Il est 21 h ce lundi 8 septembre, les batuquieros rangent tambours et timbales, les pancartes sont pliées, les chants s’estompent. Plus tôt dans la soirée, ils étaient un peu moins de 300 personnes sur la place Pey-Berland à lever leur verre au départ de François Bayrou. Le Premier ministre n’a pas obtenu la confiance du parlement (194 voix contre 364). Une chute que de nombreux militants savourent.
Au moment de l’annonce, un brouhaha s’est élevé sur le parvis de la mairie au rythme des notifications sur les smartphones. Beaucoup se félicitent de ce résultat, certes attendu, autour d’une sangria vendue à prix libre. Ce soir-là, il n’y aura pas d’échauffourées, ni de porte brûlée. Un camion de police, discret, est garé loin du rassemblement.
L’ambiance y est bon enfant. Une fanfare entraîne le public sur des airs et des paroles explicites :
« T’es expulsé, de ton fauteuil à Matignon, et même si ça te rend grognon, t’arrêteras de nous faire chier ! »
« Naissance d’un mouvement de contestation »
Ronan* (*pseudonyme), 33 ans, bibliothécaire de formation au RSA depuis quelques mois, est un ancien militant d’Extinction Rebellion. Il contemple la petite foule qui se constitue devant lui et se délecte de ce « zbeul général ».
« Que les gens s’organisent, ça me remonte le moral. Le rassemblement festif comme celui-là, c’est ça que je trouve cool et qui m’a donné envie de venir », se réjouit celui qui critique François Bayrou sur l’affaire de Betharram.
Sylvie*, au syndicat FSU et enseignante à Cenon, affiche un grand sourire et dit attendre « maintenant une politique sociale qui nous permette de nous soigner, de nous éduquer, de vivre mieux… » Elle ne voit qu’une solution : « Il faut une dissolution. Macron n’est pas légitime tout comme ceux qu’il nomme au gouvernement. »
Jean, ancien militaire, Patrick et Olivier* retraités de la fonction publique, tous trois syndiqués à la CGT, ne cachent pas leur espoir d’ « une présidentielle anticipée ; ça clarifierait les choses ».
Monica Casanova, conseillère municipale d’opposition (NPA) de Lormont, prend la parole pour galvaniser la foule et lui donner rendez-vous le 10 septembre :
« C’est la naissance d’un mouvement de contestation pas seulement du gouvernement actuel mais celui à venir. Il faut aller vers un gouvernement de travailleurs qui contrôlera l’économie pour qu’on prenne nos affaires en main. »
Nouvelle chute d’un gouvernement
Le gouvernement de François Bayrou a subi une sévère défaite dans le cadre du vote de confiance à l’Assemblée nationale. Ce résultat marque la troisième chute d’un gouvernement sous la Ve République en moins d’un an, reflétant une instabilité politique d’une rare intensité.
Le Premier ministre nommé en décembre 2024 avait défendu un plan d’assainissement des finances publiques – coupes dans les dépenses, hausses d’impôts, ou encore suppression de deux jours fériés – totalisant 44 milliards d’euros. Ses mesures d’austérité ont suscité l’unanimité contre elles parmi les forces politiques, du RN jusqu’à la gauche en passant par quelques macronistes et LR du « bloc central ».
Ce rejet a précipité sa démission annoncée pour ce mardi. Avec une Assemblée où aucun groupe ne détient la majorité, le président Emmanuel Macron se retrouve dans l’obligation de nommer un nouveau Premier ministre et, éventuellement, de dissoudre et convoquer de nouvelles élections législatives.
Réactions des élu.es
La majorité des 12 députés girondins avaient annoncé la couleur. Le socialiste Sébastien Saint-Pasteur a fait savoir dans un communiqué son vote contre. « Ce choix n’est pas un refus systématique, mais l’expression d’une conviction : il est indispensable que le Parlement retrouve sa pleine capacité d’action et d’arbitrage » écrit le député de la 7e circonscription, pour qui « le temps est venu d’ouvrir de nouvelles portes ».
« S’en est fini de ce gouvernement illégitime, autoritaire et déconnectés du service au peuple », abonde la LFI Mathilde Feld sur Bluesky, Loïc Prdu’homme qualifiant « le discours d’adieu [de François Bayrou] malaisant de médiocrité et de contre-vérités ».
Sur X, dès l’annonce de la chute du gouvernement, Nathalie Delattre s’est dit « très inquiète de la situation politique […] où les oppositions choisissent la posture au détriment de l’intérêt général ». Selon la ministre du tourisme (encore pour quelques heures), seule Girondine dans le gouvernement Bayrou, « le pays devra trouver un contrat de législature pour avancer et adresser les grands enjeux de notre temps ».
« Le rejet du vote de confiance ne laisse plus d’alternative ! » écrit quant à lui le macroniste Thomas Cazenave. « Les partis de gouvernement doivent assumer leurs responsabilités et faire des compromis pour garantir la stabilité du pays jusqu’en 2027 », ajoute-t-il.
Au micro de France Info, Edwige Diaz imagine que des législatives anticipées porteront le Rassemblement national au pouvoir avec « un programme de rupture [qui] redonnera espoir au Français ». Parmi ses arguments, on retrouve sans surprise, « l’arrêt de l’immigration massive » et « la baisse de notre contribution à l’UE ».
Un nouveau premier ministre « dans les tout prochains jours »
La chute de François Bayrou s’inscrit dans une trajectoire personnelle jalonnée de tentatives infructueuses vers les sommets du pouvoir. Après trois candidatures présidentielles (2002, 2007, 2012) conclues par des éliminations au premier tour, le maire de Pau avait bâti sa réputation sur l’image d’un arbitre du centre, sans jamais réussir à fédérer durablement autour de lui. En 2017, il avait adoubé Emmanuel Macron, qui était lui parvenu à faire l’alliance des centres gauche et droite.
François Bayrou avait succédé à Michel Barnier contraint le vendredi 5 décembre 2024 de présenter sa démission après une motion de censure adoptée par une large majorité à l’Assemblée nationale. Son soutien à des projets controversés comme la loi Duplomb a accentué l’impression d’un Premier ministre incapable de rassembler ou de négocier efficacement avec l’Assemblée.
La déroute du Béarnais intervient alors que la dette publique a atteint 114 % du PIB, et qu’à la crise financière s’ajoute les défis géopolitiques – guerres en Ukraine et à Gaza, volonté de la France reconnaitre un État palestinien – accentuant la nécessité d’un gouvernement stable. Emmanuel Macron a promis de nommer le prochain Premier ministre « dans les tout prochains jours ».
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