Ouigo ambitionne de transporter 30% de clients en plus à l’horizon 2030. Pour se faire, la filiale à bas prix de la SNCF a présenté sa stratégie, ce jeudi lors d’une conférence de presse à Paris. Elle repose en partie sur la création de nouvelles dessertes TGV, entre autres en relançant la ligne Bordeaux-Lyon abandonnée par la compagnie ferroviaire en 2013.
Prévue d’ici mi 2027, Ouigo proposera donc un aller-retour journalier toute l’année via Massy , gare TGV de l’Essonne, au sud de l’Île-de-France, Saint-Pierre-des-Corps, Poitiers et Angoulême, pour un temps de parcours d’environ 5h, soit deux heures de moins que celle qui passait par le sud du pays.
De quoi proposer une alternative à l’avion entre les deux métropoles, desservies par trois compagnies aériennes. « On s’engage sur une bataille modale, avec un prix et un temps de parcours compétitifs. Avec le modèle Ouigo, cette ligne a plus de chance de fonctionner qu’il y a dix ans », déclare au Monde Jérôme Laffon, directeur de Ouigo, qui espère un million de voyageurs sur ce Bordeaux-Lyon.
Ouigo veut aussi occuper le terrain face aux concurrents sur le TGV, notamment Velvet et Le Train, qui espèrent lancer en 2028 des liaisons sur la façade Atlantique. La branche à bas coût de la SNCF a d’ailleurs également annoncé ce jeudi la création dès le 14 décembre 2025 d’une nouvelle ligne Paris-Hendaye, via Dax, Bayonne, Biarritz et Saint-Jean-de-Luz, offrant ainsi un aller-retour supplémentaire chaque jour entre Paris et Bordeaux.
« Pas la route naturelle »
Cette « offre densifiée » entre la capitale et les régions ne satisfait toutefois pas tout le monde, notamment les élus et associations d’Auvergne et du Limousin. « La nouvelle aberration signée SNCF », tique ce jeudi dans un communiqué le Collectif AuRAil, qui rassemble 20 organisations d’usagers d’Auvergne Rhône Alpes. Il indique que cette nouvelle liaison Bordeaux-Lyon fera 930 kilomètres, « plus du double de la distance à vol d’oiseau ».
« Quoi de plus direct ? Quoi de moins polluant ? Quoi de plus respectueux des territoires du Massif central ! La petite déviation renforce de plus l’étoile ferroviaire parisienne, ignore la géographie et surtout les pays qu’elle ne traversera pas, alors que la liaison peut s’effectuer en Ouigo “classique” (rames Corails existantes aménagées) sans investissements sur l’infrastructure sur plusieurs tracés d’environ 500 km via St-Germain-des-Fosses, via Clermont-Ferrand par Ussel ou via Le Puy en Velay et Aurillac.. »
Frédéric Aguilera, maire de Vichy (Allier) et vice-président chargé des Transports au conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, avait également déclaré sur X ne pas comprendre « l’obsession de contourner le Massif central ». Interrogé par l’AFP, Renaud Lagrave, vice-président aux transports du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, se montre également ironique :
« Tant mieux pour ceux qui veulent faire du Bordeaux-Lyon, qui auront une offre possible. Mais la vérité m’oblige à dire que ce n’est quand même pas la route naturelle. J’aurais préféré que la SNCF annonce des travaux sur la ligne qui est actuellement fermée. Il y a des territoires ruraux qui auraient pu être mieux desservis grâce à ces transversales, et on sait bien que dans notre pays, les transversales, elles n’existent pas beaucoup ».
Ressusciter la ligne Intercités
Les Régions Nouvelle-Aquitaine et AuRA demandent par là une remise en service du train Intercités, qui jusqu’en 2014, assurait la ligne Bordeaux-Lyon, et que Railcoop voulait ressusciter. « On ne peut pas y répondre avec du train à grande vitesse. Cette question doit être traitée par les autorités organisatrices », leur a répondu à distance Alain Krakovitch, directeur des TGV et Intercités à la SNCF. C’est à dire par l’Etat, qui contribue au financement des lignes Intercités, déficitaires.
Pour la FNAUT (fédération nationale des usagers des transports), « opposer les deux itinéraires [NDLR : le TGV Bordeaux-Lyon via Massy et l’Intercités via le Massif central] n’a aucun sens, les besoins de déplacements à satisfaire étant différents et complémentaires. »
« Pour la liaison entre les deux métropoles, le choix d’une relation TGV s’impose : il est possible de les relier en un peu plus de 4h. S’agissant d’une liaison librement organisée par la SNCF, celle-ci est de sa seule initiative et elle ne reçoit aucune subvention d’exploitation : elle doit assurer sa rentabilité. En revanche, les territoires situés entre ces métropoles doivent être desservis, à la fois vers ces deux métropoles et entre les villes intermédiaires (Roanne, Vichy, Clermont Ferrand, Montluçon, Limoges, Périgueux…). »
Cette ligne Intercités pourrait techniquement voir le jour « dès que la rénovation de la voie entre Gannat et Commentry sera achevée, dans le cadre du projet de mine de lithium à Echassières ».
« Mais l’issue de cette demande est incertaine, poursuit l’association. En attendant, il est possible d’assurer dès maintenant des relations en mettant en correspondances les TER AuRA avec les TER Nouvelle-Aquitaine à Montluçon. Il est nécessaire et urgent que les régions Aquitaine et AuRA se coordonnent. Une telle mesure, peu coûteuse, permettrait de rétablir des relations utiles aux territoires traversés, par exemple Clermont/Bordeaux, Clermont/Limoges ou Limoges/Montluçon/Lyon. »
Mais nécessiterait là aussi quelques moyens dont ne disposent pas forcément les Régions actuellement.
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