Média local avec zéro milliardaire dedans

Féminicide de Chahinez : la première famille de l’accusé témoigne de ses violences

La troisième journée d’audience a été marquée par des témoignages de proches de l’accusé, dont celui de sa première épouse. Comme Chahinez après elle, elle a déroulé une ancienne vie commune dans l’engrenage des violences conjugales.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Féminicide de Chahinez : la première famille de l’accusé témoigne de ses violences
Dans la cour d’assises, la famille de la victime est au premier rang

Pour la première fois depuis le début du procès, Mounir Boutaa montre des signes d’émotion. D’un revers de la main, il chasse une larme. Dans le box des accusés, il a troqué son costume blanc pour une doudoune bleue. À la barre, Séverine, sa première épouse. D’une voix claire et posée, elle raconte l’homme qui a partagé 13 années de sa vie.

Domination, intimidation, violences verbales et physiques… À l’instar de la vie commune avec Chahinez, le comportement de Mounir Boutaa est caractéristique des auteurs de violences conjugales.

Contrôle et possessivité

Séverine, 53 ans, auxiliaire de vie à Floirac, parle d’un « coup de foudre » quand elle rencontre Mounir Boutaa en 2000. Elle voit en lui le futur père de ses enfants. Le couple se marie en juin 2000 et les premiers coups tombent. Anissa naît un an plus tard. Séverine est giflée alors qu’elle allaite sa fille. Face à la cour, la première femme de l’accusé décrit un homme ambivalent :

« Il pouvait être gentil et aimant. Mais quand il buvait, il devenait violent. Ça a été une relation entrecoupée de bonheurs et de malheurs, à cause de sa consommation d’alcool. »

Mounir Boutaa « contrôle tout » :

« Été comme hiver, j’étais en pantalon. J’étais insultée, il était très jaloux. Une fois, il intercepte le message d’un ami sur mon téléphone. Il s’énerve, prends mes affaires et les mets dans des sacs poubelles. »

Séverine emmène sa fille à l’école avec des coquards sous les yeux. Elle demande le divorce en 2011. La procédure traîne. Mounir Boutaa ne veut pas, jusqu’à sa rencontre avec Chahinez en 2015. Sur les marches du tribunal où le divorce est prononcé, une dernière menace :

« Tu as de la chance d’être la mère de mes enfants, sinon je t’aurais tuée. »

Maître Julien Plouton, avocat de la famille de Chahinez, relève des similitudes dans les violences subies d’un côté par sa cliente et de l’autre par Séverine. L’avocate générale, Cécile Kauffman, s’adresse à cette dernière :

« Il [Mounir Boutaa] jetait le froid et le chaud sur vous, exerçait une pression constante. Au nom du ministère public, je considère que vous avez été une femme violentée tout au long de votre vie conjugale. »

Victimes collatérales

Séverine et Mounir Boutaa ont eu trois enfants ensemble. « Le décrieriez-vous comme un homme violent ? » demande la présidente des assises à Anissa, 24 ans, l’aînée du couple, en pleurs à la barre. Elle ne « peut pas » voir son père, le regarder en face.

« Il est violent par amour », répond la jeune femme.

La fratrie est témoin de la violence de Mounir Boutaa. Stélina, la fille de Séverine née d’un premier mariage, en est victime. Adolescente, elle cache son maquillage. Il la frappe quand il découvre qu’elle prend la pilule.

Yazid, le fils du premier couple Boutaa, a 21 ans et trois enfants. Serveur de métier, il s’avance d’un pas déterminé face à la cour. « Je n’étais pas voulu, un accident », raconte t-il :

« Je n’ai manqué de rien matériellement, mais il ne m’a jamais dit “je t’aime”. Dans la culture musulmane, les pères ne sont pas très affectueux car il faut construire un homme. Aujourd’hui mon nom est jeté en pâture, j’ai reçu des menaces de mort. La première victime c’est Chahinez et sa famille, mais personne ne pense aux proches de l’accusé. Mon dernier enfant ne sait pas que son grand-père est en prison, je ne lui ai pas dit. »

Contrairement à sa mère et ses soeurs, Yazid, lui, affronte le regard de son père quand il quitte la barre. Mounir Boutaa baisse la tête.


#féminicide

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile