Au lever du rideau, un personnage s’assoit, puis disparaît. Il revient, disparaît à nouveau. Puis un autre prend place et s’évanouit à son tour. Plusieurs fois. D’autres encore traversent la scène, s’effacent. Des apparitions furtives et répétées. Une suite de fragments qui ressurgissent comme des souvenirs ou des réminiscences de déjà-vu.
C’est ainsi que débute Entre-Temps, la dernière création de Philippe Decouflé, présentée au Carré-Colonnes à Saint-Médard. Ce mardi 15 avril, la première « interplanétaire » – dixit la directrice Sylvie Violan – se joue dans une salle pleine à craquer. Le chorégraphe français, accompagné de sa compagnie DCA (pour Diversité, Camaraderie, Agilité), propose un spectacle généreux et dense, d’une heure quarante.
Cadence et répétition
Autant dire que la résidence de l’artiste et de ses danseuses et danseurs au Carré, depuis le 31 mars, leur a été bénéfique. Philippe Decouflé déploie ici tout ce qui fait sa signature : une narration ludique, une chorégraphie vive, des incursions de cirque, de cabaret, de mime ; un univers singulier nourri par le rêve et la fantaisie.
Entre-Temps se construit en deux parties complémentaires (séparées par un entracte de 12 minutes), où le début de l’une devient la fin de l’autre. La première joue sur la cadence et la répétition : « c’est le temps qui passe et repasse », souffle une voix off, intermittente. Le flot des danseurs avance en boucle, comme dans une foule dense avec O Superman, le tube hypnotique de Laurie Anderson, posé sur l’excellent piano live de Gwendal Giguelay.
On reconnaîtra aussi Philip Glass, Franz Liszt, ou encore Jean-Sébastien Bach… Puis, dans la seconde partie, où émergent des saynètes qui se superposent ou se juxtaposent, La Isla Bonita de Madonna, Dreamer de Supertramp (magnifiquement chuchoté), ou encore I Will Survive de Gloria Gaynor pour l’entrée en scène d’une vingtaine de participants amateurs de Bordeaux Métropole, dans une séquence où « le temps est inversé ».
Une marque de fabrique
Entouré d’une troupe intergénérationnelle – de Dominique Boivin (plus de 70 ans) à Meritxell Checa Esteban (passée par Pina Bausch), en passant par Michèle Prélonge (Régine Chopinot et Mathilde Monnier) – Philippe Decouflé traverse les styles comme les époques, tâtant même des danses bretonnes avec la même fantaisie.
Des éléments de décor et des costumes, recyclés et réinventés à partir de ses anciens spectacles, renforcent la marque de fabrique du chorégraphe, révélée au monde lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’Albertville en 1992. Fidèle à cet esprit, la richesse visuelle et narrative d’Entre-Temps en fait un spectacle joyeux, accessible à tous – dans la lignée de Stéréo (2022), Iris (2003, devenu IIris en 2005), ou Codex (1986).
Entre-Temps est à l’affiche du Carré-Colonnes à Saint-Médard jusqu’au 17 avril (des places restent disponibles pour jeudi), avant de partir en tournée : Biennale de la danse à Lyon, La Villette à Paris, puis Grenoble, Annecy, Antibes, Clermont-Ferrand, Caen, et Luxembourg.
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