150 agriculteurs et 65 tracteurs (selon les chiffres de la préfecture) de la Coordination rurale ont bloqué l’accès à l’Hôtel de Région ce 11 mars vers 8 h du matin. Des agriculteurs des quatre coins de la région sont venus manifester à l’occasion de la session plénière du conseil régional, devervant du lisier, des noix, du foin et des pieds de vigne sur le parvis du bâtiment.
Vers 9 h, bloquant la rue François-de-Sourdis, les manifestants ont essayé de forcer le barrage des CRS qui ont répondu avec des tirs de gaz lacrymogène. Selon la préfecture de Gironde, l’usage de la force a été « proportionné » de la part des policiers, pour éviter toute tentative d’intrusion.
Les « bonnets jaunes » demandaient à être reçus par Alain Rousset, le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, afin de discuter des budgets et subventions alloués à l’agriculture. Ce dernier a reçu une délégation de quatre élus de la Coordination rurale et une dizaine de manifestants.
« Des aides contre-productives »
Le sujet de l’eau porté par la délégation était au centre des discussions. La région Nouvelle-Aquitaine a mis en place des aides pour stocker la ressource, mais les agriculteurs jugent qu’elles ne sont pas adaptées à leur besoin. Ils estiment que la région Nouvelle-Aquitaine et le gouvernement ne donnent que « des aides contre-productives » et « font crever les agriculteurs ».
Face aux agriculteurs, Alain Rousset a annoncé qu’une « séance plénière dédiée à l’agriculture » sera prochainement organisée « parce qu’il y a une méconnaissance des actions qui sont faites par la région ». Les représentants de la Coordination rurale ont pu s’exprimer devant l’assemblée régionale. Rue89 Bordeaux n’a toutefois pu accéder à l’hémicycle, et l’échange n’a pas été retransmis sur le site internet de la collectivité.
Après le retrait de la délégation, Alain Rousset a assuré que cette prise de parole dans l’enceinte du conseil régional était une exception, en prévision d’autres mouvements sociaux.
« Un début d’attaque du bâtiment avec un tracteur muni d’une fourche me faisait craindre une intrusion massive qui nous aurait empêché de tenir cette séance », a affirmé le président selon qui l’accueil d’une délégation a permis le retrait des manifestants.
Factieux
« Qu’une assemblée élue ne puisse pas se tenir en toute sérénité est un acte contre la République », a poursuivi le président de la Région. Il s’en est pris alors à « une partie de la Coordination rurale », démontrant selon lui que « des mouvement factieux existent », propos applaudis par une bonne partie de l’assemblée.
« Il fallait le leur dire en face », lance Jacques Colombier (Rassemblement national). « Je le leur ai dit », réplique Alain Rousset. L’implication du parti d’extrême droite, avec sa chef de file Edwige Diaz aux côtés des manifestants, a suscité la réprobation des autres élus, à commencer par Pascale Requenna (Modem) :
« Il y a quelques semaines, lors de l’intrusion de trois ou quatre membres l’association Extinction Rebellion, nos collègues du RN ont menacé de porter plainte contre l’institution, et là ils ont applaudi des deux mains. C’est un deux poids deux mesures scandaleux. »
Edwige Diaz s’étonne que la maire de Hagetmau ait « osé mettre sur le même plan des nervis d’extrême-gauche, activistes radicalisés rentrés dans hémicycle sans autorisation, et des agriculteurs de la Coordination rurale » qui y ont été invités.
« Le désarroi » du monde agricole
Pour l’élue lepéniste, c’est la démonstration Alain Rousset a « perdu [sa] sérénité ». Ce à quoi le président rétorque :
« Je suis surpris que vous validiez ce matin une intrusion condamnée par tous les groupes sauf vous, […] vous avez des progrès à faire sur la notion de République. J’ai accepté sous la menace pour pouvoir tenir une assemblée qui sinon n’aurait pas pu avoir lieu », ajoute-t-il, rappelant « les tracteurs qui voulaient enfoncer les vitres de la région ».
L’ensemble de l’hémicycle a toutefois exprimé sa compréhension pour « le désarroi » du monde agricole. Pascale Requenna indique que la région ne compte plus que 58 000 exploitants, « dont 20 000 en grande souffrance », contre 85000 en 2010. Christine Seguinau, des écologistes, dénonce « un système a bout de souffle », où 18 % des foyers agricoles sont sous le seuil de pauvreté, avec un endettement moyen de 200 000 €.
« Des fermes disparaissent quotidiennement, plus de la moitié des terres agricoles en France sont possédées par 20 % des plus gros agriculteurs et avec la PAC qui privilégie systématiquement les plus grandes exploitations. »
« Un coup de pression »
L’ensemble des élus de la droite et du centre demande une mission d’information sur la politique agricole et hydraulique de la Région. Le RN et les Républicains ont par ailleurs relayé certaines revendications de la Coordination rurale ou anti-écolo – régularisation du lac de Caussade, bâti et rempli en toute illégalité par le syndicat majoritaire du Lot-et-Garonne, fin de l’écoconditionnalité, moratoire sur le volet agricole Neo Terra…
Le président de la Région a alerté sur le fait que les agriculteurs seront « les premières victime du changement climatique ». Et que ses conséquences (sècheresse, inondation, grêle…) « s’imposent déjà à ceux qui n’ont pas pris leurs précautions ».
Entretemps, les agriculteurs ont quitté l’Hôtel de Région pour déverser près de la Préfecture de Gironde des balles de foin et des pneus, façon pour eux de remettre « un coup de pression » au gouvernement a justifié Karine Duc, coprésidente de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne. Puis les tracteurs ont circulé dans le centre-ville jusqu’à déverser les restes de fumier sur le miroir d’eau et mettre le feu à des bottes de paille.
La préfecture a annoncé qu’un CRS avait été blessé et des dégradations commises sur une porte du conseil départemental. Le préfet de Gironde a condamné avec la plus grande des fermetés les actes de vandalisme.
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