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Le procès de trafiquants d’armes renvoyé suite à une erreur dans la composition du tribunal à Bordeaux

Neuf prévenus, huit de la région bordelaise et un de Toulouse, comparaissaient à Bordeaux ce lundi 23 septembre pour trafic d’armes de guerre. L’audience a été renvoyée après la découverte, à la mi journée, d’un « défaut d’impartialité » chez un assesseur.

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Le procès de trafiquants d’armes renvoyé suite à une erreur dans la composition du tribunal à Bordeaux
L’audience a été suspendue vers 15h

D’une manière théâtrale, Alex T. s’est dressé dans le box et, demandant la parole en tirant sur le micro, il clame :

« Madame la présidente, excusez-moi, mais voilà 17 mois que je suis incarcéré et j’attends d’être jugé avec impatience. Parce que je suis innocent madame la présidente. Je n’ai rien à faire ici. »

Innocent ou pas, le prévenu vient d’apprendre vers 15h que l’audience qui a démarré à 10h15, est renvoyée pour « défaut d’impartialité ». Le tribunal qui comprend un président, Catherine Bonnici, et deux assesseurs, Jean-Luc Ybres et Christine Mounier, présente un défaut : en mai 2023, cette dernière était la juge qui a décidé de la détention provisoire d’Alex T. dans l’affaire de trafic d’armes. Elle ne pouvait donc participer à l’audience qui se tenait ce lundi 23 septembre à la 1ère chambre du tribunal judiciaire de Bordeaux.

L’erreur a été décelée après la vérification des identités et la lecture des éléments de l’enquête.

Gros calibres et grosses cylindrées

Le récit est digne d’un scénario de série télévisée. Tout y est. Un jeune couple. Lui, un grand costaud proche du quintal avec une barbe proprement taillée. Elle, brune aux cheveux longs à la silhouette discrète. Autour de Gratien T. et Johana B., 7 autres prévenus âgés de 22 à 40 ans, tous de la région bordelaise sauf un venant de Toulouse. On retrouve également des armes : P38, 357 Magnum, Colt 45, M 16, Kalachnikov, Uzi, Famas, et même des lance-roquettes RPG… Et des grosses cylindrées : porche Cayenne, Lamborghini…

Tout ce trafic – d’armes et de munitions – remonte à une période entre mars 2022 et mai 2023. Les éléments sont dictés par la présidente du tribunal Catherine Bonnici, fraichement débarquée à Bordeaux en provenance de Nice, fin juillet 2024.

L’affaire est révélée lors d’une surveillance visant Rafik E. en mars 2022, soupçonné de gérer un trafic de cigarettes. Lors d’une transaction, deux hommes descendent d’une porche Cayenne immatriculée en Pologne : Sofiane H. et Gratien T. Le dernier porte une kalachnikov.

La planque suivante voit passer une mallette livrée à Gratien T. « Des éléments qui suffiront pour passer monsieur T. sous surveillance jusqu’au 28 novembre 2022 », précise la présidente.

L’origine des armes

Interception des messages cryptés, pose de micro géolocalisés dans les voitures, écoute des smartphones… les policiers découvrent un Gratien T. à la tête d’un trafic d’armes drôlement organisé.

L’origine des armes : les cambriolages de tireurs sportifs par un père et son fils, Jean-Christophe et Mayron P., le premier surnommé JC Corleon, du nom de Marlon Brando dans le film Le Parrain de Francis Ford Coppola ; et les achats de fusils à pompe dans des armureries par Johana B. qui avait acquis une licence de tir lui permettant de faire ses courses en toute légalité. Gratien T. l’attendait devant la porte.

Sofiane H. a lui aussi obtenu une licence de tir pour alimenter le réseau, avant qu’il ne soit interpellé. Sur les produits achetés, deux retouches étaient effectuées : scier le canon ou passer l’arme en mode rafale.

Gratien T. a aussi Alex T. comme fournisseur, avec lance-roquettes à son catalogue. Ce dernier est décrit comme « fou ou bipolaire » dans la lecture de la présidente. Lors de la perquisition à son domicile, qu’il n’avait pas déclaré aux enquêteurs prétextant loger chez sa mère, les policiers ont trouvé 600 munitions et 250 grammes de cocaïne. Lahcen B. est lui aussi fournisseur d’un certain Barbeuh, le surnom de Gratien T.

Catalogue en ligne

A la revente, le catalogue de Gratien T. est présenté sur des photos ou des vidéos, via Signal ou Snapchat. On parle de « gun », de « rappeuse » (fusil mitrailleur) et de « guitare » (fusil d’assaut). Le jeune marchand d’armes trouve un client à Toulouse : Jamel B. Ce dernier, condamné à vingt-deux ans de réclusion criminelle en 2020 pour avoir fourni l’arme d’un règlement de compte ayant causé mort d’homme, envoie des intermédiaires pour conclure ses affaires.

Les prix vont de 3000 à 10000 euros pièce. Le 1er mai 2022, une kalachnikov est remise dans une station essence à Cadillac (33) ; le 3 mai, un pistolet automatique à Launaguet (31), suivi d’un 357 Magnum le 8 mai et d’une arme automatique le 20 juin, toujours à Launaguet. Gratien T. fait les voyages la nuit à bord de bolides de location.

Au moment de passer dans le box, Gratien T., Alex T., Lahcen B., Jean-Christophe P. et Mayron P. sont en détention provisoire. Jamel B. et Rafik E. le sont également mais ils avaient été incarcérés pour d’autres condamnations. Sofiane H. et Johana B. sont sous contrôle judiciaire.

L’audience étant renvoyée au 9, 10 et 11 décembre, les avocats de la défense ont demandé la levée des détentions provisoires. Seule celle de Rafik E. a été levée, sachant qu’il doit purger une autre peine de prison confirmée en appel. Les contrôles judiciaires sont légèrement allégés : Sofiane H. retrouvera sa carte d’identité pour reprendre son activité de livreur, Johana B. pourra dorénavant se rendre au parloir de Gratien T. avec leur enfant de deux ans.


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Photo : SB/Rue89 Bordeaux

Photo : DR

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