Ils étaient une trentaine à être reçus par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) à Bordeaux ce lundi 16 juin. N’ayant pas tous pu monter à Paris à la suite de l’appel national des syndicats CGT, FSU, Sud et CNT, des salariés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et des opérateurs privés de la région Nouvelle-Aquitaine se sont rendus ensemble à une rencontre avec Léopold Maurel, directeur du Service régional de l’archéologie (SRA).
Le projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement débattu à l’Assemblée nationale, avait causé la colère des archéologues français. Il incluait un amendement permettant la dérogation au principe de fouilles archéologiques préventives pour « les projets qualifiés d’intérêt national majeur pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ». Le lendemain d’un mouvement de grève et de manifestation national mené jeudi dernier, l’amendement a finalement été supprimé par les députés.
Une profession attaquée
Mais la communauté archéologique néo-aquitaine ne décolère pas et veut profiter de la dynamique nationale afin de faire front commun contre les atteintes au bon exercice de leur métier.
« Nous subissons des attaques depuis l’année dernière, la loi de simplification n’a été que la goutte d’eau faisant déborder le vase. C’est sûrement le premier mouvement qui rassemble la fonction publique et les opérateurs privés face à un métier passion en perte de sens », constate Benoît Oliveau, agent de l’Inrap et représentant de la CNT.
Ces attaques visent principalement les procédures de diagnostics archéologiques. En effet, lorsqu’un permis de construire est déposé, il revient au SRA de commander à l’INRAP (ou à un service de collectivité territoriale agréé) un diagnostic archéologique s’il y de bonnes raisons de penser que le terrain en question pourrait receler des traces d’anciennes occupations humaines. Cet arbitrage se fonde sur la Carte archéologique nationale, un inventaire des sites reconnus sur l’ensemble du territoire national, permettant d’établir des cartes dites « prédictives » du patrimoine archéologique.
C’est par exemple le cas de la Place Renaudel, où sont menées des recherches archéologiques préventives depuis le mois de mars avant la végétalisation à venir du quartier. De même, le parking-relais de Stalingrad sera bientôt concerné par la procédure en vue des des travaux de renforcement du pont de pierre.
Diagnostics menacés
Mais ces diagnostics sont menacés par la baisse du budget alloué à l’INRAP :
« En 2024, il prévoyait 80 000 jours de diagnostic archéologique, le budget 2025 en prévoit lui 55 000. Grâce au mouvement national on a pu en obtenir 10 000 de plus, mais il nous en manque toujours 15 000 », déplore Benoît Oliveau.
Cette baisse de moyens se traduit par un allongement des délais, avec des particuliers contraints d’atteindre un an après le dépôt de leur permis de construire avant d’être fixés sur le sort de leur construction.
Mais ce problème n’est que l’un des nombreux points de crispation traversant la profession : mise en concurrence des fouilles entre INRAP et opérateurs privés, suppression progressives des fouilles programmées nécessaires à la formation des archéologues en devenir, non-reconduction de de 400 à 600 archéologues en CDD à l’INRAP…
« Maintenir la pression »
Quoique satisfaits par leur « échange constructif » avec Léopold Maurel qui partage leurs constats, les archéologues mobilisés ne comptent pas s’arrêter là :
« On n’était pas là pour obtenir quelque chose du SRA mais pour montrer l’union de la communauté archéologiques et maintenir la pression. On n’est pas à l’abri de nouvelles attaques », rappelle Benoît Oliveau.
Les archéologues attendent le vote de la loi de simplification prévu ce mardi 17 juin à l’Assemblée nationale – car en cas de rejet, l’amendement pourrait ressurgir en commission mixte paritaire. Au delà, ils veulent poursuivre leur mobilisation pour protéger un métier dont ils voient l’avenir se boucher.
Après au moins cinq ans de formation, les jeunes archéologues sont confronté à une précarité de longue durée, ne pouvant pas espérer décrocher de CDI avant environ dix ans de carrière. Une situation qui interroge quant au renouvèlement de la profession et de ses savoir-faire, face au risque de voir de nombreux étudiants se détourner de cette vocation.
« La France a pourtant un système très bien rodé, qu’on est malheureusement en train de mettre à terre pour des raisons idéologiques et budgétaires », conclut Pierre Dumas-Lattaque, responsable d’opération chez Eveha, le principal bureau d’études archéologiques privé en France.
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