Policiers et huissiers étaient présents ce matin de mardi 28 octobre. À deux pas du parc de l’Ermitage à Gradignan, une famille d’origine roumaine a été expulsée du logement qu’elle occupait depuis un mois. Elle est composée de cinq personnes : un couple, leur fille et son mari et leur petite fille.
« Les policiers sont entrés avec une société de sécurité privée. Les hommes étaient partis au travail. Les femmes et la petite qui dormaient ont eu peur », témoigne Gaëlle, bénévole venue porter assistance.
Une expulsion rendue possible par la loi Kasbarian-Bergé
Le logement appartient au bailleur social Domofrance. Arrivée après l’intervention, Gaëlle raconte avoir vu l’huissier et les forces de l’ordre condamner les accès. Une expulsion qui n’aurait pas dû avoir lieu à ce moment-là, selon Maître Paul Cesso, avocat de la famille, qui affirme avoir engagé les démarches juridiques nécessaires dès la semaine précédente :
« Une mise en demeure a été adressée le lundi 20 octobre. On avait déposé le recours en référé-suspension dès le vendredi, donc normalement ça devait bloquer l’expulsion. Mais le tribunal n’a pas prévenu la préfecture, et quand j’ai eu les policiers au téléphone le matin même, ils n’ont rien voulu savoir. »
« Tout le monde se renvoie la balle », déplore Gaëlle, évoquant une situation qui touche une enfant de 7 ans. De son côté, Éric Mangiarotta, directeur de la qualité de service et de la proximité chez Domofrance, s’en tient aux « attributions [de logements qui] obéissent à des règles précises ».
« Si tout le monde agit ainsi, on ne s’en sortira pas. Des dizaines de familles, elles aussi en difficulté, attendent leur tour », déclare-t-il à Sud Ouest.
La préfecture de la Gironde assure pourtant avoir agi dans le cadre légal. Invoquant la loi du 27 juillet 2023, dite « Kasbarian-Bergé », qui autorise une évacuation sans procédure judiciaire, l’autorité préfectorale affirme avoir pris un arrêté le 8 octobre, « mettant en demeure les occupants sans droit ni titre », notifié à la famille le 20. « La date d’évacuation leur a également été communiquée en amont », précise-t-elle.
« Sur le bord de la route »
Impuissante, la famille a donc assisté au ballet des policiers. Gaëlle affirme que les occupants avaient « entièrement nettoyé l’habitation, qui était dans un état catastrophique ». La jeune fille était scolarisée à Gradignan. « Avec sa mère et sa grand-mère, elles étaient complètement perdues, au bord de la route », poursuit la bénévole.
Une situation confirmée par Léonard Velicu, médiateur social pour l’association Eurrom, également présent sur place au moment de l’expulsion. Il décrit une évacuation « passée dans le calme » avec l’intervention d’ « une dizaine d’agents environ ».
Le médiateur précise qu’après l’intervention, la famille a obtenu quatre nuits d’hôtel à Lormont, dans le cadre d’un hébergement d’urgence coordonné avec la préfecture.
« On a demandé qu’un diagnostic social soit fait, la famille y est éligible. Elle pourrait être intégrée dans un dispositif d’hébergement pour les familles sans solution », ajoute Léonard Velicu.
« Les occupants ont refusé le diagnostic », affirme pour sa part la préfecture, qui précise avoir missionné le COS Foyer Claude Quancard, lequel s’est rendu sur place « en vue de les orienter vers un dispositif de logement ou d’hébergement ».
« Vu le délai, cela va être très difficile de trouver une solution rapide », déplore Léonard Velicu. « Nous n’avons reçu la notification que ce mercredi 29 octobre, avec une audience prévue le 11 novembre. Mais désormais, c’est trop tard », poursuit-il, soulignant la difficulté d’intégrer la famille dans le dispositif de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (Mous), un programme d’accompagnement qui vise à soutenir les ménages en grande précarité dans leurs démarches de relogement et d’insertion.
L’expulsion est survenue à quelques jours du début de la trêve hivernale, en vigueur chaque année du 1er novembre au 31 mars.

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