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35 heures de travail d’intérêt général pour des tags pro-Gaza pendant la Marche des fiertés à Bordeaux

Interpellée le 1er juin dernier et placée en garde-à-vous après avoir tagué des slogans hostiles à l’offensive israélienne contre Gaza, Zaïnab, une jeune étudiante, était entendue ce lundi au tribunal judiciaire de Bordeaux. Elle a été reconnue coupable et condamnée, notamment pour rébellion lors de son interpellation.

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35 heures de travail d’intérêt général pour des tags pro-Gaza pendant la Marche des fiertés à Bordeaux
Une quarantaine de soutiens était devant et dans le tribunal ce lundi

Ses soutiens étaient là, une quarantaine, quelques minutes avant le début de l’audience, rassemblés sur le parvis des Droits de l’homme. Ce lundi 27 janvier à 14h, Zaïnab doit répondre aux questions du tribunal.

Elle est convoquée pour dégradations volontaires – avec deux circonstances aggravantes, l’avoir fait sur un bien public et le visage masqué –, et pour rébellion lors de son interpellation. Le 1er juin 2024, elle avait tagué « 15 000 enfants tué.e.s par Israël », « Vos enfants étudieront votre silence dans les livres d’histoire », ou encore « Free Gaza », lors de la Marche des fiertés.

Pas de prise de paroles ni de grandes banderoles, « on est là pour lui dire qu’elle n’est pas seule », résume une proche connaissance. Ils sont nombreux à s’installer ensuite dans la Salle A du Tribunal judiciaire de Bordeaux, bondée jusqu’aux cintres. Au point que le président Marc Fritsch a rappelé avec fermeté :

« Que les choses soient claires. Ce n’est pas un plateau radio ni un plateau télé, je ne tolèrerai aucun débordement. Dans un tribunal, vous êtes comme dans une église, on enlève les chapeaux et les bonnets et on garde le silence. »

Visage fermé et serein face à l’autorité du Président, Zaïnab s’avance à la barre d’un pas sûr. Celle qui est entendue aujourd’hui n’est pas une habituée des tribunaux et son casier judiciaire est vide.

Tag sur l’Ecole nationale de la Magistrature Photo : DR

Amour et génocide

La jeune femme reconnaît être l’autrice des inscriptions. Elle confirme apparaître sur les photos, bombe de peinture à la main, foulard bleu masquant son visage, le même qu’elle porte autour du cou ce lundi.

L’étudiante en Master 1 d’informatique et, parallèlement, en licence 3 de sociologie, qui travaille à côté de ses études 14 heures par semaines pour gagner de quoi subvenir à ses besoins, conteste cependant la rébellion et l’agression des deux policiers vététistes venus l’interpeler sur signalement d’une patrouille. Ils sont présents sur le banc des parties civiles.

« Vous avez tagué des slogans sur le conflit israélo-palestinien sur les murs du Tribunal judiciaire de Bordeaux, l’Ecole de la magistrature, et des agences bancaires. Mais quel est le rapport avec la Marche des fiertés ? », demande le président.

D’une voix fébrile, Zaïnab évoque la liberté d’expression, une réaction à « l’indifférence de l’Etat face une situation à Gaza totalement insoutenable ». Le président l’interrompt, « le tribunal n’est pas une tribune politique », et revient à l’objet de la Marche. La jeune femme dénonce alors « l’instrumentalisation de la question LGBT » par Tsahal :

« L’armée israélienne se prend en photo avec des drapeaux arc-en-ciel au milieu des ruines de Gaza et parle d’amour en plein génocide. »

« Liberté d’expression abusive »

« La liberté d’expression des uns commence où la liberté des autres n’est pas atteinte, notamment la liberté de se protéger de toute dégradation et la liberté de ne pas voir sa propriété dégradée par les écrits des autres », lance le procureur Olivier Étienne.

Taclant « une liberté d’expression abusive », il s’interroge lui aussi sur le lien entre ces tags et « la guerre du gouvernement d’Israël contre les terroristes du Hamas » ; termes qui soulèvent quelques borborygmes de désapprobation dans le public. Le procureur reprend pour demander des « sanctions proportionnées » :

« J’en vois deux, précise-t-il. Une peine de travail d’intérêt général d’une durée entre 40 et 60 heures, ce qui lui permettrait d’effacer quelques tags pour la municipalité de Bordeaux ; ou un stage de citoyenneté pour apprendre à respecter les droits des autres. »

L’avocat des deux policiers demande lui aussi que l’étudiante soit reconnue coupable de rébellion contre les forces de l’ordre et qu’elle verse 600 euros de dommage et intérêt, plus 600 euros de frais de justice à chacun de ses clients.

35 heures de travail d’intérêt général

Maître Sylvain Galinat, conseil de l’étudiante, défend une « jeune femme investie, combative et militante au sens politique de terme » :

« Sa présence à la manifestation dit beaucoup de ce qu’elle est. Dans cette manifestation qui porte des valeurs de cohésion et d’altérité, […] l’émotion la submerge et elle décide de retranscrire ses paroles. Pourquoi sur l’École de la magistrature et sur le Tribunal judiciaire ? Parce que cet espace est la préservation de la primauté de l’État de droit. Elle a voulu montrer l’importance d’un Etat de droit qui prime sur tout type d’acte de violence, de quelque nature qu’il soit. »

L’avocat en appelle à la jurisprudence des décrocheurs de Macron, définitivement relaxés par le Tribunal judiciaire de Bordeaux, qui « s’est prononcé avec beaucoup de courage ». Il demande au président d’être « garant des libertés individuelles et de l’équilibre nécessaire dans un monde comme le nôtre » et note au passage que « ni le ministère de la Justice, ni le Tribunal judiciaire de Bordeaux, ni l’école nationale de la magistrature n’ont revendiqué un quelconque préjudice ».

Le verdict est tombé en fin de journée. Le tribunal a reconnu Zaïnab coupable, requalifiant les dégradations volontaires en vandalisme par tags, et l’a condamnée à 35 heures de travail d’intérêt général, sans mention au casier judiciaire. Elle doit également verser 700€ à chacun des policiers de la partie civile. A Rue89 Bordeaux, Zaïnab a fait savoir qu’elle ne fera pas appel.


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