« Je suis atterrée, un homme de 88 ans, invalide, est en train de se faire expulser 48 bis rue Montfaucon [dans le quartier de la gare Saint-Jean, NDLR], alors qu’il a régularisé ses loyers en avril !!! » Jeudi 17 octobre, vers 9h45, Agnès assiste impuissante à l’expulsion de Salem Rja en présence d’un huissier et de plusieurs membres des forces de l’ordre. Elle partage son incompréhension dans un post Facebook.
« Pendant un moment il n’a pas payé ses loyers. Le propriétaire a lancé un recours judiciaire mais une fois que monsieur Jra a payé ce qu’il devait, le propriétaire à laissé courir le recours sans le signaler, détaille-t-elle. La procédure a continué alors qu’elle aurait dû être arrêtée et c’est ça que je trouve assez choquant. »
Pour faire réagir
À la genèse de cette affaire, des travaux urgents et une volonté de faire réagir la S.A.S Organisation et construction jumelée, propriétaire du bien géré par l’agence immobilière Absolute Habitat :
« La douche, les plaques en haut qui tombaient, dans la chambre c’était tout noir au plafond, explique Salem Rja. Je voulais arrêter de payer quelques mois mais jamais à l’agence ils n’ont voulu venir pour faire des travaux. »
Le retraité, anciennement souffleur de verre à la Verrerie Domec puis cariste au marché de Brienne, suspend ses virements durant quatre mois. L’agence immobilière lui pose alors un ultimatum : il doit régler son retard avant le mois d’avril 2024. Il est convoqué lors d’une audience publique au tribunal de proximité le 1er mars mais ne s’y présente pas, s’étant absenté pour voir sa sœur au Maroc, son pays natal qu’il a quitté en 1972. Le propriétaire demande alors la résiliation du bail et l’expulsion.
Aidé par son voisin Youssef Gamine, président du café associatif Le Petit Grain, Salem Rja fait valider le 13 mars un plan d’apurement par son propriétaire : cette démarche, qui consiste à dresser un programme de remboursement, doit lui permettre d’éviter la procédure judiciaire. « On a tout réglé », assure son ami. Ce dernier est d’un grand soutien moral et financier pour l’octogénaire : ne sachant ni lire, ni écrire, difficile pour lui de satisfaire à ses obligations. Père de cinq enfants, il vit seul depuis son divorce.
« Des motifs légitimes »
Malgré ce plan d’apurement, un courrier du préfet daté du 28 août confirme la résiliation du bail et prononce son avis d’expulsion. Il y est mentionné que « le concours de la force sera accordé pour procéder à l’exécution de cette décision de justice à compter du 23/09/2024. » Pour celui qui occupait cet appartement depuis 2008, c’est un coup dur.
« Sur le jugement, ils mettent les frais d’avocat, les loyers impayés mais parce qu’il n’ont pas tenu compte de ce qu’il a remboursé », se désole Youssef Gamine, qui affirme que Salam Rja a respecté le calendrier de paiements prévu par le plan.
L’agence Absolute Habitat se refuse à tout commentaire :
« Vous n’aurez pas notre version, explique-t-on à Rue89 Bordeaux. La décision a été prise et si elle l’a été c’est parce qu’il y avait des motifs qui étaient légitimes ».
L’agence laisse cependant entendre que la décision du juge des contentieux de la protection pourrait être liée à un mauvais suivi du plan d’apurement de la part du locataire, sans pour autant vouloir explicitement le confirmer.
Dossier prioritaire
Harmonie Lecerf Meunier, l’adjointe au maire de Bordeaux chargée de l’accès aux droits et des solidarités, a très vite réagi, promettant de « traiter en urgence » une demande d’intégration dans une des 15 résidences autonomie de la ville.
« Les services sont en train d’étudier son dossier donc je ne peux pas dire quand cela aboutira, confirme-t-elle. Il était déjà connu des services sociaux et c’est quelqu’un en difficulté sur plusieurs plans, ce qui rend compliqué son maintien à domicile. »
Pourtant, interrogé sur l’issue qu’il attend de cette affaire, Salem Rja ne cache pas qu’il souhaite retrouver un appartement et reprendre sa vie en solitaire, pas rebuté le moins du monde par son handicap qui limite l’usage de sa jambe gauche. La preuve, il ne se prive pas encore de ses balades à vélo.
En attendant, l’octogénaire loge dans un centre du CCAS. Il y est pour le moment admis jusqu’au 1er novembre, durée qui peut être renouvelée pour une nouvelle quinzaine de jours si aucune autre solution ne s’offre à lui.
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