Média local avec zéro milliardaire dedans

Appel aux ministres de la justice et de l’intérieur : respectez la liberté de la presse, renforcez le secret des sources

Plusieurs médias, collectifs, sociétés de journalistes et syndicats ont signé un appel adressé aux ministères de la Justice et de l’Intérieur, leur demandant de garantir la liberté de la presse et de renforcer la protection du secret des sources. Rue89 Bordeaux figure parmi les signataires.

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Appel aux ministres de la justice et de l’intérieur : respectez la liberté de la presse, renforcez le secret des sources
« Le principe de la liberté de la presse n’est pas moins essentiel, n’est pas moins sacré que le principe du suffrage universel. Ce sont les deux côtés du même fait. Attenter à l’une, c’est attenter à l’autre. » V. Hugo – Dessin de Claire Robert

Il y a près d’un an, 110 médias et organisations interpellaient le gouvernement pour réclamer une réforme de la loi de 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes. Les contours flous de ce texte et l’absence de véritables garde-fous ont facilité des atteintes à la liberté de la presse depuis 15 ans. Pour rappel, au moins 27 journalistes ont été convoqué·es ou placé·es en garde à vue par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon un décompte réalisé par le journal Télérama.

Depuis notre courrier, les intimidations contre la presse n’ont pas cessé : elles ont franchi un cran supplémentaire. Alors que l’État français a été condamné en 2023 pour l’arrestation illégale d’un journaliste couvrant une action écologiste, la police a à nouveau reçu l’ordre d’interpeller et placer en garde à vue, le 1er juillet, le journaliste Enzo Rabouy quinze jours après qu’il ait couvert une action militante en marge du Salon du Bourget.

Le parquet général poursuit également son acharnement contre Ariane Lavrilleux, la journaliste de Disclose et membre du groupe de travail sur le secret des sources à l’origine de cet appel. L’AFP nous apprend que le parquet général de la cour d’appel de Paris a fait appel de la décision de non-lieu rendu par la juge d’instruction. Alors que la justice a reconnu l’intérêt public des révélations de Disclose sur l’opération militaire secrète de la France au profit de la dictature égyptienne, la journaliste pourrait être renvoyée devant un tribunal, plus de deux ans après avoir subi une garde à vue, une perquisition et des mesures disproportionnées de surveillance.

Une autre procédure judiciaire vise le journaliste Philippe Miller, à la suite d’une plainte pour vol de données déposée par un cabinet d’avocat dont le journaliste avait relaté les pratiques douteuses. Pour contester la saisie de son ordinateur et matériel professionnel, Philippe Miller a tenté d’opposer le secret des sources. Mais la juge des libertés et de la détention a validé l’atteinte au secret des sources, en considérant que la simple existence d’une enquête pénale relevait bien d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ». Si n’importe quelle enquête pénale permet de lever le secret des sources, ce dernier n’existe plus.

Enfin, les vidéos policières révélées par Libération et Mediapart démontrent que les forces de l’ordre déployées à Sainte-Soline ont multiplié les tirs illégaux et ont visé, en toute connaissance de cause, des journalistes qualifiés de « pue-la-pisse ». Lors des manifestations du 10 septembre, Reporters sans frontières a recensé sept cas de journalistes entravés physiquement, dont certains blessés par des éclats de grenade. Le 17 novembre, plusieurs journalistes de Reporterre, Blast et Libération ont été violentés par les forces de police et gazés à bout portant alors qu’ils couvraient une action de désobéissance civile menée par plusieurs ONG sur le site normand du géant de l’agrochimie BASF.

Ces attaques inacceptables dans un État de droit sont le résultat d’une année d’immobilisme du gouvernement. Qu’est devenue la promesse de Rachida Dati, lors des États généraux de l’information, d’un projet de loi qui garantit le droit à l’information ? Ce projet est pour l’heure gardé secret.

Le groupe de travail avait été reçu en février par le cabinet du premier ministre, puis au début de l’été par le ministère de la justice afin de discuter de nos propositions et de remettre une note d’analyse détaillée sur leur application concrète. Pour rappel, nous voulons :

• Mieux encadrer les conditions de la levée du secret des sources, qui est aujourd’hui possible dans le cas, mal défini, d’un « impératif prépondérant d’intérêt public »
• Exiger une autorisation par un·e juge indépendant·e avant toute levée du secret des sources
• Étendre le secret des sources aux collaborateur·ices de médias, réalisateur·ices et auteur·ices de livres ou documentaires
• Permettre à tou·tes les journalistes de se défendre face à une violation du secret de leurs sources, en créant une voie de recours
• Renforcer les voies de recours et sanctions en cas de violation du secret des sources

La protection des sources n’est pas une coquetterie corporatiste. Elle est « la pierre angulaire de la liberté de la presse », la condition indispensable d’un droit effectif à l’information de toute la population. Il est donc urgent que le projet de loi donne lieu à un débat public, ouvert et parlementaire le plus rapidement possible.

Par cet appel auquel se joignent 131 médias, sociétés de journalistes, syndicats et organisations, nous réclamons également aux ministres de la justice et de l’intérieur qu’ils formulent, dès à présent, des instructions écrites aux fonctionnaires afin de faire respecter la liberté de la presse telle qu’encadrée par la loi de 1881, ainsi que par la jurisprudence des tribunaux français et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme.


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