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Pierre Rode, le discret compositeur bordelais chouchou de l’Empereur et du Tsar

Le violoniste Jacques-Pierre-Joseph Rode, connu sous le nom de Pierre Rode, a tutoyé les sommets avant de tomber dans l’oubli en fin de vie en Gironde. Pour les 250 ans de sa naissance à Bordeaux, un hommage lui sera rendu dans les ruines du Palais Gallien. Une (rare) occasion de découvrir l’œuvre oubliée du compositeur bordelais.

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Pierre Rode, le discret compositeur bordelais chouchou de l’Empereur et du Tsar
Montage à partir de documents Wikipedia

Pour les profanes de la musique classique, la figure de Pierre Rode n’évoque presque rien, hormis peut-être une rue bordelaise qui porte son nom, à proximité du quai des Chartrons. Et pour cause, le patronyme échappe au florilège de noms prestigieux connus du commun des mortels : Beethoven, Vivaldi, Mozart…

Le compositeur bordelais ne semble avoir laissé aucune trace dans l’imaginaire collectif, dans sa ville natale comme ailleurs.

Œuvre pédagogique

Pour trouver des connaisseurs de l’œuvre de Rode, il faut aller chercher du côté des conservatoires de musique, lieux d’apprentissage par excellence de la musique classique : 

« Il est vrai que Pierre Rode est moins connu du grand public qu’un Paganini par exemple. C’est difficile de l’expliquer, peut-être en partie à cause des moyens de diffusion de l’époque, et aussi que l’œuvre de Rode se situe plus dans la pédagogie que dans la représentation. Ses compositions continuent d’être apprises et jouées, notamment ses caprices, qui sont des exercices très connus des grands violonistes », explique Céline Jean-Carat, professeure de violon au conservatoire Jacques-Thibaud à Bordeaux. 

Maria-Luisa Macellaro La Franca, cheffe d’orchestre reconnue sur la scène internationale, a connu l’œuvre du compositeur bordelais au hasard d’une découverte. Depuis, elle s’étonne qu’ « une figure si importante passe inaperçue ».

« Son œuvre est très connue des élèves violonistes, mais peu de personnes ont la curiosité d’aller vraiment écouter ce qu’il a composé et ce qu’il a fait », poursuit la pianiste et compositrice. 

Doué et reconnu

« Élève prodige », selon la violoniste Céline Jean-Carat, compositeur d’une musique « à cheval entre deux époques, entre classicisme et romantisme », pour la cheffe d’orchestre Maria-Luisa Macellaro La Franca, la vie du premier violon (mis en avant dans un orchestre comme signe de reconnaissance) de l’empereur Napoléon a fait l’objet de recherches. Les travaux de Jean Mignot et de Guillaume Housse permettent d’éclairer un peu plus la vie du compositeur girondin. 

Né à Bordeaux le 16 février 1774, Pierre Rode se démarque dès le début de son parcours par un talent inné pour la pratique musicale. Pris sous l’aile de Fauvel, le jeune garçon est envoyé à Paris sur les conseils appuyés de son professeur auprès de ses parents.  

« Au départ, Rode était un violoniste quelconque. Au moment où il part au conservatoire à Paris, il devient l’élève de Viotti et débute une grande carrière : il obtient toutes ses médailles, y rencontre Paganini… À son retour sur Bordeaux, c’est déjà un artiste très reconnu », raconte Maria-Luisa Macellaro La Franca.

Rival de Napoléon

Après avoir parcouru l’Europe, de la Hollande à la Prusse en passant par Londres, Rode est nommé professeur au nouveau Conservatoire national de musique de Paris, créé le 3 août 1795, toujours sous Bonaparte. C’est à la capitale que la carrière du jeune compositeur prend un véritable tournant, où il travaille notamment avec l’illustre compositeur italien Luigi Boccherini et parvient à être invité à la cour d’Espagne.

Amant rival de Napoléon – les deux hommes entretiennent une relation avec la cantatrice italienne Giusepina Grassini –, son aventure amoureuse le pousse à quitter la France pour l’Empire de Russie. 

À Saint-Pétersbourg, il est nommé maître de chapelle (celui qui dirige les musiciens et le chœur) par le tsar Alexandre Ier, après avoir été son premier violon. Rode y conquiert rapidement le public russe, grâce à ses compositions et à ses représentations. Selon Guillaume Housse, le compositeur bordelais occupe une place de premier plan dans le paysage culturel russe du début du XIXe siècle : 

« On peut considérer que le violoniste français exerce une influence autour de lui et joue un certain rôle dans l’histoire du violon russe, notamment en promouvant l’excellence technique de la méthode française. Soulignons qu’il est l’auteur de l’ouvrage Méthode du Conservatoire de Paris, avec Rodolphe Kreutzer et son ami Pierre Baillot, longtemps une référence en la matière, aujourd’hui encore lu en Russie », écrit Guillaume Housse. 

Hommage

Pierre Rode revient en France en 1808, où il ne parvient plus à retrouver le succès de ses jeunes années. Il poursuit tout de même ses voyages et ses représentations, notamment à Vienne, où son talent est encore reconnu par Beethoven. 

Lors d’un de ses ultimes voyages à Berlin, Rode rencontre Caroline Sophie Wilhelmine Verona, qu’il épouse au crépuscule de sa vie. En 1821, il se retire au Château Bourbon, à Bayas en Gironde, où il décède en 1830. Il est inhumé au cimetière de la Chartreuse à Bordeaux.

« La technique de Rhodes comme on l’appelle, est aujourd’hui la technique officielle du conservatoire italien. Dans les programmes d’études Rode est très connu pour l’écriture de ses exercices à destination des élèves violonistes. Il reste non seulement un grand concertiste et compositeur, mais aussi un grand pédagogue », souligne Maria-Luisa Macellaro La Franca. 

La cheffe d’orchestre a choisi de rendre hommage à Pierre Rode lors des deux représentations qu’elle donnera au Palais Gallien, le vendredi 5 et le samedi 6 juillet.


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