h30. De Lormont à Pessac, en passant par Bordeaux et Talence, les témoignages révèlent tantôt une « angoisse », tantôt un désintérêt systémique.
A 21h, la question « Méfiance et défiance : comment les médias locaux peuvent briser la glace ? » se posera avec Erwan Ruty auteur de « Une histoire des banlieues françaises » (2020) et Nadine Coussy-Clavaud, enseignante et cofondatrice du collège Clisthène au Grand Parc à Bordeaux.
À travers son enquête nourrie de témoignages, Erwan Ruty raconte quarante ans de banlieues et leur évolution jusqu’à « changé la France ». Ce responsable associatif installé à Bordeaux, actif dans des médias de proximité – il a notamment fondé le Medialab93, incubateur de médias en Seine-Saint-Denis –, évoquera les nouveaux canaux de l’information avec Nadine Coussy-Clavaud, ancienne présidente de la Fédération des établissements scolaires publics innovants, qui travaille régulièrement avec ses collégiens sur leur rapport à l’information.
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