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Disparition de Philippe Méziat, « Monsieur jazz » entre 33 tours et grands tours cyclistes

Journaliste spécialisé et programmateur de concerts, né à Clermont-Ferrand en 1942, Philippe Méziat est mort à Bordeaux le 31 octobre 2024. Il laisse derrière lui de nombreux souvenirs marquants chez tous les amateurs bordelais de jazz, comme Eric Chevance, proche de la famille.

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Disparition de Philippe Méziat, « Monsieur jazz » entre 33 tours et grands tours cyclistes
Philippe Méziat, en octobre 2006 au Musée d’Aquitaine à Bordeaux

J’imagine aisément la scène et le dialogue qui en découle. Elle se déroule à Bayonne, cet été 1971. Un homme entre chez le marchand de musique.

– Ces contrebasses, là ?
– Oui, elles me viennent de l’Orchestre Symphonique de Bayonne, qui vient d’en acheter des neuves.  Celles-ci ont fait leur temps, elles sont à vendre.

Je l’entends presque discuter le prix. C’est une chose qu’il sait faire, négocier, marchander. Il en achète une avec sans doute une réduction significative.

– Elle n’est pas pour moi, je l’offre à ma fille.
– Elle est contrebassiste ? demande naïvement le marchand.
– Non, elle vient de naître. C’est son cadeau de naissance. Plus tard, peut-être…

Voyez la tête du commerçant. Son étonnement.

Jazzfan

L’homme qui est capable de faire cela, offrir à un bébé un instrument aussi massif, est à ce moment-là professeur de philosophie au Lycée de Bayonne. Il s’appelle Philippe Méziat. Il est décédé ce jeudi 31 octobre, à l’âge de 82 ans. La contrebasse, elle, est toujours là. Sa fille, Lucille, l’a chérie toute son enfance, son adolescence, en a joué lorsqu’elle était enceinte de nos deux jumelles, et j’en suis actuellement le dépositaire et l’utilisateur.

La contrebasse est bien-sûr significative de son amour de la musique et du jazz en particulier. Ils semblent même indissociables, Philippe Méziat et le jazz, critique et organisateur de concerts, écrivain et conférencier, découvreur de jeunes talents, bref « jazzfan » et ce, depuis toujours. Ne revenons pas là-dessus. Car il n’était pas qu’un amateur très averti de cette musique.

D’autres passions l’ont nourri toute sa vie, et en premier lieu, la photographie, la photographie et le jazz qui sont à la source de son amitié et de sa longue complicité avec Guy Le Querrec. Ensemble, ils ont publié 3 livres mêlant photographie et écriture.

Collectionneur d’appareils photo, photographe lui-même, Philippe Méziat était un véritable connaisseur. Je n’en prendrai comme exemple que son admiration ancienne — je dis ancienne parce que bien antérieure à l’exposition-événement qui a eu lieu l’an passé à Paris et qui l’a révélée au grand public — son admiration ancienne donc, pour Tina Modotti, photographe et militante révolutionnaire, dont il parlait avec ferveur à ses petites filles, nombreux livres rares à l’appui.

Philippe Méziat, exposition Jazzbox Photo : avec l’aimable autorisation de Philippe Taris

« Évier ! »

J’évoque ses livres, mais je ne dirai rien de sa riche bibliothèque, qui avec ses collections de disques couvraient intégralement les murs de son logement de la rue Sainte-Catherine, comme ils ont couvert ceux de ses différents logements. Il en a toujours acheté et vendu, et puis acheté et donné. Ces trésors littéraires, photographiques et musicaux poursuivent leur vie chez d’heureux propriétaires.

Le jazz et la photographie. Et le vin. Modérément, comme il se doit, mais en véritable amateur. Un palais sûr et impitoyable. Combien de fois l’ai-je vu, après une première gorgée, s’écrier « évier ! » et se précipiter dans la cuisine pour illico y vider la bouteille ou la carafe d’un vin qui n’était pas à la hauteur de ses attentes ! Mais aussi, faire découvrir à ses parents et amis des crus méconnus et délectables.

Dans sa générosité, il nous disait régulièrement : « Descendons à la cave, prenez ce que vous voulez. Ce que vous voulez, mais… peut-être pas celui-ci, celui-là, par exemple… » Pendant des années, nous n’avons pas bu d’autres vins que ceux qu’il nous a donnés.

On a beaucoup parlé de jazz, mais la musique tout entière le passionnait, qu’importe le style. Je le revois lorsqu’à sa demande nous lui avions rapporté d’Irlande un disque d’un accordéoniste traditionnel (je ne me souviens plus du nom, était-ce Mairtin O’Connor, Martin Connoly, un autre ?). Il s’est installé dans le canapé et a écouté religieusement un morceau lent, une ballade magnifiquement épurée, et s’est extasié ensuite sur la pureté, la beauté de cette mélodie toute simple.

Quant à la musique classique, dite classique, et l’opéra… Ce pianiste oublié au toucher si subtil, cette chanteuse à la voix singulière et magnifique… Je me demande si, seul chez lui, il ne les écoutait pas plus que le jazz. Ce que je sais, en revanche, c’est que nos filles jumelles revenaient des séances d’écoute chez leur grand-père émerveillées par ce qu’il leur avait fait découvrir.

Les grands tours

Un homme de culture, un amoureux des arts, un érudit tout terrain. Oui, et pas seulement. Qui, à l’exception de ses proches, connaît son goût immodéré pour les courses cyclistes ? Celles d’aujourd’hui, qu’il suivait avec attention durant toute la saison, et celles d’hier. Il se délectait des biographies des héros des grands tours, et j’ai l’impression, allez savoir pourquoi, qu’il avait une prédilection pour les Italiens, les Bartali, les Coppi et autres Gimondi. Peut-être une certaine idée du panache ?

Voilà qui était Philippe Méziat, un homme qui, au regard des hommages sincères et émus qui ont fleuri ces derniers jours, a compté pour beaucoup. Un homme qui, au-delà de ses activités publiques, fut pour moi plus qu’un beau-père admiré, un ami très cher.

Lorsque je l’ai vu pour la dernière fois, une dizaine de jours avant sa mort, je lui ai donné des nouvelles de la contrebasse. Nous avons parlé de Scott LaFaro, de Charlie Haden, de Ray Brown et du disque qu’il a enregistré en duo avec Duke Ellington, This one’s for Blanton, dont j’essayais de travailler quelques traits… On en revient quand-même au jazz.


#musique

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