Média local avec zéro milliardaire dedans

Les Sentinelles, la nouvelle production « zéro achat » de l’Opéra de Bordeaux

Du 10 au 14 novembre 2024, l’Opéra de Bordeaux présente Les Sentinelles, mis en scène par Chloé Lechat. Cette production s’inscrit dans le programme « zéro achat », qui par deux fois a prouvé aux bordelais que l’opéra pouvait se jouer avec des décors et des costumes réemployés.

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<i>Les Sentinelles</i>, la nouvelle production « zéro achat » de l’Opéra de Bordeaux
« Les sentinelles », la nouvelle production de l’Opéra de Bordeaux garantie zéro achat

Jamais deux sans trois. À l’Opéra de Bordeaux, après Requiem de Mozart et La Bohème de Puccini, une nouvelle production grand format, Les Sentinelles, vient prendre vie aux moyens de décors et costumes recyclés ou réemployés. Pour Emmanuel Hondré, directeur de l’Opéra de Bordeaux, proposer à Chloé Lechat de se frotter à ce défi relevait presque de l’évidence :

« Je trouve intéressant de choisir des sujets qui vont bien avec cette démarche : un requiem c’est la messe des morts, est-ce qu’il y a une vie après la mort, une deuxième vie ; c’était à peu près le même message que celui de l’Opéra. La Bohème, ce sont quatre étudiants qui sont sous les toits de Paris, qui n’ont pas le sou pour vivre mais qui créent quand même, alors là c’était presque idéal pour traiter du zéro achat. »

Pour Les Sentinelles, l’équipe est jeune et concernée. Cette démarche est « acceptée aussi pour des raisons de génération », ajoute le directeur de l’Opéra bordelais. Une génération qui mène plusieurs combats de front.

Un huit-clos ancré dans son époque

Les Sentinelles, c’est avant tout une histoire de femmes. Celle de A, B, C et E. Une mère et sa fille surdouée dont la relation se dégrade au contact d’un autre duo en mal d’amour. Des non-dits, de la jalousie, une certaine tendance à la destruction ; un cocktail complexe mené sur scène par les trois chanteuses Anne-Catherine Gillet, Sylvie Brunet-Grupposo et Camille Schnoor, et la comédienne Noémie Develay-Ressiguier. Le tout narré par l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine, dirigé par Lucie Leguay, au son des compositions de Clara Olivares.

« J’avais envie de voir d’autres femmes sur scène, différentes de celles que l’on voit d’habitude à l’opéra. Des femmes que l’on croise au quotidien dans nos vies, à notre époque, à savoir des femmes plurielles, indépendantes et qui travaillent. Je n’ai plus envie de voir des opéras où les femmes sont rivales et n’existent que par ou pour un homme », détaillait la librettiste (auteure du livret d’opéra) Chloé Lechat dans un entretien en mai dernier.

Une quête de modernité dans le traitement des sujets abordés tout comme dans la production. La contrainte du zéro achat est donc un « challenge supplémentaire » en « écho » avec son époque que la librettiste et metteur en scène a accueilli avec beaucoup d’enthousiasme.

70 000 €

En coulisse, le défi est important. Produire en zéro achat demande aux équipes techniques une organisation particulière. Pilar Camps, la directrice technique adjointe des ateliers, explique :

« C’est un travail complètement différent : il faut étudier la demande, chercher dans les stocks de quoi coller à la demande et parfois faire le travail d’adaptation, ce qui est beaucoup plus complexe. Si au niveau de la construction c’est beaucoup moins intense, il reste un gros travail à faire en amont. »

Dans la conception d’une production classique, on part d’une feuille blanche. Là, l’objectif et d’utiliser les ressources issues d’autres productions que possèdent déjà l’Opéra de Bordeaux. Et il existe deux façons de faire : parfois le scénographe vient directement faire le tour des stocks et imagine sa maquette avec ce qu’il y trouve. Cette fois-ci, l’équipe technique des ateliers s’est vu remettre une maquette et a dû faire les recherches de son côté. Là où ça devient intéressant, c’est au moment du bilan :

« On ne se décharge pas du coût de la masse salariale, mais bien de celui de la matière première, rappelle Caroline Boulay, la directrice technique. Sans le zéro achat, on tournerait aux alentours de 70 000€ de dépenses en décors, costumes et accessoires. »

« Installé mais pas systématisé »

La plus belle des récompenses selon le directeur de la maison ? Quand on vient lui souffler « je n’ai pas vu la différence ». Ce dernier est conscient que la responsabilité écologique n’est pas partagée par l’ensemble du public de l’établissement : il y aura toujours des irréductibles qui n’en comprendront pas l’intérêt, craignant une potentielle entrave à la créativité.

« D’un côté c’est très important de montrer qu’on n’échappe pas à cette responsabilité collective en tant qu’Opéra, et de l’autre je ne veux pas donner l’impression qu’on va faire les choses au rabais », concède-t-il.

Depuis l’établissement de son premier bilan carbone en 2023, l’Opéra National de Bordeaux travaille à des pistes d’amélioration sur sa consommation. Des trajectoires sont à l’étude et certaines, comme le zéro achat, rencontrent un franc succès. Pourtant, selon Emmanuel Hondré, cette démarche n’a pas vocation à devenir une norme : si l’expérience sera développée de façon à pouvoir en tirer un bilan et des enseignements, le zéro achat aspire à être « installé mais pas systématisé ».


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