Il est presque 13h, l’heure de la fin du conseil de Bordeaux Métropole et du déjeuner approchent. Aussi, les débats sur l’une des dernières délibérations de l’ordre du jour s’annoncent brefs et consensuels – il s’agit de l’adhésion à un réseau de 100 métropoles européennes partageant leurs bonnes pratiques dans l’objectif de la neutralité carbone.
C’est le moment que choisit Marc Morisset pour se lancer dans une diatribe dont il a le secret. En 2021, l’élu de Saint-Médard-en-Jalles avait été exclu du groupe écologiste en 2021 car il colportait des théories anti-vax, et avait refusé de porter le masque en séance.
Depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine, il relaye régulièrement – de surcroît souvent sans rapport avec les débats métropolitains ou ceux de Saint-Médard – la propagande du Kremlin selon laquelle l’armée ukrainienne est « essentiellement composée de néo-nazis », manifestant au nom du pacifisme son opposition au soutien français à Kiev.
Carbonisé
Ce vendredi, Marc Morisset a surpris son monde en relayant cette fois des thèses climato-sceptiques. Lui qui se prétend écologiste affirme désormais que l’activité humaine n’a aucune incidence sur le réchauffement planétaire :
« Madame Bichet, je vais vous aider à sortir de cette logique de l’objectif carbone. Le carbone représente 0,04% de l’atmosphère et l’activité humaine a un impact là dessus de 0,0013% au niveau mondial. Et puis vous avez un institut de statistique norvégien qui vient de sortir un rapport (…) qui a stipulé que le carbone n’avait aucun impact sur le changement climatique, c’était tellement faible et négligeable qu’on se leurrait. »
Le tout, prétend l’élu, pour satisfaire les intérêts financiers de quelques uns, citant Al Gore, Thierry Breton et « l’Union européenne nazitaire qui vous cache la réalité et les véritables sciences », ou encore évoquant les recherches internet d’un eurodéputé autrichien d’extrême droite bloquées par le serveur du Parlement européen…
« Il faudrait mettre en place un dispositif de fact-checking qui permette de filtrer certaines informations qui sont en l’état actuel de nos connaissances parfaitement fausses », réagit peu après Bastien Rivières, conseiller métropolitain écologiste de Mérignac.
Rien de scientifique
Car Marc Morisset s’est en effet laissé abuser. Comme l’explique Les surligneurs, un média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique, ce soi-disant rapport du Bureau central des statistiques de Norvège (SSB) est en fait une note de discussion, pas un article scientifique évalué par des pairs, réalisée non par des climatologues, mais par un économiste et un ingénieur à la retraite.
Le SSB s’en est désolidarisé, précisant que ce travail « ne reflétait pas son point de vue sur les causes du réchauffement climatique », tandis que des experts du climat cités par Les surligneurs ont taillé en pièce ses conclusions :
« Depuis l’ère pré-industrielle, on est passés d’environ 280 parties par millions (ppm) de CO2 dans l’atmosphère à 420 aujourd’hui, une augmentation de près de 50 %, qui ne peut s’expliquer que par l’évolution de l’activité humaine”, affirme Nathalie Huret, professeure des universités et spécialiste en physico-chimie de l’atmosphère, chiffres confirmés par le CNRS dans une étude de 2021.
Cette concentration de carbone contribue à l’effet de serre, qui offre un température moyenne de 15° avec 280 ppm, et plus cette quantité de carbone s’accroit, plus l’effet de serre et les températures augmentent.
Aberration
Comme au conseil de métropole, où les propos de Marc Morisset ont déclenché une belle bronca, Philippe Poutou tentant de défendre la liberté de son collègue de s’exprimer sans être interrompu.
« Je ne suis pas ici pour entendre des thèse complotistes, a quant à elle estimé l’élue pessacaise Fatiha Bozdag. Est ce qu’on doit laisser s’exprimer ici (…) des aberrations comme ça ? C’est honteux. A un moment donné, il faudra recadrer. »
« Vous avez raison sur le fond », lui a répondu Christine Bost, présidente de la métropole, poursuivant ainsi :
« Sur la forme nous sommes tous démocratiquement élus, l’ensemble des collègues siègent avec la légitimité du scrutin et nous avons tous un temps de parole. Quand ces propos sont tenus, chacun fait la part des choses même si personne n’y adhère. »
Du moins au sein de cette assemblée.
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