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Bègles rend hommage à Simone Rossignol, son ancienne maire communiste et résistante

Il y a près de dix ans, une page de l’histoire béglaise se refermait avec la disparition de Simone Rossignol, ancienne maire de la commune, à l’âge de 96 ans. Issue d’une famille ouvrière, communiste, résistante, elle fut la première femme maire de l’agglomération bordelaise, de 1971 à 1984. La Ville lui rend hommage avec une exposition à la bibliothèque municipale et une commémoration ce mercredi 22 janvier à 18h30.

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Bègles rend hommage à Simone Rossignol, son ancienne maire communiste et résistante
Simone Rossignol.

Le temps passe, mais son nom reste. Simone Rossignol, c’est une vie traversée par l’histoire ouvrière locale, du militantisme familial à ses emplois dans l’industrie bordelaise, la guerre et son rôle actif dans la Résistance, avant de s’engager pleinement en politique dans les années qui ont suivi la Libération.

Un empreinte qui perdure même des années après sa disparition, comme le souligne Vincent Bordas, qui l’a rencontrée pour recueillir son témoignage avec Jean-Pierre Nercam, pour l’ouvrage Je me souviens… Propos d’une femme militante de Bègles, paru en 2008 à la Société d’édition des nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest :

« À travers le rôle de Simone Rossignol, on voit toute la place qu’ont occupée les femmes au sortir de la guerre. Si vous prenez les listes du conseil municipal de Bègles et d’un certain nombre de villes de l’agglomération à cette époque, vous serez surpris du nombre de femmes qui y apparaissent. Ce sont elles qui ont réorganisé la ville à la Libération. […] Après, elles ont été un peu éclipsées durant les années 1950 : c’est la particularité de Simone, elle ne s’est pas effacée ni devant les hommes, ni devant le pouvoir en général. »

« Plutôt une vie de lutte qu’une minute de silence »

Née à Clermont de Beauregard (Dordogne) le 15 décembre 1918, Simone Rossignol grandit dans une famille ouvrière. Son père est employé des Postes, télégraphes et téléphones (PTT) et connu pour son engagement sportif – il fut notamment à l’origine de la création de l’équipe de basket de la Prolétarienne Sportive Béglaise. Un héritage qui influera sur son action tout au long de sa vie, poursuit Vincent Bordas :

« Ses mandats sont marqués par sa politique sportive : les différents gymnases qui existent encore aujourd’hui à Bègles en sont le résultat, tout comme la force des clubs sportifs béglais. Le rugby [le CABBG qui a rallié l’Union Bordeaux-Bègles, NDLR], la gymnastique, le handball… Des nombreuses disciplines se sont développées à ce moment-là. »

Grandes ou petites heures du mouvement ouvrier bordelais, Simone Rossignol en était toujours.

« J’ai hérité de mon père la fierté ouvrière et de ma mère l’esprit rebelle des paysans de Dordogne », confiait-t-elle à Jean-Pierre Nercam et Vincent Bordas en 2008.

Dactylo de la Résistance

Engagée dans la chorale des Blouses Bleues afin de récolter des fonds pour les Républicains pendant la Guerre d’Espagne, employée dans une entreprise de construction à Bordeaux, elle se syndique à la CGT après son licenciement en 1935. Devenue secrétaire administrative au syndicat de la Bourse de Travail, elle fut une des premières à occuper le bâtiment fraichement construit au moment de son ouverture, dès mai 1938.

Pendant la Seconde guerre mondiale, Simone Rossignol met à profit ses talents de sténo-dactylo auprès de la Résistance, notamment en rédigeant des tracts et en fournissant de faux papiers. Un engagement qui était, à l’époque, l’affaire de toute la famille Rossignol, comme le raconte son fils Jean :

« Mon père aussi, il était communiste et a été déporté. […] Elle allait voir son frère au camp de Souge, sous ses chaussures, elle glissait des mots pour les résistants, pour les gens qui étaient enfermés… Et puis elle faisait des tracts pendant la guerre, comme sa mère. »

Vincent Bordas témoigne également :

« À la Libération, quand tous les Bordelais et les Béglais sortaient les drapeaux et faisaient la fête, elle attendait le retour de son frère, Jo Durou, qui était encore en camp en Allemagne. […] Ce moment-là, c’était ça pour elle, la reconstruction, mais aussi le décompte des dégâts. C’est une période qui l’a beaucoup marquée. »

Bègles, une ville rouge dirigée par une femme

À la fin de la guerre, Simone Rossignol œuvre à la reconstruction de la ville tout en travaillant à la fédération du Parti communiste en Gironde. D’abord élue conseillère municipale à Bègles de 1945 à 1947 pour l’Union des Femmes Françaises (UFF), elle devient 6e adjointe au maire René Duhourquet en 1959, en charge du logement.

« Il y avait des enjeux sur Bègles qu’elle a découverts et dont on parle toujours, sur l’assainissement et les inondations par exemple. Des travaux très importants ont été réalisés, dont elle était fière. Bègles a été une des villes qui a répondu à cette crise avec des constructions de grands ensembles, en faisant accéder au confort beaucoup de familles, » relate Vincent Bordas.

Lʼéquipe municipale de Bègles sous le deuxième mandat de Simone Rossignol (1977-1982) Photo : DR/CLEM Bègles

Le 19 mars 1971, Simone Rossignol est élue maire de la ville de Bègles. À cette époque, c’est un cas unique dans l’agglomération bordelaise et une rareté en France (1,8% des maires étaient alors des femmes).

« Elle est restée très longtemps la seule maire d’une ville de plus de 20 000 habitants… Il faut s’imaginer la création de la communauté urbaine de Bordeaux par Jacques Chaban-Delmas, avec un équilibre droite/gauche difficile à trouver dans l’agglomération, et dans lequel Bègles dénotait, parce que c’était une ville communiste dirigée par une femme », poursuit Vincent Bordas.

Tournées en solex

En 1984, elle cède sa place à Bernard Moncla (son 10e adjoint), en restant maire honoraire de la commune, avant que Noël Mamère n’accède à la mairie en 1989, marquant la fin de la gouvernance communiste.

« C’était un caractère bien trempé, elle était très soucieuse de lutter contre les exclusions, que chacun trouve sa place dans le débat à Bègles. Aujourd’hui, on parle beaucoup de Bègles village urbain, c’était le fonctionnement de Simone Rossignol, qui était très attachée à son quartier, les Argous. »

Une femme présente avec sa famille aussi, qu’elle réunissait tous les samedis autour d’un repas commun, « jusqu’au dernier moment », souligne son fils Jean. Une proximité qui l’a toujours habitée, dans sa manière d’être avec les habitants, qu’elle passait voir « en Solex, en faisant ses tournées ».

Une exposition avec des photographies et des coupures de presse retraçant sa vie est accessible à la bibliothèque municipale de Bègles, jusqu’au mercredi 22 janvier. Elle sera clôturée par un hommage à 18h30, en présence du maire Clément Rossignol-Puech (sans lien direct de parenté…), avec des lectures théâtralisées d’extraits du livret « Je me souviens » par le Conseil municipal des jeunes (CMJ) de Bègles.



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