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80 ans après Hiroshima, un rassemblement à Bordeaux contre l’épée de Damoclès nucléaire

Sous un ciel menaçant, ce mercredi 6 août, une vingtaine de militants anti-nucléaires se sont rassemblés à Bordeaux, place des Droits de l’Homme, pour commémorer les 80 ans des bombardements américains d’Hiroshima et Nagasaki et avertir d’une montée des risques de conflit nucléaire.

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80 ans après Hiroshima, un rassemblement à Bordeaux contre l’épée de Damoclès nucléaire
Une militante de l’association Tchernoblaye brandit une banderole anti-nucléaire. (TM/Rue89 Bordeaux)


Que reste-t-il des drames d’Hiroshima et de Nagasaki, les deux bombardements américains qui ont fait entre 110 000 et 210 000 morts les 6 et 9 août 1945 au Japon ? « Pas grand chose » souligne l’un des militants anti-nucléaires venus commémorer les 80 ans de ces tragédies. Ce mercredi matin, à ses côtés, ils sont une vingtaine à se recueillir sur le parvis des Droits de l’Homme, rebaptisé temporairement place de l’Ukraine, il y a trois ans.

La plupart sont des membres de l’association Tchernoblaye. Depuis 1999, et la tempête qui a provoqué un accident à la centrale nucléaire de Blaye, à Braud-Saint-Louis, ce collectif revendique la fermeture du site, et s’oppose à l’utilisation industrielle et militaire du plutonium.

Alice Monier, la secrétaire générale de 71 ans, est venue prêter main forte pour afficher les premières banderoles. Cette ancienne membre du comité de soutien aux objecteurs de conscience bordelais dans les années 1970 est restée fidèle à sa réflexion antimilitariste.

« Mais aujourd’hui, ce n’est pas une action militante, c’est une commémoration » insiste-t-elle. Sur un drap blanc, étendu par deux bâtons de bois, une banderole affiche « abolition des armes nucléaires ». Un peu plus loin, sur un bidon repeint aux couleurs du symbole jaune et noir de l’alerte, une pancarte présente une photo du champignon nucléaire.

Un risque toujours d’actualité

« Nous sommes tous sensibles aux dégâts humains qu’ont causés ces bombes nucléaires. Et aujourd’hui, nous manifestons pour avertir que nous sommes au bord d’une guerre nucléaire, dans un contexte international effrayant. »

Hélène Paulais, 70 ans, est membre de l’association depuis une dizaine d’années. Ce matin, elle n’est pas venue simplement avoir une pensée pour les centaines de milliers de victimes japonaises. Elle veut que l’on « se souvienne pour apprendre », pour comprendre que le risque nucléaire est toujours d’actualité, 80 ans après.

Comme elle, d’autres manifestants font référence aux conflits armés internationaux actuels. Celui entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances détenant la bombe, entre Israël et l’Iran autour de la question de l’armement nucléaire de Téhéran, ou entre l’Ukraine et la Russie dans lequel Moscou et les États-Unis ajoutent un parfum de nouvelle Guerre froide. Donald Trump n’a d’ailleurs pas hésité à ordonner le positionnement de deux nouveaux sous-marins nucléaires pour menacer la Russie.

Ces conflits rappellent que le danger n’a pas été écarté, malgré le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968 ou celui de l’interdiction des armes nucléaires adopté à l’ONU par 122 États en 2017, avec le soutien de la Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN).

« Depuis des années, on nous explique que les armes nucléaires ont une portée dissuasive, qu’elles empêchent les guerres. Pourtant, elles n’ont pas empêché les conflits dégueulasses qui se déroulent depuis 80 ans et qui continuent de sévir aujourd’hui encore. En voyant les images aériennes de Gaza, j’ai l’impression de voir celles d’Hiroshima », s’émeut Jacques Raimbault, militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

Alice Monier, secrétaire générale de l’association Tchernoblaye (en bleu) prend la parole, suivie de l’adjointe au maire Céline Papin (en jaune) (TM/Rue89 Bordeaux)Photo : TM/Rue89 Bordeaux

« Culture de paix »

Adjointe au maire chargée des coopérations territoriales, européennes et internationales, Céline Papin s’est aussi associée à cette cause, rappelant son soutien aux associations locales qui avertissent des dangers que font peser l’épée de Damoclès nucléaire.

« Le nucléaire, militaire comme civil, est un sujet qui nous préoccupent, tant sur le volet écologiste que sécuritaire. Nous sommes donc présents par devoir de mémoire, pour que ça ne se répète pas », confirme l’adjointe au maire. 

« Il faut développer et promouvoir une culture de paix au niveau local. La municipalité a un rôle d’éducation pour préparer la jeunesse à ces questions nucléaires et les informer sur les dangers, même si notre rôle est tout de même limité sur ces enjeux internationaux », poursuit-elle.

Mais elle prêche des convaincus. Sur la place, la vingtaine de militants connaît les risques et les enjeux, tandis que les jeunes brillent par leur absence.

« Entre la disparition des derniers survivants, et la méconnaissance du sujet, la question du nucléaire est aujourd’hui délaissée par les plus jeunes générations, regrette Céline Papin. Je suis persuadée que si nous questionnions des jeunes bordelais sur les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, nous constaterions qu’ils ne mesurent pas le nombre de victimes que ça a représenté, ni la menace qui plane encore aujourd’hui sur le monde ». 

Une mémoire à entretenir

Alors, nous avons relevé le défi. Cours d’Albret, Mathilde, 15 ans et Thibault, 16 ans, ne sont pas trop loin du compte, avec respectivement 300 000 et 60 000 morts. « On l’apprend en Histoire au collège, mais c’est à la toute fin du programme et c’est plutôt anecdotique », confirme Mathilde. Le combat anti-nucléaire n’est indéniablement pas à la mode. Et le devoir de mémoire semble s’être évaporé au fil des années.

« Je suis né en plein milieu de la protestation anti-nucléaire à l’après-guerre, dans les années 1950. Les jeunes générations, elles, sont très éloignées de cette problématique. Il y a une grande ignorance du sujet qui a été balayée par de nouvelles préoccupations modernes, plus écologiquese, suppose Alice Monier de l’association Tchernoblaye. 

Elle rappelle que chez les écologistes, « un courant qui prétend que le nucléaire est une énergie alternative envisageable » et que « beaucoup, dont des scientifiques, sont influencés par Jean-Marc Jancovici », l’ingénieur selon lequel l’énergie nucléaire est indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique.

80 ans après que « Little Boy » ait frappé la ville d’Hiroshima, la menace plane et les combats anti-nucléaires se sont transformés, adaptés à leur temps. Quoi qu’il en soit, les militants bordelais sont formels : le plus important est de ne jamais oublier. 


#Hiroshima

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