Une marée humaine contre la vague brune. Ce samedi 15 juin, presque une semaine après la percée du Rassemblement national aux élections européennes et l’annonce de la dissolution du gouvernement, des manifestations contre l’extrême droite étaient organisées un peu partout en France à l’appel de plusieurs syndicats.
À Bordeaux, la manifestation, déclarée en préfecture, est partie de la place de la Bourse en début d’après-midi. Le cortège s’est dissipé place de la Victoire vers 17h, sans heurts.
Comme dans 150 autres villes en France, #Bordeaux est dans la rue aujourd’hui contre l’extrême droite à l’approche des législatives anticipées. Le manifestation, initiée par 9 organisations syndicales, part de la place de Bourse pic.twitter.com/71K0VlAdpv
— Rue89 Bordeaux (@Rue89Bordeaux) June 15, 2024
Droits menacés
Lundi dernier, une première manifestation, initiée par des organisations autonomes, avait déjà réuni 3000 personnes selon la préfecture. Elle avait surtout mobilisé la jeunesse. Ce samedi, dans un cortège plus dense, les profils sont variés. Marion, 68 ans, pédiatre à la retraite, est venue d’Île-de-France pour passer le week-end avec ses petits-enfants. « L’heure est grave », déplore t-elle :
« C’est une nécessité pour moi de venir manifester. Ce sont tous nos droits, et particuliers pour les plus précaires, qui sont menacés. Se mobiliser, c’est aussi essayer de convaincre le plus grand nombre d’un danger imminent. »
Quelques mètres plus loin, elles n’ont pas encore le droit de vote mais battent déjà le pavé. Kahina et Laurine, respectivement 12 et 13 ans, défilent, pancartes à la main. Les deux collégiennes ont lu le programme du Rassemblement national pour les européennes. « Il faut faire bouger les choses », assure Laurine :
« Je suis attentive au climat et aux droits pour les personnes LGBT. Tout ce que l’extrême droite veut défaire. Plusieurs influenceurs connus, comme Squeezie ou Léna Situations, ont appelé à faire barrage contre l’extrême droite. Ça peut aider à mobiliser les jeunes. »
Kamel est le papa de Kahina. À 55 ans, il est grutier, en intérim. En 2002, à Bordeaux, il défilait déjà contre l’extrême droite alors que Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de la présidentielle. « 20 ans après, l’extrême droite a les clés du camion », regrette t-il :
« Il faut regarder les votes du Rassemblement national à l’Assemblée. C’est un parti contre les droits sociaux, mais il parvient à brouiller les cartes. On stigmatise parfois le vote ouvrier comme allant vers l’extrême droite aujourd’hui, mais je crois qu’il y a surtout beaucoup d’abstentionnistes. C’est ceux-là qu’il faut convaincre. »
Sursaut
Certains espoirs se tournent vers le Nouveau Front populaire, qui fait la part belle aux socialistes (5 sur 12, contre 2 en 2022). Une union des partis de gauche saluée par Ioan, 45 ans, consultant dans la région de Bordeaux :
« J’espère que ça va fonctionner. Jusqu’à présent, je le reconnais, j’étais dans une forme de déni vis-à-vis de l’accession de l’extrême droite au pouvoir. Par rapport à il y a 20 ans, le poids des médias, comme le groupe Bolloré, ou les réseaux sociaux ont changé la donne. J’ai appris que Hanouna va animer une émission politique sur les législatives, c’est indécent. »
À l’angle du cours Pasteur et du cours Victor Hugo, un groupe de lycéens de Brémontier fait une pause sur les voies du tram. Achille aura 18 ans en juillet, mais les élections seront passées :
« Nous sommes dans la rue car il y a la menace d’avoir un gouvernement fasciste bientôt au pouvoir. Je ne peux pas encore voter, mais la situation concerne tout le monde. Les jeunes ne se foutent pas de la politique. L’année passée, au lycée, nous avons monté un groupe contre la réforme des retraites. »
« On ne peut pas rester impuissants »
Son amie, Mathilde, a la double nationalité polonaise. La Pologne, qui a récemment tourné la page de la droite ultraconservatrice, au pouvoir depuis 2015, avec le parti Droit et Justice (PiS). « Le danger, on l’a aujourd’hui plus que jamais en France », se désole Mathilde :
« On le voit, dans les pays dirigés par l’extrême droite, comme en l’Argentine ou l’Italie, des droits acquis sont remis en question. On ne peut pas rester impuissants. »
Dans un communiqué commun, les neuf organisations syndicales girondines, qui ont appelé à la mobilisation, réaffirment leur « opposition au racisme et à la xénophobie ». Elles demandent, entre autres, l’abrogation de la récente réforme des retraites et celle de l’assurance chômage.
De son côté, l’UD CGT, appelle « à voter pour le Nouveau Front populaire », indique Stéphane Obé, son secrétaire départemental. Alors que l’intersyndicale doit se réunir à nouveau, de nouvelles mobilisations pourraient être organisées dans la capitale girondine à l’approche des législatives anticipées.
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