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La Cimade alerte sur l’état de santé des personnes retenues à Bordeaux

L’association de soutien aux exilés dresse le bilan 2023 du Centre de rétention administrative de Bordeaux (CRA). Elle pointe des « conditions d’enfermement toujours plus dégradées ».

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La Cimade alerte sur l’état de santé des personnes retenues à Bordeaux
Conférence de presse de la Cimade à la Halle des Douves

Cela fait 40 ans que les centres de rétention existent en France, crées en 1984, sous le gouvernement Mitterand. Un « triste anniversaire » déplore ce mardi 30 avril le groupe local de la Cimade, lors de la présentation de son rapport 2023 sur les centres et locaux de rétention administrative.

https://twitter.com/lacimade/status/1785223851762204797

Allongement de la durée de rétention

À Bordeaux, en 2023, 256 personnes ont été enfermées dans le centre de rétention administrative, situé au sous-sol de l’Hôtel de police à Mériadeck. En 2022, elles étaient 276.

Comme l’année passée, l’association observe un allongement de la durée moyenne de rétention – 28 jours en 2023, contre 22 en 2022 et 12 en 2021. Le taux d’expulsion a baissé passant 44,6% en 2022 à 35,9% en 2023.

« C’est le même constat et la même conclusion chaque année : on enferme toujours plus longtemps, sans qu’il n’y ait d’impact sur le taux d’expulsion », résume Cécile Roubeix, accompagnatrice juridique à la Cimade de Bordeaux.

« La France est à l’origine d’un tiers de toutes les mesures d’éloignement qui sont délivrées dans l’Union européenne », contextualise Émilie-Charlotte Caron, juriste en rétention et bénévole à La Cimade :

« La délivrance massive des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) est devenu un enjeu massif de la communication administrative. Ces dernières se font sans examen des situations administratives. Parallèlement, le nombres de places en centre de rétention ne cesse d’augmenter. 1948 places en 2023 et l’État prévoit, en 2027, 3000 places. »

« Règles arbitraires »

Cette année, Rue89 Bordeaux a pu suivre le député LFI de Loire-Atlantique, Andy Kerbrat, venu visiter le CRA de Bordeaux. Mais contrairement à nos confrères du Figaro, greffés à une visite parlementaire des députés du RN, Grégoire de Fournas et Edwige Diaz, la prise d’images nous a été interdite par le directeur du centre.

Un « deux poids deux mesures » constaté par le groupe local de la Cimade, alors même que la loi autorise des captations image ou son par les journalistes.

D’autres « règles arbitraires » au sein du CRA bordelais ont été recensées par l’association. « Si la police estime être en sous-effectif, elle peut refuser des rendez-vous médicaux », décrit Émilie-Charlotte Caron :

« Certains rendez-vous médicaux sont reportés à de nombreuses reprises. Pareil pour les entretiens avec des avocats. La police aux frontières (PAF) ne prévient pas les personnes des vols pour les expulsions. Elles sont réveillées à 5h du matin, en état de stress. »

Depuis septembre 2023, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) s’est retirée de la zone de vie du centre où elle avait un bureau. « Ses missions étaient de donner des informations sur la vie dans le centre, sur les démarches administratives, d’apporter un soutien moral et psychologique », poursuit Émilie-Charlotte Caron. Une psychologue intervient, elle, une fois par semaine, mais elle n’est pas accompagnée d’un interprète.

Pathologies psychiatriques

Aussi, l’allongement de la durée de rétention n’est pas sans conséquences sur la santé, notamment mentale, des exilés retenus. « Le nombre de personnes malades au CRA a explosé », peut-on lire dans le rapport de l’association. « Des personnes sans problème particulier ont développé très rapidement de l’anxiété ou des troubles du sommeil », explique Cécile Roubeix :

« Certains tiennent des propos suicidaires. Un Algérien a été hospitalisé après une tentative de suicide. Après son hospitalisation, il a été de nouveau enfermé au CRA puis expulsé du territoire en 48 heures. Normalement l’administration doit prendre en compte l’état de santé de la personne enfermée. Or, il arrive qu’on retrouve des personnes qui tiennent des propos incohérents et qui n’ont pas du tout conscience de ce qui leur arrive. »

Selon l’association, les urgences psychiatriques (SECOP) sont saturées et « refusent la prise en charge des personnes en rétention », sauf en cas de tentative de suicide. En 2021, deux hommes se sont suicidés au sein du CRA de Bordeaux.

Alors que la loi asile et immigration, votée en janvier 2024, restreint les droits des personnes étrangères (et risque d’augmenter le recours à la rétention), la Cimade reste mobilisée contre le projet d’un « méga CRA » à Mérignac (140 places), sur le site du Bioparc. Réunies sous la bannière du collectif Anti-CRA, plusieurs associations ont déposé un recours auprès du tribunal administratif pour contester l’échange de parcelles entre l’État et la Métropole.


#droit des étrangers

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