Installée au début de l’année 2021, l’aire d’accueil solidaire du quai Deschamps devait être provisoire. Au fil des années, le nombre de sans-abri a augmenté et, avec, la promiscuité. En juillet dernier, un bénéficiaire a été tué à la suite d’une rixe.
Ils sont aujourd’hui une cinquantaine. Depuis le mois de mai, la zone est inscrite en statut prioritaire sur la plateforme de l’État pour la résorption des squats et bidonvilles. Des diagnostics sociaux ont été entamés, ainsi qu’un travail d’accompagnement et de médiation entre le CCAS, les services de l’État, la Métropole et les associations.
Il y a dix jours, la Ville, gestionnaire du domaine public, a saisi le juge des référés. Les « occupants sans droit ni titre » sont enjoints à quitter les lieux, sous peine du concours de la force publique.
« La situation s’aggrave »
Un « coup de poignard dans le dos » pour La Maraude du Coeur et Les Gratuits Gironde Solidarité, les associations à l’origine de la création de l’aire d’accueil. Dans un communiqué commun, elles regrettent un « long travail de mise en confiance » mis à mal par la procédure d’expulsion :
« Nous déplorons de constater que trois longues années n’ont pas suffit à l’État et aux services sociaux de la ville pour résorber ce lieu de manière positive en accompagnant les publics vers des solutions pérennes. »
Après un report, l’audience s’est tenue ce lundi 30 septembre au tribunal administratif de Bordeaux. Sur le motif de l’urgence, la mairie invoque des risques pour la sécurité et la tranquillité publiques. Maître Pauline Platel, avocate de la Ville, en a dressé une liste. « La situation s’aggrave, elle n’est plus la même qu’au début », a t-elle plaidé :
« Il y a un risque inondation avec les grandes marées qui arrivent à l’automne. Les tensions augmentent entre les occupants et les riverains. Certains veulent monter des brigades. Des feux ont été constatés sur le campement, il y a un risque incendie. À cela s’ajoute des seringues usagées dans la zone et des déchets. »
Trouver des solutions pérennes
« Pourtant, pendant plus de trois ans il n’y a pas eu d’urgences », a répliqué en défense Maître Bruno Bouyer, avocat de l’un des occupants :
« À l’origine, cette aire a été créée car la mairie n’arrivait pas à se dépêtrer du sans-abrisme dans l’hyper centre. Elle s’est rapprochée des associations, il y a eu un travail quotidien en collaboration étroite. La mairie a fait installer l’accès à l’eau et les toilettes sèches. En 2021, le quartier du Belvédère n’était que grues et chantiers. Trois plus tard, sous la pression de riverains, du jour au lendemain on nie le travail social. »
Maître Bruno Bouyer a fait intervenir La Maraude du Coeur. Sa fondatrice, Estelle Morizot, a insisté sur la nécessité de trouver des solutions pérennes :
« Le 115 a proposé un hébergement pour 15 jours. Mais les bénéficiaires n’en veulent pas, ils vont se retrouver à nouveau à la rue. Je suis d’accord sur le fait qu’il faut trouver autre chose. Mais les diagnostics sont en cours. »
Pas de vagues
« Tant qu’il n’y a pas de vagues, on laisse les pauvres de l’autre côté de la Garonne », a conclu Maître Bruno Bouyer :
« Il n’y a pas de convention d’occupation du domaine public, mais il n’en demeure pas moins que la mairie a accepté la présence de ces personnes sur le site. Tout le monde se renvoie la balle. La mairie, qui se dit de gauche, rechigne à utiliser son pouvoir de réquisition. »
Selon les associations, à ce jour, « à peine 10% » des occupants se sont vus proposer une solution d’hébergement. Harmonie Lecerf, adjointe aux Solidarités à la mairie de Bordeaux, affirme, de son côté, qu’une « quinzaine » de solutions ont été proposées aux bénéficiaires :
« C’est un travail inédit. Nous avons réussi à convaincre l’État à faire de la résorption sur ce campement, alors que le dispositif est réservé au bidonville. Il n’y a pas assez de solutions proposées par l’État, mais c’est un fait. Il n’a pas les moyens de proposer plus. Nous avons fait une proposition, la semaine dernière, pour l’hiver, d’un nouveau dispositif d’ouverture dans des locaux de la mairie pour 15 à 20 personnes. »
La décision du tribunal, elle, est attendue dans la semaine.
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